3. Sarah
Un jour que je réparais une clôture, j’ai entendu une voix qui m’interpellait
- Le nouveau, tu peux venir m’aider.
Je me retourne, elle est sur un grand cheval Blanc ses cheveux brillent comme de l’or dans le soleil.
Ma langue est collée dans ma bouche.
Je m’approche.
- Comment t’appelles-tu ?
Je bredouille.
- Michael
- Bonjour, je suis Sarah, quel âge as-tu ?
- J’ai 16 ans.
- Comme moi.
Je prends mon courage pour lui demander.
- Je peux vous aider ?
- Je n’ai pas besoin d’aide.
Elle fait reculer, puis pivoter son cheval comme s’il dansait, je l’ai regardé partir comme hypnotisé.
Chaque soir, en terminant mon travail, mes yeux scrute l'horizon, espérant apercevoir cette silhouette à cheval.
Les jours passent, j’espère revoir Sarah, mais rien.
C'est, la fille du patron, tu n'as aucune chance, ne rêve pas.
Je travaille comme un fou ne voulant surtout penser à rien.
Un matin, j’attends Jack qui tarde à venir. Enfin, il arrive.
- Tu vas apprendre à monter à cheval, car bientôt, tu viendras avec nous pour déplacer le bétail et il faut être bon cavalier.
Au fait, c’est Sarah qui va te former, tu as de la chance, ne la déçois pas.
- Je ne vais pas savoir.
- Mais si bien sûr, aie confiance, on se retrouve ce soir.
Elle m'attend au box. Je n'ose pas lever les yeux, mais je sens son regard impatient.
- Pour un employé, tu te fais attendre.
Je murmure, presque inaudible :
- Pardon, on vient juste de me prévenir...
- Pas d’excuse, au travail, aujourd’hui, tu montes Saida.
Elle me présente la jument, comme si le cheval comprenait.
- Mais avant, il faut panser soigneusement ta jument.
- Elle est blessée ?
- Non cela veut dire, Vérifiez et nettoyez les sabots, retirer la terre ou les cailloux qui pourraient causer une gêne. S’assurez aussi, que les fers sont bien fixés.
Brossez la saleté et les débris de son pelage, en particulier aux endroits où reposent la selle et la sangle, dans le box un cheval se salit vite. Tu regardes aussi si elle n’est pas blessée bien sûr.
- Maintenant, allons à la sellerie prendre le harnachement.
- Prendre quoi ?
- T’es un ignare ma parole.
- Je n’ai jamais travaillé avec les chevaux.
- Pardonne-moi. Viens tu vas voir.
Une fois dans la sellerie. Si tu veux monter à cheval, il va te falloir un équipement, on dit harnachement qui comprend selles, mors, étriers, filets, harnais et différents enrênements.
- Je n’y connais rien, je préfère partir.
- Tu oublies que je suis la patronne, pardon, je ne voulais pas dire cela, nous allons reprendre doucement Jack m’a prévenu.
- Je ne suis pas idiot, mais différent.
Sarah a été très patiente avec moi.
Ensuite, vient le moment de placer le mors.
- Mets un doigt de chaque côté, pousse doucement… Voilà. Regarde, elle ouvre la bouche toute seule. C’est un bon signe.
- Ensuite la muserolle, la têtière… Les oreilles bien dégagées, toujours. Elles sont sensibles, le cartilage est fragile. On vérifie la bride… les montants doivent être bien symétriques.
- La sécurité doit toujours être une priorité absolue.
Elle me montre ensuite comment seller Saïda :
- D’abord, le tapis de selle. Pas une “couverture”, ça, c’est le vocabulaire des touristes.
Elle sourit. Je souris aussi.
Assure-toi qu’il est centré et bien à plat sans plis.
Elle me montre comment positionner la selle, comment attacher les sangles, mettre en place les étriers suspendus aux étrivières de chaque côté de la selle, le cavalier prend appui avec son pied sur le plancher de l’étrier.
J’écoute, j’observe, j’absorbe. C’est beaucoup de mots nouveaux, de choses à apprendre.
En plein désespoir, je regarde Saida, elle aussi me regarde avec ses grands yeux bruns, je suis tout de suite fasciné, elle lit en moi…
- Hé ! Ho ! Tu rêves ou quoi, prend les rênes et suis-moi.
Nous sortons du bâtiment et nous nous arrêtons devant le terre-plein.
- Passe à gauche de Saida, tiens les rênes dans la main gauche, attrape le pommeau, c’est la partie haute de la selle, oui, c’est ça ! Maintenant, mets ton pied gauche à l’étrier.
Mon pied gauche glisse, mes mains sont moites, et mon cœur bat comme un tambour. Tout semble si complexe pour un novice. Et pourtant… je n’ai pas peur.
— Le gauche, j’ai dit !
Enfin, je me hisse sur ma jambe et balance la droite de l’autre côté.
À ce moment-là, Saïda plie son antérieure gauche, comme pour m’aider.
— Eh bien toi alors… t’as la côte. Elle ne fait jamais ça. D’habitude, elle tourne en rond pour empêcher qu’on la monte.
— Waouh… c’est haut. Je domine tout !
— C’est l’avantage à cheval. En voiture, tu vois que dalle. Allez, assez de parlottes, on a du boulot.
Moi qui imaginais une petite promenade romantique avec Sarah…
Nous passons le portail et pénétrons dans la carrière, un grand enclos rectangulaire bordé d’une barrière, avec des lettres plantées un peu n’importe comment tout autour.
— On va commencer doucement. D’abord…
Tiens-toi droit. Les épaules en arrière. La tête haute. Serre les jambes. Sois fier.
Avance doucement fais le tour du terrain. Non dans le sens des aiguilles de la montre.
Lâche un peu les rênes, tiens-toi droit regarde devant.
Les commandement fusent.
Je laisse un peu trop de rêne, et Saïda fait un écart brusque. Sarah éclate de rire tandis que je m'accroche désespérément, en essayant de ne pas tomber.
— Serre les jambes. Ton cheval doit rester aligné, suivre une ligne…
Je serre surtout les dents pour ne pas abandonner.
Nous avons enchaîné les figures de manège les plus simples : le cercle, la volte, la diagonale, le doublé dans la largeur...
Puis celles un peu plus complexes : la demi-volte, la demi-volte renversée et la serpentine.
Mes muscles protestent à chaque mouvement, ma tête bourdonne sous les instructions incessantes de Sarah. Mais je m’accroche. je refuse de céder.
Au pas, au trot, à différentes allures que je ne comprends pas encore.
Quand enfin Sarah termine la séance, je suis lessivé. Fourbu, mais fier, je me suis appliqué et Saida m’a beaucoup aidé.
Chaque mouvement de Saida semble m'encourager. Son calme, sa puissance... C'est comme si elle partageait sa force avec moi, m'aidant à tenir bon.
Je n’attends plus qu’une chose : aller me coucher. Mais à peine ai-je mis pied à terre…
- Bon maintenant, il faut la brosser.
- Mais je l’ai déjà brossée tout à l’heure.
- Elle a bien travaillé, elle a droit à une petite toilette non !
Une fois Saida de retour dans son box :
- Prends la brosse douce. Repasse sur tout son corps pour la faire briller. Voilà très bien.
Elle va dormir heureuse en rêvant de toi, lance-t-elle avec un sourire en coin. Je ne sais pas si elle plaisante ou si elle se moque, mais son rire clair résonne dans le box.
Ce soir-là, je ne dis pas un seul mot, tous savent ce que je venais d’endurer, je suppose qu’ils étaient tous passés par là.
Je me suis enfin couché. Bien que Sarah ait été très dure envers moi, je n’arrive pas à lui en vouloir.
Enfin, je m’endors, porté par l’idée qu’une nouvelle vie commence pour moi. Si seulement ma mère avait pu me voir… Peut-être aurait-elle ri en me voyant si maladroit sur un cheval.
Mais au fond, j’aime croire qu’elle aurait été fière de moi.
Comme convenu, je suis les cours de monte tous les matins. Trop heureux de revoir Sarah. Et puis… j’apprends à aimer Saïda. , un matin, alors qu’elle trotte docilement sous mes commandes, Sarah s'est arrêtée en me regardant, un sourcil haussé.
— Pas mal, Michael. Tu n’es peut-être pas un cas si désespéré, après tout.
Mes progrès sont étonnants au dire de Sarah.
Désormais, je monte Saida. Elle m’est attribuée.
Un après-midi, je suis sur une clôture abîmée qui a souffert. Elle doit être réparée avant la venue du bétail. Le soleil me brûle la peau. La chaleur monte du sol, enveloppant tout dans une langueur oppressante.
Nous sommes début juillet. Il fait très chaud. Je frappe un poteau à la masse. Chaque coup résonne dans mes bras fatigués. La chemise attachée à la taille, trop absorbé pour entendre quoi que ce soit.
— Tu as assez travaillé pour aujourd’hui. Montre moi comment tu montes en extérieur.
Sarah est là, un éclat malicieux dans les yeux.
— Tu veux faire la course ?
— Tu es un peu jeune pour moi.
Nous partons. Nous faisons des balades presque tous les jours, je suis de plus en plus amoureux. La lumière dans ses cheveux me fascine.
Mais nos escapades n’ont pas tardé à faire jaser.
Les gens du domaine me taquinent sans cesse. Certains, je le vois bien, sont contents pour moi. D’autres au contraire, me regardent froidement. Ils murmurent, passent sans saluer. Leur hostilité est palpable. Leur regard froid coupant comme une lame. Je sens leur mépris peser sur mes épaules.
- Tu vas voir, quand Roy sera de retour, tu comprendras, disaient-ils.
Des mots résonnent, plein de sous-entendus que je ne pouvais saisir, mais qui semblaient lourds de menace.
Tous les hommes ne parlent que de Roy, le fils du patron, de ses exploits au rodéo. Roy est premier dans le classement pour la capture de taurillon au lasso, et il est sélectionné pour la grande finale qui met en compétition les 15 meilleurs cow-boys de l’année dans chaque spécialité.
Mais surtout, Roy est le frère de Sarah.
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