10.    Le départ

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Papi et moi, nous avons tout préparé la veille. Au petit matin, une fois les chevaux harnachés, les sacoches en place, les gourdes attachées, les fusils dans les housses, nous sommes partis sans bruit, emmitouflés, car il ne fait pas chaud. Nous sommes le dimanche 05 mars 1933, nous partons comme prévu.

Nous chevauchons depuis deux heures maintenant, dans la direction de Denver en suivant la rivière Clear creek, lorsqu’un grand bruit, nous fait lever la tête, en face de nous un autobus vient de quitter la route, il est tombé vers la rivière.

- Papi, je pars devant voir, s’il y a des blessés rejoins moi.

- Ok, fonce.

Saida a de suite compris, elle bifurque sur la gauche traverse la rivière, elle trouve enfin un chemin pour remonter sur la route en revenant sur ses pas, une fois sur la route, nous sommes partis au galop vers le lieu de l’accident. J’ai repéré le virage heureusement, car de la route, il n’y a plus rien d’apparent. Je saute à terre et m’ approche du bord et là juste en dessous le bus est en équilibre sur un rocher, j’entends des plaintes d’enfants.

Je retourne auprès de Saida, je récupère une corde, Papi nous a rejoints.

- Que se passe-t-il ?

- Le Bus est en bas, je descends.

J’attache un bout de la corde à la selle de Saida

- Allez ma belle, tu sais quoi faire.

- Mais comment, tu vas descendre, il faut appeler les secours.

- Nous n’avons pas le temps, l’autobus risque à tout moment de basculer.

Après avoir mis une branche pour le frottement, j’ai mis mon pied dans la boucle, je me suis pendu dans le vide et j’ai sifflé deux fois. Saida a reculé doucement jusqu’à ce que je me pose sur l’autobus, je siffle un coup, plus un long et Saida stoppe. J’entre par une fenêtre, les enfants sont allongés les uns sur les autres. Le premier que j’examine a du sang sur le visage, mais ne semble pas trop mal en point.

- Tu n’as pas trop mal, rien de cassé.

- Non, ça va, j’ai juste mal au bras.

- Je t’aide à sortir.

Une fois sur le rocher, je lui montre la corde.

- Si tu passes ton pied dans la corde et que tu te tiens bien, tu penses pouvoir remonter ?

- Oui, à l’école, je monte à la corde.

- Ici, c’est la corde qui te monte, d’accord.

- Super !

- Je siffle un coup et Saida, docile, remonte le gamin que papi réceptionne.

Les dix premiers enfants sont ainsi remontés, les suivants ont des blessures qui ne leur permettent pas de remonter seul. Dans un premier temps, je les sors du bus et les dispose sur le rocher. Le chauffeur, malheureusement, est mort. J’ai trouvé une sangle, après avoir fait un nœud, je la passe sur mes épaules en formant un 8 et dispose une fillette sur mon dos. Après avoir sifflé Saida, nous sommes remontés doucement, une jeune femme est là, elle m’aide, à récupérer la fillette.

- Ne vous inquiétez pas, je m’occupe d’elle, je suis infirmière, mon mari est parti chercher du secours.

- Je vous remercie Madame.

- C’est vous que l’on doit remercier.

Une fois les enfants en sécurité, il me reste encore deux enfants à remonter, le garçon a une jambe cassée et la petite fille est inconsciente, du sang coule de son oreille, elle ne répond pas son état semble sérieux. J’entreprends de couper des branches bien droites et avec une ficelle, j’entoure la jambe du petit garçon pour l’immobiliser.

- Alors jeune homme, tu es prêt pour l’ascension.

- Oui, je m’appelle Eliot, je ne veux pas rester ici, et mes affaires de ski ?

- C’est bien, tu es courageux Eliot, pour le matériel nous verrons après.

- J’ai sifflé Saida et nous nous élevons très lentement, une fois en haut les secours sont arrivés.

- Vous êtes un sacré secouriste jeune homme.

- Merci, mais c’est Saida qui a tout fait.

- Saida ?

- Oui, ma jument.

- Bien sûr, tu es aussi un dresseur de chevaux.

J’ai regardé les sauveteurs prendre soin de la petite fille, alors qu’un autre était penché sur le chauffeur.

- Pour lui, il n’y a plus rien à faire si ce n’est de le remonter.

Il a essayé d’ouvrir la portière du conducteur, mais à ce moment-là le bus a basculé dans le vide.

Le sauveteur n’a eu juste que le temps de sauter sur le rocher.

Le commandant nous a fait venir Papi et moi dans sa camionnette.

- Je vous remercie pour votre intervention, le pire a été évité de justesse, le pauvre chauffeur, quant à lui, une équipe va venir pour le sortir de là.

- Et la petite fille, elle va mieux.

- Le médecin m’a dit qu’elle avait une commotion, mais pas de fracture, ils sont partis pour l’hôpital de Denver le Health Medical Center.

Vous faites une randonnée à cheval ?

- Oui, on peut dire cela.

- Vous allez où ?

- Nous allons à Gettysburg.

- Non, il faut être sérieux, j’ai vos coordonnées, si j’ai besoin de vous joindre, c’est bien votre adresse ?

- Oui. Nous sommes sérieux, c’est un périple que je prépare depuis fort longtemps et il ne me reste plus longtemps pour le réaliser, Michael est quelqu’un de solide sur qui je peux compter.

- En effet, vous êtes bien secondé. Je vous propose de bien vouloir aller au poste de police dans chaque grande ville que vous traverserez pour voir si je ne cherche pas à vous contacter. Si vous avez besoin, je suis le commandant Harrison John.

- Bien sûr pas de souci. Merci commandant.

Après une collation, nous repartons en direction de Morrison une fois à Idaho Springs, trop fatigués pour continuer, nous avons trouvé un petit hôtel-restaurant.

Notre premier jour n’a pas été de tout repos, heureusement les jours suivants, nous ont permis de rattraper notre retard, nous avons contourné Denver par le sud, pris la direction de Burlington, que nous avons rejoint le onzième jour. La carte que m’a fournie Chayton, nous est précieuse, car les cours d’eau et les haltes préconisées sont bien indiqués.

Papi est toujours en forme, nous avons nos petits rituels, le matin, notre aventure commence par des préparatifs joyeux. Après un délicieux petit déjeuner autour du feu, chacun prend un moment pour se préparer, en prenant soin de faire sa toilette. Les chevaux sont eux aussi choyés, brossés et équipés avec soin. L'air frais du matin, nous empli d'énergie, prêts pour une nouvelle journée de découvertes.

Nous chevauchons tranquillement la première heure, après une pause, la suivante est souvent un peu plus soutenue, vers onze heures, nous cherchons un ruisseau pour faire désaltérer les chevaux. Nous remontons une petite heure avant le repas de midi, ensuite Papi fait la sieste, jusqu’à 15 heures environ, l’après-midi est plutôt relax, nous avançons de front en discutant.

Les journées sont assez monotones, le mois de mars est bientôt terminé, nous cheminons tranquillement, une vieille femme et une jeune se retournent à notre approche.

- Bonjour. Dit Papi.

- Fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d’y rester. Réponds la vieille Indienne.

Je les dépasse à mon tour, la jeune femme me regarde, je n’ai jamais vue une femme aussi belle, elle regarde la pierre à mon cou, me salue, puis me dit.

- Ecoute le vent, il chante. Ecoute le silence, il parle. Ecoute ton cœur, il sait…

Nous continuons d’avancer, je ne peux pas m’empêcher de questionner Papi.

- Wasichus ? J’ai entendu la vieille dame dire Wasichus.

- Cela signifie hommes blancs.

- Les Amérindiens utilisent souvent des énigmes ou des métaphores dans leur langage, tu ne trouves pas ?

- Ce sont des sages, pour eux, la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre, nous avons beaucoup à apprendre d’eux. Tiens, j'ai noté cela dans mon carnet, me dit-il en me le tendant.

« Les Blancs se moquent de la terre, du daim ou de l’ours. Lorsque nous, Indiens, cherchons les racines, nous faisons de petits trous. Lorsque nous édifions nos tipis, nous faisons de petits trous.

Nous n’utilisons que le bois mort.

L’homme blanc, lui, retourne le sol, abat les arbres, détruit tout. L’arbre dit « Arrête, je suis blessé, ne me fais pas mal ». Mais il l’abat et le débite. L’esprit de la terre le hait. Il arrache les arbres et les ébranle jusqu’à leurs racines. Il scie les arbres. Cela leur fait mal. Les Indiens ne font jamais de mal, alors que l’homme blanc démolit tout. Il fait exploser les rochers et les laisse épars sur le sol. La roche dit « Arrête, tu me fais mal ». Mais l’homme blanc n’y fait pas attention. Quand les Indiens utilisent les pierres, ils les prennent petites et rondes pour y faire leur feu…

Comment l’esprit de la terre pourrait-il aimer l’homme blanc?… Partout où il la touche, il y laisse une plaie. »

Vieille sage Wintu (Indiens de Californie)

- Nous sommes sur le territoire des Amérindiens Chaouanons.

Notre prochaine étape est Topeka, la capitale du Kansas.

D’après Papi, elle fut un centre d'activisme pour l'abolition de l'esclavage. Il me raconte.

- A cette époque les opinions divergeaient d’un état à l’autre, mais aussi au sein d’un même état.

- La loi Kansas-Nebraska Act de 1854, tu en as entendu parler ?

- Non.

- Cette loi permettait aux territoires du Kansas et du Nebraska de décider par vote populaire, s'ils seraient des États libres ou esclavagistes. Cela a conduit à une forte migration de partisans des deux camps vers le Kansas, entraînant des conflits violents connus sous le nom de "Bleeding Kansas". Le Kansas est devenu un champ de bataille entre les abolitionnistes du Nord et les pro-esclavagistes du Sud. Ces affrontements ont préfiguré la guerre civile américaine et ont radicalisé les opinions des deux côtés

Le Kansas en tant qu'État libre a été admis comme État américain le 29 janvier 1861. C'était le 34e État à rejoindre l'Union.

Le soir, nous choisissons un champ relativement plat pour y installer notre tente et établir notre camp.

Papi me fait découvrir le monde de la science. C’est tout simplement fascinant.

Ce soir-là, le chemin nous a conduit sur un campement, un cirque en réalité, alors que nous nous approchons une voix nous interpelle.

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