Chapitre 7
Du métal froid et dure appuie sur mes paupières clause. Allongée sur ce qui ressemble à un brancard, j'attends. Mon cœur bat très fort dans ma poitrine, ça résonne dans ma tête, comme des coups dans le mur. Le silence est aussi profond, que la nuit derrière mes paupières. Seule ma respiration s'élève dans la pièce.
Combien de temps encore ? Je suis excitée tout en appréhendant énormément la suite. Un claquement léger retentit à l'ouverture de la porte, me faisant sursauter.
_C'est bon Ina, m'informe Soa. Tout le monde est là.
Je hoche la tête, toujours coincée dans cette poche de métal qui entoure mon corps.
_Soa, mon garçon, sort de là s'il te plaît, murmure la voix grave et rassurante d'Elyrian.
J'entends les pas légers du manieur de feu s'éloigner, et la porte se referme dans un claquement sinistre.
_Bien, murmure une voix de femme. Salut Ina ! Je me présente, je m’appelle Nymeris. Et aujourd’hui c'est moi qui vais coordonner ces balourds de magiciens pour faire tes tests. Ça te va ?
Je hoche la tête, un sourire aux lèvres, et souffle un “oui” léger.
_Contente de l'apprendre parce que je n'avais de plan de secours.
Les bruits de pas résonnent sur le sol. Je sens leur présence tout autours de moi, leur respiration forte.
_Alors Ina, ils vont envoyer des sortilèges sur toi. Et la… Poche de métal ? Voilà, la poche de métal autours de toi va renvoyer des vibrations et on pourra voir les résultats… Enfin un truc comme ça, je ne suis pas une professionnelle, donc bref… Tout ce que tu dois que savoir c'est que va secouer un peu pendant quelques secondes. D'accord ?
Une boule dans la gorge, je hoche la tête. Mon cœur tente de s'échapper de ma poitrine, en cognant toujours plus fort. La voix d'Elyrian résonne.
_Trois.
Une amure bruisse près de moi. Un souffle rauque.
_Deux.
Quelqu’un tousse. La pression dans la salle est palpable.
_Un… Maintenant !
Un claquement sec de doigts résonne. La seconde suivante s'écoule doucement sans rien de nouveau.
Puis soudain, une vague de puissance s'abat sur moi. Elle ressemble à celle qui est sortie après les quelques phrases de la dernière fois. À une différence près, celle-ci semble avoir une volonté propre. Comme si chaque magicien présent, avait insufflé une intention dans sa magie.
La vague repart presque aussi vite. Mais dans mon corps, des choses ont changé, ce n'est pas encore très clair.
_Ina ? Tu te sens bien ?
Je sursaute. Une main ridée est posée sur mon épaule nue. Mais ce n'est pas, Elyrian qui a posé cette question.
_Oui, c'est juste très bizarre à vivre.
Nymeris soupire près de moi.
_J'ai eu peur que la magie de ces idiots t'ait abîmées.
_Non, non ça va.
Les sangles retombent sur le brancard, dans un fracas de métal. Je me sens soudainement beaucoup plus légère.
_D'ailleurs, Ina… Tu veux venir faire les magasins avec moi ? me demande Nymeris.
Je souris. Faire les magasins… Sérieux ? On passe vraiment du coq à l'âne.
_Nous devons travailler sa magie, elle et moi, Nymeris, réponds Elyrian avant même que je puisse ouvrir la bouche.
_Tu es un vieux rabat-joie qui ne comprend rien à rien, Elyrian. Vous aurez tous le temps de travailler sa magie, plus tard ! s'agace-t-elle. En attendant, j'emmène cette jeune fille en ville. Avoir une vie d'adolescente normale. Malgré le fait qu'elle a sauté dans un monde inconnu. Claire ?
Toujours assise à ma place, je souris. Quel caractère !
_Mmmph...
_Ce que j'ai dit est limpide, oui ou non ?
_Oui, marmonne Elyrian du bout des lèvres, extrêmement agacée.
_Parfait !
Sa main glisse sous mon aisselle et m'aide à me mettre debout. Elle m'entraîne, ensuite, vers la porte, qu'elle ouvre dans un grincement.
Au final, je n'ai même pas pu répondre à sa question...
À peine la porte refermée, Soa me saute dessus et m'attrape le bras.
_Ina ! Comment ça s'est passé ?
_Bien. C'était juste… bizarre.
Il me lâche et se met à rire.
_Tu m'étonnes ! réplique-t-il. Vous allez où là ?
_J'emmène ton amie faire les magasins, pour s'acheter des tenues un peu plus pratique que celle que tu l'as achetée..., lui réponds Nymeris. Et non, avant que tu poses la question : Elyrian n'est pas d'accord, mais je ne lui ai pas laissé le choix.
_Eh bien… Bon shopping alors ! Moi, j'ai rendez-vous avec quelqu’un pour les affaires.
Je lève la main pour le saluer.
_À plus !
Il me marmonne une réponse et s'éloigne rapidement, sûrement pressée par le temps.
_Aller ! C'est parti ! Ah, petite précision… mes amies m’appelle Nym, tout court.
_C'est noté ! je m’exclame avec force.
La ville défile sous nos pas, l'une de mes mains glissée dans celle de Nym et l'autre serrée sur mon bâton. Autours de nous, beaucoup de gens parlent. Mon oreille glane quelques phrases ici et là. Les odeurs sont les mêmes que la première fois. Une explosion de senteur différente. Nous nous baladons sur les dalles de pierre qui sillonnent tous les chemins, entrons dans des échoppes toutes différentes. Nym et moi, parlons de nos mondes respectifs et de nos goûts. J'essaye les vêtements typiques de leur monde. La plupart, sont fait en cuir souple.
La matinée s'écoule rapidement. Entre rire, essayage, et discussion philosophique. J'en apprends beaucoup sur Livnea, mais aussi sur Nym.
Nym est la petite sœur du comte de Vayn. Toute fois, ce n'est pas son statut de noble qui lui vaut sa renommée. C'est une guerrière et stratège importante de la terre d'Astrar. Et ses interventions, ont souvent donné la victoire aux pays.
À la fin de la sortie, j'ai une nouvelle garde-robe, et malgré la peur suffocante que j'ai encore à chacun de mes pas : je vis.
Je relève la tête en entendant Nym me parler.
_J'ai faim... Pas toi ?
Mon sourire s'élargit en sentant mon ventre gronder. Mon bâton glisse sur le sol devant moi pendant que je lui réponds.
_Une faim de loups !
_De loups ? Charmant... , me répond-elle gaiement. Chez nous, on dit plus, j'ai une faim de chat roux...
_ Sérieux ?
Ma surprise est perceptible. Le chat roux est vraiment iconique, ici !
_Oui, opine-t-elle. Il y a une auberge pas très loin, on essaye ?
Je souris, mais ne réponds pas. Nym n'est pas le genre de personne à attendre des réponses. D'ailleurs, elle m'a déjà attrapée le bras pour me guider jusqu'à la destination.
J'entends l'auberge avant d'y être.
Des murmures de discussions, des bruits de vaisselle, des claquements de pas... Et une odeur, légère, présente, qui reste pour moi indescriptible.
Un raclement de chaise me ramène à la réalité. Nym effleure mon épaule, pour m'inviter à m'asseoir. En face de moi, je l'entends faire de même, puis soudain elle se relève.
_Tu veux manger quoi ? me demande-t-elle.
_Aucune idée... Tant que c'est bon...
Elle éclate de rire. Sa main se pose sur mon épaule.
_Je te prend quelques chose, que d'après moi tu vas aimer.
_OK !
Ses pas s'éloignent, et je me retrouve seule.
Seule au milieu d'une tonne d'inconnue. Tout d'un coup, je me tends. Alors même que durant la traversée de la ville, j'étais assez détendu, à part quand je devais marcher. Là l'angoisse revient, plus forte que jamais.
Je passe au peigne fin tous les bruits autours de moi. Les secondes s'égrènent lentement, paraissent être des heures.
_Ça va ?
Je sursaute en entendant la voix de Nym, et fait quasiment un bond sur ma chaise. J'avais beau avoir tendu l'oreille, je ne l'ai pas entendu arriver.
Elle est discrète, extrêmement discrète.
_Oui, oui, balbutiè-je
Elle se met à rire d'un rire clair et sincère.
_Je t'ai surpris ?
Je grimace, mais elle n'insiste pas.
_Tient. Bon appétit !
Je prends les premières bouchées en hésitant. Mais Nym à raison, ce plat est délicieux ! Je finis par me jeter dessus... Mine de rien, marcher à l'aveugle, ça draine l'énergie...
Dès qu'on a fini de manger, on récupère les sacs, et ont se dirige vers le château. En dix minutes à peine, on y est. Nym pousse le portail massif, et me laisse passer. En se refermant, celui-ci grince doucement.
J'inspire l'odeur de rose mélangée au cuivre qui caractérise cet endroit.
_Nym ? Tu vas faire quoi, là ?
_Je ne sais pas... Sûrement m'entrainer..., me répond-elle.
Je hoche la tête. Nos pas résonnent contre le gravier en remontant l'allée. L'atmosphère est lourde, comme une tempête se préparait.
_Nym ! Ina ! Enfin ! J'ai cru que vous ne rentreriez jamais ! nous crie soudainement Soa.
Je me retourne vers l'endroit d'où viens son cri, il déboule près de nous, à bout de souffle.
_Que se passe-t-il ? murmure Nym tout de suite sur la défensive.
_Elyrian et le compte Bastien veulent vous voir... Immédiatement. Il paraît que c'est hyper important.
Je me tends silencieusement, près de moi, Nym grogne.
_Alors ne les faisons pas attendre..., murmure-t-elle d'une voix tendue.
Je monte les escaliers, en suivant le mur. Je sens confusément, que ce qui se passe est important. Les marches paraissent infinies. Surtout que je manque de tomber une bonne douzaine de fois.
_Que se passe-t-il ? interroge Nym en ouvrant brusquement la porte du compte de Vayn, son frère.
_ Nym ! soupire de soulagement celui-ci. Vous avez été longs. Assieds-toi... Asseyez-vous, on a des choses à vous expliquer.
Elyrian toussote doucement.
_Soa tu es aussi concernée par cette réunion.
_Je ne comptais pas partir, réponds le manieur.
Nym nous attrape, moi et Soa par le bras et nous fait nous asseoir d'un geste fluide et rapide.
_Nyméris... Tu veux du fromage ? s'enquit Elyrian.
_Pourquoi pas, soupire la combattante.
_Enfin quelqu'un qui aprécie mes fromages à leur juste valeur ! se réjouies le sage.
_Un peu de sérieux Elyrian, s'il te plait, grogne le comte. Alors, Ina, tu ne me connais pas encore, je m'appelle Bastien, et je suis le comte de la ville de Vayn.
_Enchantée, murmuré-je hésitante.
Tout en m'agitant mal à l'aise sur ma chaise. Bastien toussote avant de reprendre la parole.
_Bien, maintenant que ça c'est fait... Elyrian je te laisse expliquer la situation.
_Mais avec plaisir, mon cher Bastien. Alors voilà, quand tu es arrivée ici dans un état critique Ina. Nous avons rapidement envoyé une lettre à l'empereur, pour lui expliquer la situation. Le pouvoir de manieur de mots, est un pouvoir extrêmement rare. Et le fait que de nouveau quelqu'un le possède, signifie que nous entrons dans une période extèmement rare, mais aussi mouvementée. Une période qui sent fort le fromage en somme... Nous en étions déjà un peu au courant bien sûr, à cause des tensions et du reste. Et...
_Et ? demande Nym.
Je frissonne.
_Pendant votre sorti, nous avons reçu une lettre de l'empereur, reprend Bastien. Il veut vous voir, le plus rapidement possible à la capitale.
Le silence retombe, lourd et profond, à peine gêner par les quelques respirations. Mon cœur bat vite dans ma poitrine, et mes ongles se sont enfoncée dans ma paume. L'empereur veut me voir ? Mais dans quel pétrin je me suis encore mise...
_Vous ? souleva Soa.
_Toi, et Ina, répondit simplement le comte.
Je me mords la joue, et le gout métallique du sang empli ma bouche. La main de Nym est toujours posé sur mon épaule. Sent-elle mon trouble ?
_Pourquoi faire ? finis-je par demander d'une voix mal assurée.
_Te présentée, découvrir le royaume et ton pouvoir... Rien de grave, ne t'inquiète pas.
Je hoche la tête, en tremblant malgré tout. J'ai l'impression que ces mots sonnent faux. Pas réellement la phrase en elle-même, plutôt le ton.
_Qui sera du voyage Bastien ? lance Nym.
_ Ina, Soa et Elyrian... Vous ferez le voyage avec une caravane pour plus de discrétion.
_Je viens avec eux, réponds simplement Nym à son frère. Si la situation se dégrade, autant que je le pense l'empereur a besoin de moi, je dois donc aussi partir. De plus, je serais plus utile en voyagent avec eux, pour les potentielles attaques, que seule sur les routes.
Le silence retombe.
_Elle a raison Bastien, murmure Elyrian.
Le comte se racle la gorge un instant et finit par céder.
_Très bien, qu'il en soit donc ainsi.
La tension redescend d'un cran. Mais le silence finit par devenir gênant. Dans ma poitrine, mon cœur bat toujours aussi fort.
Elyrian finit par réussir à détendre l'atmosphère, grâce à son obsession favorite.
_On se le mange ce fromage maintenant qu'on a réglé ces détails ? déclare-t-il comme si c'était naturel.
Et tous le monde éclate de rire. Même moi, alors que la boule dans ma gorge aurait dû m'en empêcher.
Annotations
Versions