Chapitre 1

9 minutes de lecture

Assise sur le lit de l’hôpital, les jambes qui vont et vienne dans le vide, j'attends. Je ressemblerais à une belle jeune fille impatiente, de celle qu'on voit dans la film, si je n'avais pas les cheveux en pagaille, d'énormes cernes et de profondes cicatrices sur mon corps.

Je suis bein consciente que mon apparence négligée ne me rend pas service. Mais je ne vois pas le désastre, donc disons que je m'en fiche un peu.

Je ne vois pas le désastre...

Je ne veux pas me rappeler du pourquoi. C'es trop récent et trop douloureux. Je veux juste oublier ce qui c'est passé, il y a sept jours.

Déjà, une semaine... Oui, cela fait une semaine que je suis aveugle.

C'est quelques secondes, sont ancrée dans ma mémoire. Gravée dans l'horreur et la douleur. C'était censé être une simple balade. De celle dont on garde un souvenir doux et joyeux.

Ça a été une catastrophe.

Un visage s'ancre dans mon esprit, et me déchire le cœur. Je sais que ce n'est qu'une pensée, est c'est bien ça le pire.

Mort. Mon père est mort.

J'inspire et j'expire. Les doigts serrée sur mon drap.

Enfin calmé je reprends le cours de mes pensées, en tenant le plus loin possible le portrait de mon géniteur.

_Mademoiselle Solm ? Comment allez-vous ?

Je sursaute, en entendant cette voix grave, que je reconnais immédiatement.

L'infirmier en chef.

En entendant sa question, je m'enfonce les ongles dans la paume. Comment je vais ? Vraiment ? J'ai très envie de lui répondre que c'est le meilleur jour de ma vie. Mais la douleur me broie la gorge, empêchant le sarcasme de sortir. Je me contente donc d'un haussement fataliste des épaules. Éspérant que ça lui suffise et qu'il s'en aille.

Les médecins m'ont toujours agacée au plus au point. Pourquoi ? je ne saurais le dire. La seule chose qui a changé. C'est que désormais je leur suis tous de même reconnaissante pour l'aide qu'ils m'ont apportée à moi et à ma mère.

_Bien… Votre mère passera vous voir vers dix-sept heures. Et le médecin qui s'occupe de votre dossier, viendra vous chercher pour voir la continuité de votre cas. D'après ce que j'en ai entendus vous allez bientôt pouvoir sortir… Mais chut ! Cela reste entre nous.

Je me force à hocher la tête. La porte se referme et les bruits de pas résonne dans le couloir. Je soupire, et me penche pour attraper mon roman poser sur ma table de nuit. L'opération me demande plus de temps que prévu. Je ne réussis pas encore à sentir assez bien mon corps dans l'espace pour avoir tout l’équilibré requis. De plus je n'arrive pas trop à me repérer. C'est à tâtons que je finis par le trouver.

Je serre mon roman contre ma poitrine. Tout en tentant de ne pas craquer. La couverture est lisse. Combien de fois ai-je lu de roman ? Petite déjà je dévorais beaucoup de livre. Tout y passait. Même les manuels. Bien que la fantaisie était et restera toujours mon genre préféré.

Combien de fois me suis-je rendu compte de la chance que j'avais ?

Peu.

Il y a bien des livres en braille, mais tous les livres ne sont pas traduis. De plus je n'ai pas encore appris le braille. Il y a aussi des livres audio... Il faudrait que je m'y mette.

Le roman ouvert sur mes genoux, je caresse ces pages, et m'imagine les mots qui doivent s'y trouver. Cette histoire je la connais par cœur, l'ayant lu plein de fois. Ses personnages n'ont plus de secret pour moi. Ce sont d'ailleurs mes meilleurs amis.

Au collège j'ai un groupe d'amie, mais je ne suis pas super proche des autres. Dès que je peux, j'ouvre un livre. Je ne sais pas comment les gens me voient. En fait je ne veux pas le savoir. Le regard des autres, a toujours réussi à me mettre la frousse.

Juste me dire, que dans quelques semaines je retournerais à l'école me donnent envie de taper dans la tête de quelqu'un. Je suis en troisième, et je dois passer mon brevet. Comment pourrais-je réussir ?

Pris d'une envie subite de respirer de l'air frai, et de sortir de cette chambre à l’atmosphère étouffante, je me lève.

Je ne suis pas censé sortir seule. Mais l'idée de rester enfermer dans ma chambre me déprime plus qu'autre chose. J'ai besoin d'air, de sentir le soleil sur ma peau et le vent dans mes cheveux. Je marche doucement, les sens en alertes.

J'attrape la cane qu'on m'a donnée. Je ne sais pas vraiment m'en servire. Mais qu'importe. Ça m'éviterais peut être de me casser la figure.

J'imagine très bien à quoi ressemble l’hôpital. Je n'ai pas besoin de le voir. Même si j'en aurais très envie. Il dégage des couleurs. Le blanc et le gris. Le blanc symbolise l'absence et le repos, le gris c'est plutôt la fatigue et l'ennuie.

Au fond on c'est tous que les couleurs qu'on associe avec des lieux des objets ou des concepts, sont les bonnes. C'est juste notre vérité. La vérité qu'on a construite avec notre histoire.

Pour moi l’hôpital, c'est rien de bien.

Odeur de désinfectant,

Couloir silencieux,

Cauchemar,

Je souris. Avant j'avais toujours un carnet où j'écrivais les poésies et l'inspiration qui me venait.

Le dehors ne doit être plus trop loin. Le niveau sonore a déjà clairement monté de plusieurs décibels. Je dois me trouver près de la salle d'attente. Soudain, ma main rencontre un battant de porte. Derrière lui, se trouve l’accueil de l’hôpital.

Avant de pousser la porte, j'inspire profondément. Le bruit m'emplit alors immédiatement les oreilles. Bruit de dizaine de conversation. Des bruits de la vie courante. Si différent du lourd silence de ma chambre d'hôpital. Une brise de vent m'effleure le visage.

Je m’élance vers l'air libre, à taton. Ma cane de vant moi, en espérant que personne n'est sur mon chemin. Heuresement, j'arrive sans encombre dehors.

J'inspire et expire. Je laisse mes cheveux volés. Et mes pensées aussi. Comme à chaque fois depuis une semaine, elles se dirigèrent vers l'accident. Elle semble hanter ce lieu. Me rappelant à chaque fois que j'ose sourire, que mon père est mort.

Mon père je l'adorais. Il était grand, fort, protecteur. Ma mère m'a passée sa passion pour la lecture. Lui, pour la nature. Il m’a appris tant de chose. Monter aux arbres, reconnaître les fleurs et les oiseaux… Je me souviens de ses jours, qui paraissent si loin désormais. On s'asseyait à l'ombre d'un arbre et on pique-niquait. Ma mère qui lisait son livre. Mon père qui nous apprenait des choses surprenantes.

Je sais que rien ne sera plus jamais pareille.

Je ne veux pas pleurer. De toute manière, j'ai asséché toute ma réserve de larme.

Je crispe mes machoires et m’appuie contre le mur. Les paupières baissées, je compose quelques rimes aléatoires.

Une main s’abat soudain sur mon épaule, me faisant sursauter.

_Mademoiselle Solm ? Que faites-vous là ?

Je lève la tête retenant mal un soupir. Cette femme vient de me faire oublier mon dernier quatrain !

_J'avais besoin de respirer, expliquais-je d'une voix tremblante.

_Je comprends, me réponds l'aide soignante. Mais normalement vous devez être accompagnée. Sinon, vous ppourriez tomber, ou vous perdre.

Je hoche la tête, retenant mal mon soupire.

La femme me reconduis dans ma chambre, et me file même un bonbon. Mais même cette gentille attention, ne me redonne pas le sourire. Ce que je veux vraiment, c'est sortir de ce cauchemar.

Cela fait cinq minutes que je suis seule. Ma mère où le médecin ne devrait pas tarder à arriver. Et plus que n'importe quand: Je m'ennuie.

J'aime bien me raconter des histoires dont, je suis l’héroïne. Depuis que je suis petite. J'ai mon pays imaginaire. Un espace que à moi, dans lequel tout est permis. Oui, j'avoue je suis un tout petit peu folle sur les bords. Juste un petit peu...

Soudain quelqu’un toque à la porte, et une voix féminine s'élève:

_Ina ?

_Maman!

Je repousse mes couvertures et me lève.

_Ma chérie..., murmura celle-ci.

Elle me serre fort dans ses bras. Je me glisse contre elle. Je sais qu’elle a mal, car elle tressaillit de temps en temps. Elle est couverte de bandage à cause de ses brûlures. On fond toutes les deux en larmes. Aucune de nous ne pensait que cela allait arriver.

Je lui raconte ma journée. Elle me raconte la sienne. Elle me dit que normalement demain je pourrais sortir d'ici...

Je suis heureuse d'être près d'elle. Heureuse d'entendre sa voix.

Elle me parle de mon frère et de son état. Je m'inquiète pour lui. Mais je n'entends pas tous ce qu'elle me dit. Mon esprit est ailleurs. Sur le tic tac de l'horloge, qui me rappelle, qui bientôt le médecin ramènera sa fraise. Et qu'après ma mère s'en ira pour rejoindre mon frère. Mon cœur se serre.

Je dois être grande, je dois être forte.

Comme en écho à mes pensées le médecin toque à la porte. Se présente et entre. Et le rendez vous commence.

_Donc en résumée… Votre fille est atteinte de cécité complète, suite à l'accident d’il y a une semaine, commence-t-il. D'après les rapports que j'ai sous les yeux. Il n'y a pas autre chose détectées. Donc votre fille pourra sortir demain matin. Juste après avoir fait une dernière radio de vérifications, pour être sûr... D'ailleurs vous avez pensé à commencer à remplir un dossier pour la MDPH ? La maison départementale pour les personnes handicapées… Vous devriez, parce que vous en aurez besoin pour la suite de la scolarité de votre fille…

Je décroche complètement de ses paroles. Je suis à bout et en colère. Je sais que ma mère est dans le même état à coter de moi. Le médecin ne s’arrête pas. Impossible d'en placer une. Cela fait à peine une semaine et ma mère se retrouve à devoir remplir des dossiers alors qu'elle veut juste pleurer. Et par-dessus le marché, il parle à ma mère comme si je ne pouvais pas lui répondre. Je suis la première concernée. Non ?

Le rendez-vous se termine presque aussi vite qu'il a commencé. Le médecin repart. Ma mère me prend dans ses bras et me serre fort. Elle aussi doit partir.

_Je t'aime, lui murmure à l'oreille.

_Moi aussi ma chérie. Sois courageuse, chuchote-t-elle en rejoignant la porte. Sa voix se brise sur ses derniers mots.

Elle s'en va après m'avoir envoyée quelque bisou dans les airs.

Je me rassois. J'ai envie de pleurer, mais j'en ai pas la force. Lorsque je regarde le futur. Je ne vois qu'un troue noir qui m'aspire et me fait peur. Trop de chose à faire et à reconstruire… J'avais plein de rêve et il me semble que tout vient d'être détruit. J'en ai marre, je veux hurler. Mais je n'en ai pas la force.

J'attrape mon téléphone et lance le roman audio que ma mère a mit. J'aurais galéré à le faire toute seule.

Les premiers mots retentissent dans mes oreilles comme un cri de victoire. Six cents pages de libérations. Je me sens revivre.

L'histoire est drôle. Les personnages attachants. C'est la première fois depuis une semaine que j'oublie tous mes problèmes. Je les oublie pour les remplacer par une quête mortellement dangereuse. Et un monde remplie de dragons et de magicien.

Oui, je fais l'échange quand vous voulez.

Une heure plus tard. Je stoppe l'audio, épuisée. Je débranche mes écouteurs et me glisse sous la couette. Les yeux fermés je tente de plonger dans le sommeille, même si je sais que ce sera pour revivre cette scène.

Je voudrais tellement pouvoir me transporter dans un monde magique pour échapper à ici. Vivre une aventure palpitante et fantastique.

Je m'endors sur cette dernière pensée, sans savoir que bientôt, mon souhait allait être réalisé. Me prouvant en même temps, que vivre une aventure fantastique n'était pas génial à tous les niveaux.

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