13.    Jack

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En début d’après-midi le lundi 3 avril 1933, nous nous trouvons dans la périphérie de Kansas-city, nous avons consulté un médecin, celui-ci, n’a rien trouvé de grave. Papi a une grosse fatigue, il a prescrit du repos, une semaine minimum. Papi s’est assis sur un banc et je suis allé faire des courses et trouver une chambre. Il y a une heure, qu’il m’attend, quand un homme se présente à lui.

- Bonjour Monsieur,

- Bonjour,

- Je suis Jack du ranch Mac Enroll.

- Ha ! Oui, Michael m’a souvent parlé de vous.

- Je peux m’asseoir près de vous ?

- Faites donc, mais vous n’avez pas honte d’avoir traité le petit de la sorte.

- Je ne sais pas ce que Michael, vous a raconté, quand je vous ai reconnu, je me suis dit que je vous devais des explications, surtout à Michael.

- Je vous écoute, ou bien nous attendons le retour de Michael ?

- Je vais vous donner ma version, Michael est quelqu’un de très sensible, vous jugerez et lui révélerez ce qui ne le perturbera pas trop.

Il a dû vous dire que le fils du patron, Roy ne le portait pas dans son cœur.

- En effet.

- Michael rentrait de sa journée de travail et M. Liam lui a demandé de bien vouloir s’occuper de son cheval et de prendre bien soin de sa selle, naturellement Michael a accepté.

- Le connaissant, je me doute bien que tout a été fait dans les règles, sinon mieux encore.

- Le lendemain, M. Liam a retrouvé sa selle dehors sur le sol dans un piteux état. M. Liam, qui est impétueux, m’a demandé de lui envoyer Michael. Je n’ai pas osé questionner le patron. Après une brève hésitation, je lui ai envoyé Michael, et il l’a renvoyé sur-le-champ.

Quand j’ai appris ce qu’il se passait, je suis parti à sa recherche en vain.

Les choses se sont enchaînées sans que personne n’y puisse rien.

Sarah m’a demandé ce qu’il se passait, j’ai bien été obligé de lui dire, elle est directement allée trouver son père et une dispute s’en est suivie, Sarah a pris la défense de Michael, son père ne voulant rien entendre, elle est partie en claquant la porte.

Saida qui a un sixième sens a compris que Michael n’était plus là, elle a faussé compagnie au palefrenier, puis elle a cherché comment s’enfuir, elle a trouvé un endroit où sauter après une course endiablée, elle a sauté emportant le haut de la barrière avec elle.

Nous avons sellé les chevaux et sommes partis à sa recherche, Roy était avec nous.

Elle aussi, nous ne l’avons pas retrouvée, vous connaissez la suite.

Une fois de retour, nous avons croisé Sarah qui partait au volant de sa voiture.

M. Liam était sur le perron de sa maison. Il a de suite invectivé son fils.

- Roy, c’est toi qui t’en es pris à ma selle.

- Non, voyons, papa ce n’est pas moi, dis-moi qui t’a dit cela.

- Ta sœur.

- Ma sœur, mais elle n’a pas pu me voir.

- Tu t’es vendu.

- Tu ne vas pas me faire des histoires pour ce nabot qui ne vaut rien.

- C’est à moi d’en juger, et ton comportement n’est pas digne d’un Enroll.

- Si tu prends la défense de ce débile, je préfère me tirer comme ma sœur.

Roy a cherché à recruter les gens du ranch, mais contre toute attente la grande majorité a pris la défense de Michael, il n’y a que les proches de Roy qui l’ont suivi.

Vous vous doutez bien que depuis ce jour le ranch est devenu invivable, M. Liam en voulait à la terre entière.

Moins d’une semaine après, c’est à moi qu’il s’en est pris, je lui ai simplement dit :

- je regrette de ne pas être parti tout de suite, vous connaissez suffisamment Michael pour savoir que cela ne lui ressemble absolument pas.

Je ne vous le pardonnerais jamais.

Une fois parti, je suis venu à Kansas où je savais trouver un job.

Quelle a été ma surprise en vous voyant. Que faites-vous ici ?

- Moi aussi, c’est une longue histoire.

- Nous sommes dans les confidences, je vous écoute.

- Je m’étais fait la promesse d’aller sur la tombe de mon père, il est tombé à la bataille de GETTYSBURG.

- La guerre de sécession ?

- Oui, tout à fait, les années ont passé, je me suis résigné, j’étais mourant quand Michael, s’est occupé de moi, il m’a remis sur pied, il m’a écouté et…

- JACK, JACK.

- Michael.

Michael, s’est jeté dans les bras de Jack.

- Comment vas-tu ? Tu m’as manqué, tu sais ?

- Toi aussi, tu m’as manqué, comment vont les gens au ranch, Sarah, Anna ?

- Je ne travaille plus au ranch, je travaille pour un pote à moi, nous transportons et livrons des chevaux ou du bétail.

- Mais pourquoi ?

- Je me suis disputé avec M. Liam.

- À cause de moi ?

- Oui, mais pas seulement.

Papi a pris la parole.

- As-tu trouvé une chambre pour la nuit ?

- Oui. Elle n'est pas très loin.

- Allons-y, j’ai besoin de me reposer.

- D’accord Papi, on y va.

Une fois arrivé à la chambre, j’ai préparé une tisane avec les herbes que j’ai achetées. Il y a du romarin, du thym, du citron et de l’eucalyptus, Papi en a bu deux tasses et une fois couché, Jack et moi avons discuté longuement, je n’en revenais pas que les gens du ranch, Anna, et surtout Sarah aient pris mon parti. Jack a voulu savoir comment cela se faisait que nous nous trouvions à Kansas. Il m’a écouté, puis après un long silence.

- Ce n’est pas prudent un tel voyage avec un vieil homme comme Anton.

- Je sais, mais ce pèlerinage le motive et nous allons lentement comme une promenade sans contrainte.

- Les routes ne sont pas sûres, il y a aussi les tempêtes et Anton me semble fatigué.

- Nous avons vu un médecin ce matin, effectivement, il a surtout besoin de repos, nous allons passer la semaine ici, nous repartirons après.

- J’ai une solution à vous proposer, nous allons chercher une demi-douzaine de chevaux Fox-trotter sur la route de Saint-Louis, le camion est tout équipé pour quatre chevaux, nous partons à vide, je vous propose de voyager avec nous, nous vous laisserons près de la ville de Columbia.

- C’est à une dizaine de jours à cheval, non ?

- Oui, nous y serons dans la soirée.

- Une journée super, mais pas dans nos moyens.

- Qui te parle de payer quelque chose, vous êtes du voyage en tant qu’invités.

Nous avons passé les journées à faire de petites promenades à la ville, Kansas city est une grande ville, il y a le tramway avec des perches sur le toit pour le raccordement à l’électricité, la ville est trop bruyante, nous avons préféré nous balader dans les environs et le plus important, de nous reposer.

Une fois le jour du départ arrivé, Jack est venu nous récupérer.

Les chevaux sont vite installés dans le camion, nous avons pris place à côté de Jack sur la banquette avant. Le camion a rejoint la route où nous attendait un autre camion.

Nous sommes partis en direction de Saint-Louis, ce nom évoque pour moi le monde moderne, les maisons avec plus de dix étages…

Sur la route des voitures, nous doublent régulièrement, certaines klaxonnent pour nous montrer leur impatience. Vers douze heures-trente, nous avons fait étape dans un établissement pour voyageur. Je me doute que ce mode de vie va devenir la normalité.

Nous avons parcouru dans la matinée plus de cent kilomètres, soit cinq jours à cheval, chose impensable, il y a encore quelques années.

Nous sommes arrivés à destination vers dix-sept heures quarante-cinq, nous étions vraiment épuisés, heureux d’avoir parcouru presque 200 km dans la journée. Les installations sont impressionnantes, il y a du bétail un peu partout, des employés s’activent sur les enclos, nous sommes conduits à des box où nous laissons nos chevaux. Le négociant me demande :

- C’est votre jument ?

- Oui.

- Belle bête, combien vous en voulez ?

- Elle s’appelle Saida, elle n’est pas à vendre.

- Dommage, je t’en aurais donné un bon prix.

Jack est intervenu

- Ne l’embête pas, c’est fusionnel entre eux.

- Il n’y a pas de mal à se renseigner, pas vrai Michael.

- Oui, bien sûr.

Nous avons soupé à l’auberge voisine, décidément le négociant ne me plaît vraiment pas, il parle du bétail et des chevaux comme des marchandises, qu’il acquiert et revend le plus rapidement possible et avec une belle marge bénéficiaire. Ce monde me fait peur.

Au petit matin, après avoir remercié Jack, la séparation a été dure pour moi.

En route, Papi m’interroge :

- Ça va Michael ?

- Oui, mais j’ai l’impression de perdre ma famille une nouvelle fois.

Nous avons chevauché à un rythme plus lent sur les sentiers sans rencontrer personne, il y a des fermes où les cultivateurs nous regardent avec méfiance, mais une fois le dialogue instauré, ils sont souvent très curieux et serviables. Ils nous ravitaillent volontiers et refusent notre obole.

Un jour, nous avons sympathisé avec un couple nouvellement installé sur les rives du Missouri, ils nous ont parlé de leur projet, il n’était question que d’agrandissement, de défrichage, de champ à perte de vue, de tracteur toujours plus grand, de machine…

J'ai posé comme toujours les questions qui me tourmentent :

- Vous détruisez les forêts, la faune et la flore de nos campagnes, vous retournez la terre, arrachez les racines, il ne reste plus qu’une matière inerte.

- Mais non, pas du tout. Nous semons des grains de blé. Le rendement est super. Avec les nouveaux engrais, nous espérons accroître notre production de 15%.

- Il y aura forcément un prix à payer.

- Le gouvernement nous accorde des subventions.

- Je pensais plutôt à la nature.

- Jeune homme, il faut être réaliste, la crise a provoqué une explosion du chômage et une forte déflation. Aux États-Unis, le taux de chômage est passé de 3,1 % à 24 % entre 1929 et 1932. Des millions de personnes ont perdu leur emploi, leur maison et ont souffert de la faim. Les gens comptent sur nous pour les nourrir. L’avenir est devant nous. Je te conseille de saisir ta chance. Nous sommes en pleine Grande Dépression, et il faut être entreprenant pour s'en sortir. Sinon, tu ne seras rien du tout.

Ce jour-là, j’ai compris que le monde changeait, plus rien ne serait comme avant.

Le lendemain, nous avons repris notre route, mais notre entrain en avait pris un coup, nous restions silencieux plongés dans nos pensées.

Quand Papi m’interpelle, car notre route se divise en deux, et sur le plan, ce n’est pas clair, le chemin sur la gauche semble ne pas être fréquenté par contre tout droit, il y a des traces d’automobiles.

- A mon avis il vaut mieux filer en face, jusqu’en haut de la colline, de là, nous verrons bien.

- Oui, il sera toujours temps de faire demi-tour.

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