Au bord du lac

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Le jeune futur Gardien s’était amusé à appuyer très volontairement les deux syllabes de ce terme que Duncan détestait tant. Il espérait que jamais il ne prononcerait ce terme en public. Il préféra cependant ne rien dire, prenant la route du centre du village avec son nouveau camarade. Ensemble, ils discutèrent de leurs études respectives, de ce qu’ils aimaient faire. Au fur et à mesure que Duncan passait du temps avec Yoshimitsu, il remarquait que ce dernier était bien plus sensible et naïf qu’il n’y paraissait. Il avait une certaine candeur et innocence dans ses propos. Ils commandèrent à manger ensemble et se dirigèrent vers un lieu que semblait particulièrement apprécier Yoshimitsu. Dans le village, une forêt dense cachait un lac et un lieu où l’on pouvait sentir une forte densité magique. Le lieu de repos et de méditation parfait pour un mage. On y entendait la nature, on pouvait admirer la vue et surtout le calme. L’un et l’autre vinrent se placer au bord de l’eau, venant tremper leurs pieds nus dans l’eau.

« - C’est des péniches royales que t’as. Et des péniches royales poilues monseigneur. lança-t-il à son camarade sur un ton de moquerie.

- Et alors ? Où est le problème à être poilu. T’es jaloux parce que t’es imberbe je suis sûr. Et si tu me cherche trop tu vas finir la tête à l’eau la tête sous mes pieds ! Je t’ai dit, il n’y a pas besoin de terme royal avec moi. Surtout que… il se stoppa à nouveau, levant la tête.

- Surtout que quoi ? Et essaye toujours. Tu finiras au moins autant trempé que moi. Si ce n’est plus ! J’ai de la réserve tu sais. répondit le Gardien, ayant presque un air de défi.

- C’est quoi ton Démon Yoshi ? demanda le mage, ignorant la question ainsi que la provocation.

- C’est ça change de sujet. grommela-t-il en réponse.

À vrai dire. Je ne sais pas encore. Selon mon père mes parents n’avaient pas hérité de Démon. Et comme ces machins là ça peut sauter plusieurs générations… soupira Yoshimitsu.

- Mais tu m’as pas dit que tu ne savais rien de ton géniteur parce que ton père ne le connaissait pas ? releva Duncan qui essayait tant bien que mal de suivre.

- Si si. C’est aussi pour ça que le soupçonne de me cacher la vérité à son sujet. Ça devait-être un crétin, ou quelqu’un d’important ou les deux. Imagine, en fait, je suis ton frère mais tu ne le sais pas ! annonça le Gardien avec un sourire radieux presque sérieux.

- Rêves pas. Même illégitime, mon père t’aurait gardé avec lui. Il aime trop contrôler sa famille pour ça. Mais au fond, il ne se soucie pas plus que ça de nous… Crois-moi, mieux vaut pour toi qu’il ne soit pas ton père. Puis je ne suis pas très famille. Et si on n’est pas frère c’est mieux non ? Tu peux être mon serviteur sans que ce soit vu bizarrement ! répondit le mage avec une pointe d’humour.

- Serviteur. Non mais ce qu’il ne faut pas entendre. Je ne suis pas une bonne à tout faire… grogna Yoshimitsu avec un air faussement énervé.

- Qui a dit que tu serais là pour le ménage ? dit Duncan avec un ton et un regard déplacé.

- Hmppf. pouffa le Gardien en rougissant d’un coup, ne s’attendant pas à de pareilles avances.

- T’es mignon quand tu rougis comme ça tu sais ? Bien que ça détruise totalement l’image que tu tentes désespérément de faire passer auprès de moi. ajouta-t-il d’un air taquin.

- Tais-toi… le tien toujours pivoine, le jeune adolescent n’osait pas répondre.

- Je note que tu n’as pas dit non. poursuivi Duncan d’un ton amusé.

- Non, si j’ai dit… enfin non pas que … Mais… Rah tu m’énerve. répondit finalement Yoshimitsu en balbutiant totalement.

- Je ne te lâcherais pas donc. Et sinon, si tu ne sais pas quel pouvoir tu as, une idée ou une envie à ce sujet ? demanda le mage, curieux de voir si son nouvel ami avait des idées aussi farfelues que lui.

- Si j’avais le choix tu veux dire ? Je n’y ai jamais vraiment réfléchi en fait… L’ironie de ma situation aurait pu me faire penser que j’hérite du Démon qui ne se transmet qu’une fois par siècle mais je ne suis pas un personnage de fiction et franchement ça ne serait pas un cadeau. A vrai dire, je n’aurais pas eu la confirmation des autres j’aurais pensé être né Enhet. Je n’ai à ma connaissance pas de vice prédominant. Si, je déborde d’espoir, d’ambition et un peu de confiance en moi aussi. Mais je ne crois pas qu’il existe un démon de l’espoir et mes autres défauts ne sont pas assez prédominants pour ça. Tu prends mon maître par exemple, c’est évident. Il se tourmente tout le temps. J’ai déjà vu à l’œuvre son pouvoir d’ailleurs et c’est fou. J’aimerais devenir aussi fort que lui déjà. Et du coup, si je devais choisir un pouvoir se serait peut-être le sien… D’une certaine façon j’aurais aimé être vraiment son fils tu vois ? confessa le jeune Gardien.

- Hé bien. C’est plutôt mature comme réflexion en fait venant de toi. Puis au fond, tu sauras bien assez tôt, d’ici quelques jours tu auras ton rituel. D’ailleurs, je me demande comment ça se passe ce truc-là. Je ne t’envie pas en tout cas. Y a bien que les Gardiens et les mères pour réussir à porter aussi longtemps un tel fardeau... répondit-il en baissant le regard pensif.

- Tu te vois réellement comme un fardeau ? Ou c’est une image ? Moi je te trouve cool et sympa. Bon, en même temps je n’ai pas énormément d’amis comme toi. Mais, je ne sais pas, comme dirait mon père, j’ai une intuition. »

Sa manière d’être, de se comporter, de réagir à ses propos. Tout chez Yoshimitsu semblait attirer Duncan. Il dévisageait le garçon qui semblait resplendir de bonheur. Les yeux mi-clos, il fixait le soleil tout en semblant penser sincèrement tout ce qu’il venait de dire. Jamais le mage n’avait entendu quelqu’un lui parler de la sorte. Touché par le soleil comme ça, les cheveux du garçon donnaient un reflet blanc merveilleux qui collait bien à son teint. Duncan ressentait toute l’intensité qui ressortait des affirmations de son ami. Il vint alors se mettre sur ses genoux, prenant Yoshimitsu dans ses bras pour le serrer. Un tel cadeau se devait d’être préservé, coûte que coûte. Jamais il ne devrait faire perdre ce sourire étincelant qu’il venait de lui offrir. Et c’est avec une certaine niaiserie que Duncan prononça les mots suivants.

« - Tu m’as confirmé ce que je pensais. Je te veux et je t’aurais. répondit Duncan avec un sourire aux lèvres.

Et juste, au cas où tu n’aies pas compris… »

Il déposa ses lèvres contre celles du futur Gardien, volant un baiser à ce dernier. Faisant rougir à nouveau Yoshimitsu avant de se décoller pour que ce dernier puisse revenir de lui-même à la charge. Un échange plus intense eut lieu alors entre les deux garçons. Duncan était ravi. Il avait à la fois gagné la confiance et le cœur de son nouvel ami mais en plus, désormais, il n’aurait aucun mal à accomplir la mission qui lui avait été confié. Son secret resterait sauf grâce à cet acte. Cependant cette amitié et cette liaison étaient basées sur tellement de mensonge et de non-dits. Comment Duncan pourrait-il lui dire maintenant ? Il semblait l’admirer tellement. Et bien qu’il ait atteint la récompense qu’il voulait, il sentait au fond que quelque chose manquait.

Il n’eut pas trop le temps d’y penser cependant, une bataille d’eau se lançant entre les deux garçons, chacun finissant parfaitement trempés. Il avait l’air malin maintenant. Ses affaires de rechanges étant entre les mains des gardes il ne savait trop quoi faire. Yoshimitsu lui proposa cependant de le suivre jusqu’à chez lui et de voir avec sa mère adoptive pour lui prêter une tenue. Faisant la course, arrivant finalement dans la maison et rencontrant la dénommée Yuki, cette dernière lui prêta un des kimonos de son époux. Il était ample et bien trop grand pour le professeur. Les deux garçons montèrent donc dans la chambre de Yoshimitsu pour se changer. Chacun se déshabilla sans trop de pudeur. Duncan ne pouvait s’empêcher de rester à observer le corps dénudé de son partenaire qui lui tournait le dos. Ôtant ses propres affaires, ne gardant qu’un simple boxer, il se tourna finalement afin de montrer sa marque parfaitement visible à celui qui se retournait vers lui. Yoshimitsu déglutit en l’observant.

« - Ce n’est pas le Lys royal ? Pourquoi est-il… ? demanda le Gardien sans finir sa phrase.

- Je te l’ai dit. Je n’ai aucun droit sur le trône. soupira Duncan qui s’allongea en tailleurs en se tournant vers son ami.

- Oui, c’est parce que tu n’es pas le premier né non ? C’est ce que tu m’as dit. souligna le garçon en s’asseyant sur son lit.

- Non, je t’ai menti. Enfin, non pas vraiment. Je veux dire, je ne suis pas le premier né, mais quand bien même ça serait le cas je n’aurais pas plus de droits. Tu te souviens quand je t’ai dit que même illégitime il te garderait ? Je pensais à moi. Je suis un bâtard. Pas un enfant royal. En dehors du Palais je me la joue, j’use l’image de la famille alors qu’au fond c’est interdit tu vois ? Si la famille royale apprenait que je fais croire que j’en suis un héritier, je finirais transformé en statue doré. Mon père n’a jamais été très sentimental. Il m’a fait marquer dès que j’étais en âge. Mais il a été plus magnanime que le fondateur de la Dynastie. Cyrus lui il m’aurait certainement tué. Il n’aime pas tout ce qui est impur. S’il savait… Et le plus drôle dans tout ça, c’est que c’est moi qui ai hérité du plus de talent. Mes frères et ma sœur ne savent rien faire. Ils sont pourris gâtés, profitent de leur royauté. Ils agissent comme si le monde leur appartenait. Moi la royauté, le pouvoir ça ne m’intéresse pas. Ou alors juste pour mettre un grand coup de pied dans leur vie parfaite et leur redonner le sens des priorités. Je te parie qu’ils ne sauraient même pas dire mon âge tellement je n’existe pas pour eux. Et pour que je n’oublie jamais que je ne suis « rien » ils m’ont fait ce cadeau dans le dos. Ça signifie littéralement « Celui qui n’est pas royal ». expliqua le brun, les yeux dans le vide, serrant les poings avec rage.

- C’est idiot comme système, surtout avec quelqu’un d’aussi doué. Qu’est-ce que ça change que tu ne sois pas né de la même mère ou du même père ou je ne sais quoi. Tu restes Duncan de Jade. Et crois-moi, s’il faut taper du poing pour faire bouger ces vieux bourges mal léchés, je t’aiderais avec plaisir. répondit Yoshimitsu dans un sourire, ignorant totalement le fait qu’il ait mentit ou bien sa dissimulation.

- Ne t’en fais pas, ce n’est pas comme si ça comptait pour moi tout ça. Je me contente de profiter de leur notoriété et tant pis pour le risque. Mais du coup désolé, tu ne seras jamais reine ! dit-il avec un ton moqueur. »

Il mit finalement le kimono qui lui avait été donné, loin d’être habitué à ce genre de tenues cependant. Ensemble, ils partirent pour le cours suivant avec un professeur remplaçant de Faune et de Flore. Le cours passa relativement vite et ils se retrouvèrent rapidement de nouveau sous le joug d’Akise et de ses idées folles. Cette fois, le professeur de combat avait décidé de diviser les différents élèves en groupes. Chaque groupe irait apprendre le métier des différentes garnisons de la garde. Duncan se retrouva alors séparé de Yoshimitsu, ce dernier étant envoyé aux portes tandis que le mage, lui, irait avec Akise faire le tour des différents groupes. Lentement, la journée passait et Duncan était de plus en plus pressé d’arriver au moment où ils visiteraient les portes. Il retrouverait alors son nouvel ami et pourrait continuer sa mission de surveillance. Akise lui apprit énormément de choses sur le village et il put récupérer ses affaires et se changer en passant par le bâtiment principal de la Garde. Le chef de la Garde se joignit par ailleurs à eux pour rejoindre les portes à son tour. Et alors qu’ils approchaient de la destination, l’alarme du village sonna. Quelqu’un avait sonné l’alerte aux portes. Ça ne signifiait qu’une seule chose. Une attaque.

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