Chapitre II Il avait

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Pur, il aimait pourtant ces filles qui ressemblent à des poules de luxe, il aimait s’afficher avec elles, les tenir enlacées, voir les regards traîner sur elles, les salir, il aimait aussi les vrais femmes de maison, sages et timides, celles qu’on peut présenter à la famille, sur lesquelles on peut compter. Pur comme un enfant, doux comme un enfant, sa peau lisse, il triche, il s’hydrate, il taille, il mange juste ce qu’il faut, il se pelote et tend ses petits pieds d’homme, boudinés et fins à la fois. La prison seule en fera cette peau rêche, râpeuse, qu’aucune femme ne touche plus. Quand il sortira de sa première prison, il sera tout doux, il s’adoucira aussi, il lui sussurera des mots doux, de l’amour éternel, qu’on appelle respect, de ces amours de cinéma inspirés de faits réels, la vie des grands bandits et leurs grandes histoires d’amour, de l’honneur mais sans fidélité, de l’amour mais...

Il avait un fils. Il s’est retrouvé père sans rien comprendre, sans avoir eu son mot à dire, accepter comme on s’est promis de saisir les opportunités, une jolie française qui nous aime assez, qui nous trouve assez beau pour concevoir un bébé, peut-être une histoire, se caser, devenir français, réussir, être un homme mais déjà la femme s’est détourné et il n’a rien fait, il n’a rien dit, il a donné son nom à son enfant, le faux, sans la mettre au courant de son histoire même avec ces quelques mots de français, son langage limité, mais qui avait bien suffit durant leurs quelques mois d’amour.

Optimiste jusqu’aux heures les plus sombres, pourtant toujours d’humeur noir quand tout n’allait pas assez vite, les rentrées d’argent et tout ce qui brille et tout ce qui colore la vie, tout ça coûte cher, on peut bien résister à la misère, dormir dans des trains à l’arrêt et des chambres inoccupées à l’hôpital, toujours s’arranger pour être propre et bien mis, malgré tout, ne pas se faire prendre (ne pas attirer l’attention sur le clochard), on peut bien résister au froid et à la faim, si tout ça ne dure qu’un temps, s’il fait plus chaud qu’à Moscou quand dans les squatts, on avait du mal à se chauffer.

Il avait sa sœur gynécologue, la seule garante de l’honneur et de l’honnêteté du nom, elle ne pouvait l’aider davantage que par quelques billets glissés discrètement dans sa poche pour qu’il sorte enfin du cabinet ouvert à la volée sans se déclarer, en plein frottis, un clin d’œil pour la patiente les jambes à l’air et s’excuser, c’est mon petit frère il est comme ça, il en a vu d’autres rassurez-vous, il ne viendra pas vous importuner. Elle ne pouvait plus rien faire d’autre, elle l’avait hébergé autant qu’elle avait pu, il n’aurait pas pu, pas voulu, rester toute sa vie comme ça, chez sa sœur et son fainéant de mari, il n’allait pas s’ajouter aux enfants et surtout pas jouer les baby-sitter, il n’allait pas non plus rester en galère dans un pays où tout ce qui vaut la peine n’est pas à portée de main, où tout ce qu’il voudrait lui échappe, ce n’est pas les cachets de la mafia pour menus travaux, ou les femmes russes superbes et élancées, attirées par ces petits arméniens, qui savent si bien leur parler et qui gardent les idées claires, modérés sur la Vodka même s’ils la boivent pur comme de vrai russe, tout de même c’est un minimum, rien de pire qu’un buveur de vodka orange ou autre mélange hérétique. Les gens sont tellement chochottes, parfois. Les alcooliques même qui ne se contentent même pas de glaçon dans leur whisky, ou qui s’enivrent de bières, ridicule. Il ne savait même pas que ça existait, avant, de toute façon. Avant d’arriver ici.

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