Chapitre 5 (PDV : Soa)

9 minutes de lecture

— Ina ? Tu m’entends ? Ina !

Je secoue la jeune fille, aucune réponse de sa part. L’air est encore empli de cette odeur douceâtre de cannelle. Mon cœur se débat contre ma poitrine. Comment elle a fait ça ? Une voix me murmure une réponse tout bas au fond de moi. Mais je refuse de l’écouter.

Une manieuse de mots ? Ici ? Pas possible.

— D’accord, elle a pulvérisé plusieurs bandits avec quelques mots bien placés… Mais comment je la transporte jusqu’à Vayn sans qu’on ne nous remarque, moi ?

Secouant la tête, je la soulève. Ses mains continuent à produire un halo bleu et doré qui brûle mes avant-bras. Sa tête part en arrière laissant ses cheveux châtains tomber en cascade. Difficile de faire plus discret. Je m’élance sur le chemin.

Le château.

Il faut que je l’emmène voir un guérisseur et que je parle à Elyrian Kaelmor, lui seul saura quoi faire.

La ville défile devant moi. La respiration saccadée, je cours à travers la foule. Les regards des passants s’attardent sur moi. Ça ne doit plus vraiment les surprendre, vu le nombre d’attaques qu’ils ont depuis que l’empire est instable.

Mon cœur cogne si fort dans ma poitrine, que j’entends mon sang gronder dans mes veines. Ina, aussi légère qu’une plume, ne réagit toujours pas.

— Soa !

Je m’arrête, le souffle court. Ce n’est vraiment pas le moment ! Si ce que je pense se révèle exact, elle est en train de se faire consumer par son premier sort.

— Keed !

Je soupire de soulagement. Le marchand sur sa charette, de la suie sur la joue, me jette un regard interrogatoire. Pas le temps, de tout lui expliquer.

— Vite ! Elle vient de jeter son premier sort, elle va vraiment mal ! Ramène-moi au château !

— Mais, elle est en retard, ce n’est pas à cet âge que…

— Vite, j’te dis ! Tu as été élevé par des chèvres ou c’est comment ? Regarde sa respiration ! Si tu ne te dépêches pas, elle va rejoindre la grande caravane !

L’agacement bat contre mes tempes, et la panique me prend à la gorge. Qu’est-ce qu’il ne comprend pas ? Je lui dis que c’est urgent, et il me regarde comme si c’était mon tour de conter une histoire autour du feu en attendant de dîner !

Je me mords la lèvre. Si ce crétin ne se dépêche pas, je vais finir par…

La charrette s’ébranle enfin. J’allonge Ina sur la banquette arrière. Puis, je frotte mon avant-bras doucement, la brûlure fait mal, mais elle ne restera pas trop longtemps. La distance est vite avalée. À côté de moi, Ina respire de plus en plus mal. Je vérifie son pouls trois fois en deux minutes.

Toujours aussi faible.

— C’est bon. Dépêche-toi ! me crie Keed en s’arrêtant soudainement.

Il ne faut pas me le dire deux fois. J’agrippe Ina, et je bondis vers la porte. Sans un regard à Keed, je cours de toutes mes forces vers les gardes de faction.

— Elle va mal, vite ! Il faut des guérisseurs !

L’homme au casque réagit immédiatement. Il récupère Ina et se dirige rapidement vers le château. La respiration courte, je le suis. Très vite, les guérisseurs se mettent en place, et s’occupent d’elle.

Je les regarde faire, en silence. Mon cœur tambourine avec force dans ma poitrine. Malgré le fait que je sache qu’elle est entre de bonnes mains.

Je continue à les observer faire, encore quelques minutes, avant d’avoir la force de me remettre en mouvement. Ce n’est pas en la regardant que je vais l’aider ! Je monte quatre à quatre les escaliers. Et me dirige vers la première personne que je croise.

— Savez-vous où est Elyrian Kaelmor ? Il faut que je lui parle, c’est urgent !

La femme s’arrête et se retourne vers moi. Elle enlève son casque de guerrière.

— Il est très occupé Elyrian le magicien… Que lui veux-tu ? sa voix glisse comme du miel.

Je panique un peu. Un faux pas, et c’est la panique générale. Si l’information se répand, la suite sera catastrophique.

— Il faut que je lui parle. C’est… Au sujet d’une route qui a des dents. Il fallait que je la signale et…

La guerrière me toise, sceptique.

— Bah, il vaut mieux que tu ailles voir le comte, alors… Suis-moi !

Elle tournoie et file. Je secoue la tête, et m’agace intérieurement en la suivant : quel mauvais menteur, je fais ! Je ne suis qu’une roue fêlée !

— Alors cette route ? De laquelle s’agit-il ? la question résonne dans ma tête plusieurs fois.

Je baisse la tête. Qu’est-ce que je suis censé lui dire ? J’ai l’impression de me retrouver à me faire taper les doigts par un adulte au centre d’entraînement.

— Je…

Mon cerveau tourne vite. Mais dans quelle gueule de pierre, je me suis fourrée, encore ? Le comte me fixe. Il n’a pas l’air dangereux, c’est même tout l’inverse, mais… Est-ce vraiment une bonne idée ? Si l’information se répand, on est dans de beaux draps.

— Je voulais parler à maître Kaelmor.

— Pour une route dangereuse ?

— Non. Pour autre chose de très important.

L’homme me fixe un instant, les yeux plissés. Puis, se renfonce dans son siège et tout en posant ses pieds sur son bureau, me déclare calmement.

— Tu pourras lui parler… Dès que tu m’auras expliqué la teneur de ton message.

Je soupire silencieusement. Pourquoi ça me surprend ? J’espère juste, ne pas faire la plus grosse erreur de ma vie.

Dehors, le vent fouette les bannières à l’effigie de l’empire, et rencontre les hautes tours du château. Du haut de l’une d’elles, assis devant une table, maître Kaelmor me fixe. Petit, rondouillard, avec une barbe blanche, des joues rosies et des yeux verts. Il ressemble à un vieux lutin malicieux.

Passant ses doigts noueux dans sa barbe, il continue :

— Et tu dis que c’est une manieuse de mots ?

Je hoche la tête, tout en grimaçant quand il reprend un morceau de son horrible fromage qui empeste autant qu’un chat roux.

— Intéressant, murmure le sage.

— Je vais prévenir le roi, déclare soudainement le comte.

— Non.

Le conte sursaute en entendant la réponse du magicien, et le fixe sans comprendre.

— Je vais m’en charger, précise-t-il en voyant le visage agacé du jeune homme.

— Mais…

— Bastien. Laisse-moi m’en occuper… Mon emploi du temps ressemble à du gruyère ! Et tu as déjà tellement de choses à gérer, minaude le magicien.

— Très bien Elyrian. Très bien. Mais tu n’as pas intérêt à te laisser distraire par tes fromages douteux !

— Mes fromages douteux ? s’injurie le vieux magicien.

— Oui, parfaitement, Elyrian. Tes fromages assomment tout le château !

Je souris en le voyant ouvrir la bouche et la refermer. Le comte tournoie, un sourire vainqueur aux lèvres, et disparaît avant qu’Elyrian ne puisse répliquer.

— Mes fromages sentent la vérité, Bastien. Ce qui explique pourquoi tu t’en éloignes comme la peste, marmonne Elyrian en secouant la tête. Tu es sûr que tu n’en veux pas d’ailleurs, Soa ?

Je fixe un instant le plateau de fromages entre nous. Pour être douteux, ces fromages sont vraiment douteux !

— Non, ça ira, merci…, balbutié-je.

Durant ma “formation” de manieur de feu. Il était le parrain de notre équipe. Qu’est-ce que j’en ai dégusté du fromage pendant cette période-là ! Je suis complètement traumatisée, depuis.

Ma gorge s’assèche brusquement en le voyant se lever et récupérer du papier à lettres.

— Je… Je ne pense pas que cela soit réellement utile de parler d’Ina au roi. Un manieur de mots, bien que puissant, ne peut pas, aider l’empire dans l’instabilité dans lequel il est. De plus…

— Soa, j’entends ton inquiétude, mais je vais te dire quelque chose. Écoute-moi bien…

Je relève les yeux et le fixe, alors qu’il vient s’asseoir près de moi.

— Je connais l’empereur, c’est un très bon ami à moi. Ce n’est pas le genre de personne à jouer avec des vies ni à les utiliser. La situation politique vacille, tout vient à manquer. Et la propagation de cette nouvelle maladie est rapide.

— Je…

— Écoute moi, je n’ai pas terminé ! Ina n’est pas venue par hasard. Elle a quelque chose à accomplir. Son destin est lié à Livnea… Et au fromage.

Je soupire, un léger sourire aux lèvres. Il a au moins raison sur un point, son don et l’instabilité magique ne sont pas les seules raisons de son arrivée à Livnea.

— Toujours le fromage avec vous…

— Le fromage exprime bien des choses que tu ne peux pas comprendre. Je pourrais te les expliquer… Mais, vois-tu, je préfère les manger plutôt que de les utiliser comme exemple… Tu ne m’en veux pas ou moins ?

Je secoue la tête, mi-figue mi-raisin. Les yeux d’Elyrian se perdent dans le vide comme si le néant les avait aspirés.

— Toi, aussi Soa, ton destin sent fort.

J’ouvre la bouche et la referme. Moi ? J’aurais un rôle un joué ? Sérieusement ?

Le vieux se détourne du vide et me sourit, ses yeux verts pétillants de malice, alors même que des millions de questions se pressent dans ma tête.

— Alors ce fromage ?

Dehors, le vent fouette les bannières à l’effigie de l’empire, et rencontre les hautes tours du château. Du haut de l’une d’elle, assis devant une table, maitre Kaelmor me fixe. Petit, rondouillard, avec une barbe blanche, des joues rosies et des yeux verts. Il ressemble à un vieux lutin malicieux.

Passant ses doigts noueux dans sa barbe, il continue :

— Et tu dis que c’est une manieuse de mots ?

Je hoche la tête, tout en grimaçant quand il reprend un morceau de son horrible fromage qui empeste autant qu’un chat roux.

— Intéressant, murmure le sage.

— Je vais prévenir le roi, déclare soudainement le comte.

— Non.

Le conte sursaute en entendant la réponse du magicien, et le fixe sans comprendre.

— Je vais m’en charger, précise-t-il en voyant le visage agacé du jeune homme.

— Mais…

— Bastien. Laisse-moi m’en occuper… Mon emploi du temps ressemble à du gruyère ! Et toi as déjà tellement de chose à gérer, minaude le magicien.

— Très bien Elyrian. Très bien. Mais tu n’as pas intérêt à te laisser distraire par tes fromages douteux !

— Mes fromages douteux ? s’injurie le vieux magicien comme si c’était l’insulte du siècle.

— Oui, parfaitement, Elyrian. Tes fromages assomment tous le château !

Je souris en le voyant ouvrir la bouche et la refermer. Le comte tournoie, un sourire vainqueur aux lèvres, et disparait avant qu’Elyrian ne puisse répliquer.

— Mes fromages sentent la vérité, Bastien. Ce qui explique pourquoi tu t’en éloignes comme la peste, marmonne Elyrian en secouant la tête. Tu es sûr que tu n’en veux pas d’ailleurs, Soa ?

Je fixe un instant le plateau de fromage entre nous. Pour être douteux ces fromages sont vraiment douteux !

— Non, ça ira, merci…, balbutié-je.

Durant ma “formation” de manieur de feu. Il était le parrain de notre équipe. Qu’est-ce que j’en ai dégustée du fromage pendant cette période-là ! Je suis complètement traumatisée, depuis.

Ma gorge s’assèche brusquement en le voyant se lever et récupérer du papier à lettre.

— Je… Je ne pense pas que cela soit réellement utile de parler d’Ina au roi. Un manieur de mots, bien que puissant, ne peut pas, aidée l’empire dans l’instabilité dans lequel il est. De plus…

—Soa, j’entends ton inquiétude, mais je vais te dire quelque chose. Écoute-moi bien…

Je relève les yeux et le fixe, alors qu’il vient s’assoir près de moi.

— Je connais l’empereur, c’est un très bon ami à moi. Ce n’est pas le genre de personne à jouer avec des vies, ni à les utiliser. La situation politique vacille, tout vient à manquer. Et la propagation de cette nouvelle maladie est rapide.

— Je…

— Écoute moi, je n’ai pas terminé ! Ina n’est pas venue par hasard. Elle a quelque chose à accomplir. Son destin est lié à Livnea… et au fromage.”

Je soupire, un léger sourire aux lèvres. Il a au moins raison sur un point, son don et l’instabilité magique ne sont pas les seules raisons de son arrivée à Livnea.

— Toujours le fromage avec vous.

— Le fromage, exprime bien des choses que tu ne peux pas comprendre. Je pourrais te les expliquer… Mais, vois-tu, je préfère les manger plutôt que de les utiliser comme exemple… Tu ne m’en veux pas ou moins ?

Je secoue la tête, mi-figue mi-raisin. Les yeux d’Elyrian se perdent dans le vide comme si le néant les avait aspirés.

— Toi, aussi Soa, ton destin sent fort.

J’ouvre la bouche et la referme. Moi ? J’aurais un rôle un jouer ? Sérieusement ?

Le vieux se détourne du vide et me sourit, ses yeux verts pétillant de malice, alors même que des millions de questions se pressent dans ma tête.

— Alors ce fromage ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire livrosaure ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0