Chapitre 4

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Mon bâton fouettant l’air devant moi, je reprends confiance. Je marche avec plus d’assurance. Le voyage dans la prairie sans fin a bien sûr participé, à cette renaissance. Je n’aurais jamais pu faire, ça, à l’hôpital deux jours plus tôt.

— Bon. Maintenant, plus qu’à…

Sa voix baisse d’une octave, à la fin de sa phrase. Avant de simplement se transformer en silence.

Je lève un sourcil.

— À ?

Soa m’agrippe soudainement le poignet.

— Avance. Vite, me murmure-t-il.

Je m’exécute. Mais dans une ville pareille, et malgré la confiance que j’ai prise, je ne vais pas encore, vite. Il me traîne presque. Sa main me broie le bras et il ne cesse de se retourner.

Le danger bat dans chacun de nos pas. Soa, ne panique pas, mais je le sens tendu.

— Une foule ! On est sauvée ! chuchote-t-il soudainement.

C’est à mon tour de me tendre. Dans ma tête, l’équation s’impose. Foule + Bâton = catastrophe.

Je vois déjà quelqu’un se casser la figure, en se prenant les pieds dedans.

— C’est vraiment obligé ? Avec mon bâton…

— Oui. Fais-moi confiance.

J’inspire, je range mon bâton. Et je le laisse me guider.

Les corps glissent contre moi. Je me contente de suivre. Plusieurs fois, je percute des passants, marmonnant une excuse entre mes dents sans ralentir l’allure.

Soa se retourne et grogne.

— Ce n’est pas possible ! Il nous suit encore ! Ina, on va tenter le tout pour le tout. Si ça ne marche pas, fais ce que je te dis. Tu m’entends ?

Mon ventre se serre, je m’oblige à hocher la tête. Il tire sur mon bras, en se remettant en mouvement. Mon cœur bat vite, malgré mes hésitations, j’essaye de garder le rythme.

On finit notre course, dos à un mur gelé. Je me tais, laissant juste mon cœur et ma respiration haletante remplir le silence. Près de moi, Soa en fait de même. Tendu, on guette notre poursuivant.

Au moment où on commence à se détendre, un bruit de pas retentit près de nous.

— Bah voilà… Je savais bien que vous n’étiez pas si loin…, la voix me fait sursauter, je recule d’un pas, et me retrouve collée contre le mur. Vos bourses. Tout de suite, continue-t-il.

La main de Soa me serre le bras plus fort, comme pour m’ordonner de me taire. Sa voix tremble à peine, quand il prend la parole.

— Je n’ai pas de bourse.

Soa ne desserre pas sa poigne. J’en viens à douter du fait que le sang circule encore dans ma main.

— Vraiment ? la voix résonne encore plus sarcastique. Tu veux peut-être que je m’en prenne à toi et à ton amie ?

— Je vous dis que je n’en ai pas. Allez détrousser quelqu’un d’autre.

La main du bandit s’abat sur mon épaule, avant que je puisse me rendre compte du pétrin dans lequel on vient de se fourrer. Le métal, dur et froid, glisse près de ma gorge.

Mon cœur rate un battement. Sous mon crâne s’est la panique, je ne réussis qu’à balbutier une phrase tremblante :

— Par pitié…

D’une pression, l’homme me fait taire. Mes jambes jouent les castagnettes et je suis sûre que si je pouvais me voir, toute couleur aurait déserté mon visage.

— Alors ? il éclate de rire, puis se reprend. Pas de bol pour toi, mon ami, mes camarades arrivent. C’est maintenant ou jamais. Soit, tu me donnes ce que je souhaite, soit je vous égorge tous les deux, et je récupère ce que je veux sur vos cadavres. À toi de choisir !

Des éclats de voix retentissent, pas loin, validant ce qu’il venait de dire.

Il restait peu, de temps à Soa, pour prendre une décision. Si les autres brigands arrivaient, l’affrontement ne serait plus un choix possible.

— C’est bon. Je vais vous donner mon argent…

— Tu vois petit ! Tu peux être raisonnable quand tu veux… Avec l’épidémie qui décime la terre d’Astrar, c’est soit tu plies, soit tu meurs.

J’entends la bourse changée de main. Les pièces s’entrechoquent.

La suite se passe en une seconde. Le bras du voleur me projette contre le mur. Sous le choc, l’air dans mes poumons se vide. Je lutte pour reprendre une inspiration.

— Voilà, maintenant je vais vous tuer tous les deux. Bah quoi ? Vous ne croyez quand même pas que je vais vous laisser en vie après vous avoir détroussé ? Sinon, ça ferait longtemps que je me serais fait attraper !

Il éclate d’un rire mauvais.

Je suis prise de violents tremblements, impossible à calmer.

— Reculez ! la voix de Soa explose dans le vide, pendant que la température monte brusquement.

Le crépitement devient grondement, mais l’homme rit toujours. Les flammes lèchent mes jambes, et la fumée me fait tousser.

— Arrête de faire joujou avec ces flammes, tu veux ?

Le mur s’ébranle sous le corps de Soa brusquement projeté. L’impact fait trembler le sol.

Le rire machiavélique reprend, me faisant frissonner. Mais c’est le sifflement léger et cinglant qui achève de me faire paniquer.

Le grincement métallique d’une épée, tirée de son fourreau.

Mon cœur pulse très vite dans ma poitrine, comme un tambour affolé.

— Il est temps de dire au revoir à la vie, manieur de feu.

Les pas du voleur se rapprochent doucement vers mon ami. La panique m’agresse la poitrine.

— Non, arrêtez ! Lâchez-le !

Mon cri se répercute dans mes propres cotes. Je n’arrive pas à croire que c’est moi qui ai hurlé.

— Tient tiens… T’es réveillé, toi ?

Sa main me saisie violemment le bras. Je la repousse violemment.

— Laissez-moi ! Laissez-le !

Être aveugle me handicape énormément. Je ne peux pas prévoir ces attaques. Je suis complètement désarmée… Qu’est-ce qui m’a pris d’intervenir ? Il est bien plus fort, que moi. Je n’ai pas de magie. Et, je ne suis pas capable de fuir seule. Enfin, si j’en suis capable, mais sûrement pour me retrouver dans une situation encore plus catastrophique.

J’entends sa lame fouetter l’air, une seconde avant, qu’elle m’atteigne. Je me jette à terre, et réussis à m’en sortir, avec seulement une entaille à la côte.

Mais, pas le temps de m’apitoyer sur la douleur. La prochaine attaque ne va pas tarder.

Je n’entends pas le coup venir. Son poing s’enfonce brutalement dans mon ventre, vidant pour la deuxième fois en très peu de temps, tout mon air.

La colère qui rythme sous ma peau devient feu. Malgré la peur, une phrase se glisse entre mes lèvres sans que je puisse la sortir. Une douce chaleur se répand dans mon corps. Une volonté, qui se déverse dans ma chair. Les mots deviennent l’oxygène qui me manque.

— Vos points vident mon air, pas mon énergie. Si vous cherchez à le faire, poser d’abord votre petite cuillère, lançais-je furieuse.

À peine le dernier mot prononcé, que quelques chose explose. Ça a l’odeur de la cannelle. Le corps de l’homme s’abat contre le sol. Je n’en crois pas mes oreilles. Il est vraiment tombé, à cause d’une petite provocation ? Je n’ai pas le temps de me poser la question, une vague de fatigue déferle sur moi. Je vacille et me retiens au mur. La respiration courte, je tente de reprendre mes esprits.

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Les jambes tremblantes et à tâtons, je me dirige vers Soa. Enfin, vers là, où j’imagine qu’il se trouve. Mon pied bute soudainement contre son corps, je manque de m’étaler. Je lui saisis l’épaule et le secoue.

— Soa ! Soa ?

— Purée ! J’ai mal partout ! gémit-il soudain. Comment l’as-tu abattu ?

— Je ne sais pas, j’ai dit quelque chose et il est tombé !

Le manieur de feu s’étouffe.

— C’est une blague ?

J’ouvre la bouche pour lui répondre, mais je n’ai pas le temps de terminer ma phrase.

— Vous, là-bas, vous êtes mort, grogne quelqu’un dans notre dos.

Je pivote souplement de surprise. J’ai complètement oublié que ses camarades arrivaient !

J’entends Soa se relever près de moi. Sa magie pourra nous aider. À moins que ces voleurs, aussi, soit capable d’en annihiler leur effet. Comment avait-il fait d’ailleurs ?

— Vous m’avez entendu ? Levez les mains bien en évidence et pas de jeu de feu, gamin !

Je recule sans vraiment m’en rendre compte, la panique me tord la poitrine.

J’ai cru mourir pendant l’accident, il y a une semaine. J’ai failli être tuée par un chat roux, hier. Je viens d’échapper à un voleur-assassin. Tout ça pour finalement mourir cinq minutes après ? Sérieux ? Déjà, globalement, ça fait trop de face-à-face avec la mort. Mais en plus, ce n’est pas cool du tout !

— Hé toi là-bas, la maigrichonne, arrête de reculer, on sait que tu es à deux doigts de te faire pipi dessus, mais bon…

J’ouvre la bouche et la referme.

Une légère chaleur remonte dans sa poitrine. La même qu’il y a quelques minutes. Suivi, d’une impression, force, vivace : il faut que je trouve une bonne répartit. C’est vital, je le sens, même si j’ignore encore pourquoi.

Je réfléchis à cent à l’heure. Vite… Une idée.

— Le seul liquide qui coulera ne viendra pas de moi, et il sera rouge.

Une force se dégage de ma bouche. Ce ne sont plus que des mots qui sortent, c’est une force pure.

Je sens le chemin de force qu’elle crée en s’éloignant. L’impact est dévastateur. Une vague sans retour possible.

Boum.

La senteur de cannelle explose.

Sur les dalles de pierres, leur corps se fracasse.

Puis le sentiment de ne plus avoir d’énergie retombe.

Mes jambes se dérobent sous moi. Plus aucune force dans mon corps, la moindre parcelle d’énergie est décimée. Il ne reste plus qu’une aspiration, profonde, viscérale : dormir.

— Ina ? Tu m’entends ? Ina !

Oui, mais non. La fatigue a déjà tout aspiré. Je suis bien trop loin pour répondre.

Plus rien n’importe sauf l’énergie.

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