11. Le cirque
« Alors que nous nous approchons une voix nous interpelle.
— Que faites-vous ici, c’est vous pour les chevaux ?
— Bonsoir Messieurs, nous sommes des voyageurs, qui empruntent simplement ce chemin.
— Cette nuit, des voleurs nous ont dérobé deux chevaux, nous attendons la police. Nous avons un spectacle demain, ces deux chevaux sont dressés spécialement pour le spectacle, pour nous, c’est une véritable catastrophe.
— Bonsoir Messieurs, je m’appelle Michael, elle, c’est Saida, elle est capable de faire un spectacle à elle seule.
— Vous rigolez, il faut un travail de tous les jours pour rentrer sur la piste.
— Laissez-moi vous montrer, si cela ne vous convient pas, il n’y a pas de souci.
— Je suis curieux de voir ça. Ha ! Ha !
Nous sommes allés près du chapiteau, j’ai demandé un foulard que j’ai noué sur mes yeux, ensuite, j’ai demandé à Saida de faire le tour du chapiteau les rênes posées sur l’encolure, j’ai les jambes pendantes. Tranquillement, elle a fait le tour évitant les obstacles, cherchant son chemin sans se tromper.
— En effet, elle se débrouille bien, mais c’est un peu juste pour un spectacle.
— Il y a aussi les tours de magie avec des cartes qu’elle devine.
— Là, tu m’intéresses, tu peux me montrer ?
— Oui, il me faut un jeu de cartes ou des objets que l’on peut cacher.
— Nous avons de très grandes cartes, Carlo apporte moi les as du jeu de Kalia.
— Je ne prête pas mes cartes à n’importe qui, c’est qui ces deux-là ?
— Kalia je te présente Michael, il veut nous montrer un tour avec sa jument.
Cependant, pour eux, le monde semble s'effacer. Leurs regards se croisent, et en un instant, une connexion intense s'établit. Les yeux de Kalia, d'un bleu profond, rencontrent les prunelles vertes de Michael, et ils se reconnaissent d'une manière inexplicable.
C'était comme si le temps était suspendu. Ils se fixent, incapables de détourner le regard, sentant une force irrésistible qui les attire l'un vers l'autre. Leurs âmes semblent se parler silencieusement, créant un lien indéfectible. À cet instant précis, ils savent que quelque chose de spécial vient de naître entre eux.
— Kalia, où es-tu ? Tu les lui donnes les cartes ou quoi !
— Oui, oui, je suis curieuse moi aussi.
J’ai placé Saida derrière une table, les spectateurs et moi devant, j’ai installé les cartes sur la table bien droites soutenues par des boites.
Il y avait l’as de cœur à gauche, puis l’as de trèfle, le pique et à droite l’as de carreau.
Saida, où est, l’as de pique, elle s’est approchée et avec son naseau, elle a fait tomber l’as de pique. J’ai sifflé deux fois, elle s’est reculée.
Saida, où est, l’as de cœur, elle s’approche sans hésiter, elle fait tomber la bonne carte. Tout le monde applaudit.
— Je crois que tu as gagné ta place, mais il nous faut un autre tour pour demain, tu as autre chose.
— Non, mais elle comprend tout ce que j’attends d’elle.
— Je crois que j’ai une idée, mais après une journée à cheval, vous n’allez pas refuser notre hospitalité. Je suis Louis.
— Ce sera avec plaisir.
— Papa, je me charge de les installer.
Kalia nous a conduit jusqu’à une roulotte où elle nous a préparé un grand lit, Papi a protesté, ne voulant pas déranger. Kalia n’a rien voulu savoir et m’a ordonné de bien vouloir l’aider. Une fois terminé Kalia nous a dirigé vers une grande tente où toute la troupe était regroupée autour d’une grande table.
— Installez-vous, vous êtes ici chez vous, je vous présente notre famille. Oui, nous formons une grande famille.
Nous avons mangé et bu aussi, jusqu’à tard dans la nuit.
— Vous prendrez bien un peu de Kahlua. Nous propose Louis.
— C’est une boisson le Kahlua ?
— Voyons Michael, tu ne connais pas le Kahlua, c’est une délicieuse liqueur crémeuse au goût de café, en provenance du Mexique.
— Oui, tout à fait, nous serons au Mexique avant l’automne, mais d’ici là, je dois vous parler du projet pour le spectacle de Saida. »
Nous nous sommes couchés tard la tête pleine de rêves. Sur le chemin du retour à la roulotte, Kalia attrape doucement mon bras et m'entraîne dans un recoin à l'abri des regards. Elle plonge son regard dans le mien et, d'une voix douce, mais déterminée, me demande de l'embrasser.
Je sens mes joues s'empourprer et mon cœur s'emballer. Un mélange d'embarras et de désir s'empare de moi. Je baisse les yeux, cherche mes mots, mes mains devenant moites. "K-Kalia..." Je murmure, hésitant.
Kalia, sentant ma timidité, posa une main réconfortante sur ma joue. Elle se rapproche encore, nos souffles se mêlent. Mon cœur bat si fort que je crains qu'elle ne l'entende. Rassemblant mon courage, je lève les yeux vers elle, et dans un élan de tendresse, je comble l'espace qui nous sépare. Nos lèvres se rencontrent, timides d'abord, puis de plus en plus passionnées, mon embarras se fondant dans la douceur de ce moment partagé.
« Plus tard de retour à la roulotte, Papi me plaisante.
— Tu es un bourreau des cœurs.
— Je n’ai rien fait.
— c’est normal à ton âge et puis Kalia est super mignonne.
— J’ai sommeil.
— Oui, bien sûr à demain. »
Le lendemain matin comme convenu, je suis allé au chapiteau pour rejoindre Louis le père de Kalia, j’ai regardé à l’intérieur, personne, un léger bruit m’a fait lever la tête, Louis est assis sur un trapèze, son frère assis sur l’autre se faisant face, quand ils chutent en arrière, surpris, j’ai lâché un petit cri. Ils se sont rattrapés en enroulant leurs jambes sur les cordes de chaque côté, les pieds bloquant la chute. M’apercevant, ils me font un petit signe, que je leur retourne. Ils se balancent maintenant la tête en bas au même rythme, c’est alors que je découvre bien plus haut Kalia qui s’élance droit devant elle, planant dans le vide comme suspendue, puis retombe, Louis arrive les bras tendus saisit ceux de Kalia, dans une courbe parfaite, ils remontent de l’autre côté arrivée au point d’équilibre Kalia lâche son père, fait un tour sur elle-même et rattrape les bras de son père, ils repartent dans l’autre sens, elle lâche prise, part les pieds en avant, exécute un magnifique saut périlleux et rattrape dans la foulée les bras de son oncle Rick. C’en est trop pour moi, je sors pour respirer et permettre à mon cœur de retrouver un rythme normal.
« Une jeune femme grande avec des cheveux bruns s’approche de moi.
— Bonjour Michael, je suis Sania, tu as eu peur, mais il ne faut pas, Kalia pratique depuis ses cinq ans, d’abord avec sa mère et les frères, maintenant elle assume, c’est la vedette du spectacle.
— Et sa mère, je ne l’ai pas vue.
— Évite de parler d’elle, nous sommes superstitieux, tu comprends ?
— Non, rien du tout.
— Ce n’est pas à moi de te mettre au courant, mais il vaut mieux que tu saches. Tatiana était l’oiseau volant, les gens venaient au cirque rien que pour elle. Prenant de plus en plus de risque, elle effectuait un triple saut dans les airs, tout le monde retenait son souffle. Les applaudissements ne s’arrêtaient plus. C’est elle qui s’est chargée de former sa fille, d’abord au sol puis à quelques mètres du sol, avant de monter tout en haut. Kalia est très douée.
— Que s’est-il passé ?
— Lors d'une séance d'entraînement, Tatiana est tombée et a perdu la vie sur le coup. Je dois y aller, ne dis rien à personne, promis. »
Je suis retourné dans le chapiteau, les trapézistes sont en train de redescendre l’un derrière l’autre sur une corde, arrivé au sol, « Louis m’interpelle.
— Salut Michael, je vais chercher le matériel et toi Saida, à tout de suite.
— Je viens avec toi. me dit Kalia.
— Tu m’as fait peur Kalia, si tu tombes.
— Il ne faut jamais dire cela à un trapéziste, je fais mes exercices tous les jours, nous sommes très prudents, tu n’es jamais allé au cirque ?
— Non jamais.
— Tu as eu peur pour moi.
— Oui, bien sûr.
— Saida est là, viens.
Une fois dans le box exigu de Saida, Kalia m’a demandé de la serrer contre elle.
— Embrasse-moi…
Il te faut y aller maintenant à tout à l’heure. »
Je ne comprends pas l'effet que je ressens dans ses bras, j’ai rejoint Louis avec Saida.
« Nous allons voir si elle a les compétences requises. Ceci est un xylophone, avec seulement cinq notes : fa, sol, do sont au centre, je percute par exemple le fa, je te montre fa.
— Regarde Saida, Louis avec son pied actionne une pédale et le son fa raisonne,
J’ai montré à Saida comme faire des notes en appuyant sur les touches, elle ne semblait pas comprendre.
— Dommage, mais tu sais, il est quand même difficile pour un cheval de comprendre la musique, il y a très peu de chevaux capables de faire cela.
— Il y a trop de monde, je vais travailler avec elle, je vous dirai, si elle fait des progrès. »
Un peu plus tard, je retourne pour montrer les progrès de ma jument. Il n’en revient pas de sa performance.
La première représentation était prévue en début d’après-midi, à 15 h avec les enfants des écoles. « « L’heure approchant, j’avais une boule dans le creux du ventre.
— Papa m’a dit que tu es prêt pour ta prestation ?
— Je ne sais pas trop, et si je ne suis pas à la hauteur.
— Tu as peur, nous appelons ça le trac. Le trac est une réaction tout à fait normale d'anxiété, de peur, d'appréhension, qui précède une performance publique.
— Comment il faut faire pour ne plus avoir le trac ?
— Il n’y a pas de remède miracle, ce que tu dois savoir, une fois en piste et que ton numéro commence, tu ne penseras plus à rien et le trac ne sera plus là.
— Tu es sûre.
— Allez, viens Papa souhaite que tu entres avec les autres chevaux pour la présentation.
— Il faut que je prépare Saida.
— Non la présentation se fait à cru, tu sais monter à cru ?
— Oui bien sûr.
— Rejoins, les coulisses situées à l’arrière.
Je me suis présenté avec Saida Louis donne les dernières instructions.
— Ah ! Michael les cavaliers entrent en file indienne et font cinq fois le tour de la piste, ensuite vous vous présentez de face, je t’ai montré, tu es prêt ?
— Oui, bien sûr. Des souvenirs surgissent en moi. »
Je suis entré le dernier en suivant les autres chevaux, les enfants sont heureux et moi aussi. Les artistes se présentent à tour de rôle, les passages s’enchaînent quand ce fut à nous, mes jambes me portent difficilement, Monsieur Loyal annonce un numéro incroyable… Une jument intelligente… Du jamais vue… Ici présent… Je ne comprends pas tout, mais c’est à nous. Une fois Saida installée au fond derrière la table et moi devant,
« je demande à un petit gamin d’une dizaine d’années de venir me rejoindre.
— Bonjour jeune homme comment t’appelles-tu ?
— Robert.
— Eh bien, Robert, veux-tu m’aider à faire un jeu ?
— Oui.
— Tu vois ces cartes, ce sont des as, peux-tu me dire comment on les nomme ?
— Il y a l’as de cœur, celui de pique, de trèfle et de carreau.
— Très bien, tu es doué, tu veux bien te mettre à côté de la jument, elle s’appelle Saida, très bien regarde bien, je mélange les cartes, les dispose sur la table.
Peux-tu me dire où se trouve l’as de carreau ?
— Non, je ne le vois pas.
— Choisis une carte, que tu penses être l’as de carreau.
— Je ne sais pas, m’importe laquelle ?
— Oui, c’est le hasard qui te guide.
— Robert, s’avance et me désigne une carte.
— Fais là tomber, tu veux bien ?
Robert fait chuter la carte sur la table.
— Pas de chance, je montre aux spectateurs, l’as de cœur.
Tu veux faire un autre choix ?
Robert s’avance et fait tomber l’as de pique.
— Décidément, tu n’as pas de chance, tu penses que Saida peut faire mieux que toi ?
— Si elle a de la chance, oui.
— Viens avec moi, tu mélanges bien les cartes et tu les disposes sur la table, bien, maintenant demande à Saida de trouver une carte celle que tu auras choisi.
— L’as de cœur.
— Saida, où se trouve, l’as de cœur ?
Elle s’approche regarde les cartes, me regarde, puis fait tomber l’as de cœur, tout le monde applaudit, même Robert.
— Elle a de la chance, tu ne trouves pas.
— Oui.
Je siffle deux fois et elle recule.
— Robert, choisis une autre carte
— L’as de trèfle.
— Saida, où se trouve, l’as de trèfle ?
Elle s’approche regarde les cartes, me regarde, puis fait tomber l’as de trèfle, tout le monde applaudit.
— Saida, fait tomber, l’as de pique.
Elle me regarde puis fait tomber l’as de pique. C’est un tonnerre d’applaudissements.
Robert, il faut avouer que Saida a un don pour deviner les cartes.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs sans oublier les jeunes hommes, je vous remercie pour votre accueil, mais nous revenons tout à l’heure pour vous monter un autre don de Saida, que je dois bien avouer, je ne connaissais pas, il y a quelques heures seulement. Robert, tu peux retourner à ta place, je vous demande de bien vouloir applaudir le jeune Robert, merci pour ta prestation. »
Avec Saida, nous nous avançons devant les spectateurs et les saluons, Saida exécute sa plus belle révérence. Tous les spectateurs sont debout pour nous applaudir…
« Une fois sortie du chapiteau, toute la famille du cirque qui n’est pas occupée vient me féliciter, même Louis est là pour me complimenter.
— Michael, Saida, vous nous avez offert une prestation de haut vol, merci encore.
Je me repose dans un coin en attendant d’entrer à nouveau en piste, Kalia vient me voir, elle me félicite, puis me demande.
— Dis-moi comment, tu fais avec Saida.
— C’est très simple quand elle me regarde, je lui désigne la carte du regard, elle comprends de suite.
— Elle est formidable, comment as-tu pu te payer une jument pareille ?
— C’est un cadeau.
— Un cadeau de ton amoureuse ? me demande Kalia.
— Je n’ai pas d’amoureuse.
— Et moi, je suis quoi pour toi ?
— Tu es la première, il n’y a que toi dans mon cœur.
— Tu es un beau parleur.
— Michael en piste !
— C’est déjà à nous ? »
Je me présente à l’entrée du chapiteau, côté artiste, on me fait patienter, j’entends les applaudissements, c’est à nous je m’avance avec Saida.

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