Chapitre 5
PDV : Soa
_Ina ? Tu m'entends ? Ina !
Je secoue la jeune fille, aucune réponse de sa part. L'air est encore empli de cette odeur douceâtre de cannelle. Mon cœur se débat contre ma poitrine. Comment elle a fait ça ? Une voix me murmure une réponse tout bas au fond de moi. Mais je refuse de l'écouter.
Une manieuse de mot ? Ici ? Pas possible.
_D’accord, elle a pulvérisé plusieurs bandits avec quelques mots bien placés… Mais comment je la transporte jusqu’à Vayn sans qu’on nous remarque, moi ?
Secouant la tête, je la soulève. Ses mains continues à produire un halo bleu et dorée qui me brûle les avant-bras. Sa tête pars en arrière, ses cheveux chatain tombe en cascade. Difficile de faire plus discret. Je m'élance, sur le chemin.
Le château.
Il faux que je l'emmène voir un guérisseur. Et que je parle à Elyrian Kaelmor, lui seul saura quoi faire.
La ville défile devant moi. Le souffle court, je sprinte à travers la foule. Les regards des passants s'attardent sur moi. Ça ne doit plus vraiment les surprendre, vu le nombres d'attaques qu'ils ont depuis que l'empire est instable. Non ?
Mon cœur cogne si fort dans ma poitrine, que j’entends mon sang gronder dans mes veines. Ina, aussi légère qu’une plume, ne réagis toujours pas.
_Soa !
Je m'arrête le souffle court. Ce n'est vraiment pas le moment ! Si ce que je pense se révèle exact, elle est en train de se faire consumer par son premier sort.
_Keed !
Je soupire de soulagement. Le marchand, de la suie sur la joue, assis, sur sa charrette, me jette un regard interrogatoire. Pas le temps, de tout lui expliquer.
_Vite ! Elle vient de jeter son premier sort, elle va vraiment mal ! Ramène-moi au château !
_Mais elle est en retard, c'est pas à cet âge que...
_Vite j'te dis ! Tu as été élevé par des chèvres ou c'est comment ? Regarde sa respiration ! Si tu ne te dépèches pas, elle va rejoindre la grande caravane !
L'agacement bat contre dans mes tempes, et la panique me prend à la gorge. Qu'est-ce qu'il ne comprend pas ? Je lui dis que c'est urgent, et il me regarde comme si c'était mon tour de conter une histoire autours du feu en attendant de dîner !
Je me mords la lèvre. Si ce crétin ne se dépêche pas, je vais finir par...
La charette s'ébranle enfin. J'allonge Ina sur la banquette arrière. Je frotte mes avant-bras doucement, la brulure fait mal mais elle ne restera pas trop longtemps. La distance est vite avalée. À coter de moi, Ina respire de plus en plus mal. Je vérifie son pouls trois fois en deux minutes.
Toujours aussi faible.
_C'est bon. Dépêche toi ! me crie Keed en arrêtant soudainement.
Il ne faut pas me le dire deux fois. J'agrippe Ina, et je bondis vers la porte. Sans un regard à Keed, Je cours de toutes mes forces vers les gardes de faction.
_Elle va mal vite ! Il faut des guérisseurs !
L'homme au casque, réagit immédiatement. Il récupère Ina et se dirige rapidement vers le château. La respiration courte, je le suis. Très vite, les guérisseurs se mettent en place, et s'occupe d'elle.
Je les regarde faire, en silence. Mon cœur tambourine avec force dans ma poitrine. Malgré le fait que je sache qu'elle soit entre de bonne main.
Je continue à les observer faire, encore quelques minutes, avant d'avoir la force de me remettre en mouvement. Ce n'est pas en la regardant que je vais l'aidée ! Je monte quatre à quatre les escaliers. Et me dirige vers la première personne que je croise.
_Savez-vous où est Elyrian Kaelmor ? Il faut que je lui parle c'est urgent !
La femme s'arrête et se retourne vers moi. Elle enlève son casque de guerrière.
_Il est très occupé Elyrian le magicien... Que lui veux-tu ? sa voix glisse comme du miel.
Je panique un peu. Un faux pas, et c'est la panique générale. Si l'information se répand la suite sera catastrophique.
_Il faut que je lui parle. C'est... Au sujet d'une route qui a des dents. Il fallait que je la signale et...
La guerrière me toise, sceptique.
_Bah, vaut mieux que tu ailles voir le conte, alors... Viens suis-moi !
Elle tournoie et file. Je secoue la tête, et m'agace intérieurement en la suivant : Quel mauvais menteur, je fais ! Je ne suis qu'une roue fêlée !
_Alors cette route ? De laquelle s'agit-il ? la question résonne dans mon cerveau.
Je baisse la tête. Qu'est-ce que je suis censé lui dire ? J'ai l'impression de me retrouver à me faire taper les doigts par un adulte au centre d'entrainement.
_Je...
Mon cerveau tourne vite. Mais dans quelle gueule de pierre je me suis fourrée, encore ? Le comte me fixe. Il n'a pas l'air dangereux c'est même tout l'inverse, mais... Est-ce vraiment une bonne idée ? Si l'information se répand, on est dans de beaux draps.
_Je voulais parler à maitre Kaelmor.
_Pour une route dangereuse ?
_Non. Pour autre chose de très important.
L'homme me fixe un instant, les yeux plissés. Puis, se renfonce dans son siège et tout en posant ses pieds sur son bureau me déclare calmement.
_Tu pourras lui parler... Dès que tu m'auras expliqué la teneur de ton message.
Je soupire silencieusement. Pourquoi ça me surprend ?
J'espère, juste, vraiment, ne pas faire la plus grosse erreur de ma vie.
Dehors, le vent fouette les bannières à l'éffigie de l'empire, et rencontre les hautes tours du château. Du haut de l'une d'elle, assis devant une table, maitre Kaelmor me fixe. Petit, rondouillard, avec une barbe blanche, des joues rosies, et des yeux verts. Il ressemble à un vieux lutin malicieux.
Passant ses doigts noueux dans sa barbe, il continue :
_Et tu dis que c'est une manieuse de mots ?
J'hoche la tête, tout en grimaçant en le voyant reprendre un morceau de son horrible fromage qui empeste autant qu'un chat roux !
_Intéressant, murmure le sage.
_Je vais prévenir le roi, déclare soudainement le conte.
_Non.
Le conte sursaute en entendant la réponse du magicien, et le fixe sans comprendre.
_Je vais m'en charger, précise-t-il en voyant le visage agacé du jeune homme.
_Mais...
_ Bastien. Laisse-moi m'en occuper... Mon emploi du temps ressemble à du gruyère ! Et toi as déjà tellement de chose à gérer, minaude le magicien.
_Très bien Elyrian. Très bien. Mais tu n'as pas intérêt à te laisser distraire par tes fromages douteux !
_Mes fromages douteux ? s'injure le vieux magicien.
_ Oui, parfaitement, Elyrian. Tes fromages assomment tous le château !
Je souris en le voyant ouvrir la bouche et la refermer. Le comte tournoie, un sourire vainqueur aux lèvres, et disparait avant qu'Elyrian ne puisse répliquer.
_ Mes fromages sentent la vérité, Bastien. Ce qui explique pourquoi tu t'en éloignes comme la peste, marmonne Elyrian en secouant la tête. Tu es sûr que tu n'en veux pas d'ailleurs, Soa ?
Je fixe un instant le plateau de fromage entre nous. Pour être douteux c'est fromages sont vraiment douteux !
_Non, ça ira merci..., balbutie-je.
Durant ma "formation" de manieur de feu. Il était le parrain de notre équipe. Qu'est-ce que j'en ai dégustée du fromage pendant cette période-là ! Je suis complètement traumatisée, depuis.
Ma gorge s'assèche brusquement, en le voyant se lever et récuppérer du papier à lettre.
_Je... Je ne pense pas que ça soit vraiment utile de parler d'Ina au roi. Un manieur de mots, bien que puissant, ne peux pas, aidée l'empire dans l'instabilité dans lequel il est. De plus...
_Soa, j'entends ton inquiétude, mais je vais te dire quelque chose. Écoute moi bien...
Je relève les yeux et le fixe, alors qu'il vient s'assoir près de moi.
_Je connais l'empereur, c'est un très bon ami à moi. Ce n'est pas le genre de personne à jouer avec des vies, ni à les utiliser. La situation politique vacille, tout vient à manquer. Et la propagation de cette nouvelle maladie est rapide.
_Je...
_Écoute moi, je n'ai pas terminé ! Ina n’est pas venue par hasard. Elle a quelque chose à accomplir. Son destin est lié à Livnea… et au fromage."
Je soupire, un léger sourire aux lèvres. Il a au moins raison sur un point, son don et l'instabilité magique ne sont pas les seules raison de son arrivée à Livnea.
_Toujours le fromage avec vous.
_Le fromage, exprime bien des choses que tu ne peux pas comprendre. Je pourrais te les expliquer... Mais, vois-tu, je préfère les manger plutôt que de les utiliser comme exemple... Tu ne m'en veux pas ou moins ?
Je secoue la tête, mi-figue mi-raisin. Les yeux d'Elyrian se perdent dans le vide comme si le néant les avaient aspirés.
_Toi, aussi Soa, ton destin sens fort.
J'ouvre la bouche et la referme. Moi ? J'aurais un rôle un joué ? Sérieusement ?
Le vieux se détourne du vide et me sourit, ses yeux verts pétillant de malice, alors même que des millions de questions se pressent dans ma tête.
_Alors ce fromage ?
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