18.    La cavalerie

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Le samedi 1ᵉʳ juillet, nous allons à la recherche de la tombe du père de Papi. C’est vraiment une grande fête, il y a beaucoup de monde et, comme je pousse le fauteuil, tout le monde s’écarte pour nous laisser passer. Nous apercevons des tables avec des registres, il y a la queue pour avoir des informations. Curieux, nous demandons quelles types d’informations ils fournissent, on nous répond. Mais, toutes sortes d’informations, si vous avez les coordonnées d’un soldat de la bataille, ils vous diront dans quelle unité il a servi, comment il est mort, où se trouve sa tombe. Nous avons patienté dans la file, puis donné les informations que nous avons simplement : le nom James Stanford dans la cavalerie.

- Bonjour messieurs, quel est le nom du soldat que vous recherchez ?

- James Stanford

- Quel grade ?

- Nous ne savons pas.

- Dans quelle arme, il servait ?

- La cavalerie, mais je n’ai rien d’autre.

- Cela suffira pour le retrouver, voyons voir : Stan, Standen, Stanfield, ah voilà Stanford Ashton, non, Stanford James né dans le Colorado, marié à une certaine Betty Anderson.

- C’est lui et ma mère.

- Par ailleurs, il était bien sergent dans la cavalerie de l’Union, commandée par le général John Buford. Elle a joué un rôle crucial en retardant les forces confédérées. Votre père est mort lors d’une charge de cavalerie utilisée pour briser les lignes ennemies et exploiter une faiblesse dans leur défense. C’était le 3 juillet 1863.

Je vous donne les informations pour vous rendre sur sa tombe.

- Merci Monsieur.

- Ce fut un réel plaisir, nous sommes là pour ça.

Papi serre le papier entre ses doigts, ses mains tremblantes révélant un mélange de tristesse et de fierté. Il reste silencieux un instant, fixant le papier du registre comme s'il tente de reconstituer l'image de son père à travers ces mots. Ses yeux s'embuèrent légèrement et il inspire profondément avant de murmurer, presque pour lui-même :

- De plus, il a donné sa vie pour une cause… c'étaient un homme courageux.

Cependant, je sens ma gorge se nouer en le voyant ainsi, si vulnérable et pourtant rempli d'admiration pour un père qu'il n'avait peut-être connu qu'à travers des souvenirs flous et des récits transmis. Je pose une main sur son épaule, cherchant à lui offrir un peu de réconfort. Papi lève les yeux vers moi avec un sourire triste, mais sincère :

- Merci… de m’avoir aidé à découvrir tout ça. Par ailleurs, je n’aurais jamais pu le faire sans toi.

Les stèles sont les unes à la suite des autres, elles sont simples, toutes blanches avec une inscription dessus. Il est plutôt simple de le trouver :

Sergent James Stanford

né le 13 novembre 1837

Mort pour l’union

le 3 juillet 1863

Lorsque nous avons trouvé la stèle, Papi se penche en avant dans son fauteuil, ses yeux fixant les inscriptions comme si le marbre lui raconte une histoire oubliée. Il murmure presque inaudiblement :

- Si jeune… Trop jeune, me dit Papi.

Nous nous recueillons sur sa tombe. Je peux sentir l'émotion dans sa voix, une combinaison de tristesse et de fierté. Il inspire profondément, puis ajoute :

- Tu te rends compte, il avait à peine 26 ans.

- Top jeune pour mourir, même pour l’Amérique.

Lorsqu'on est pris dans la tourmente de la guerre, on ne peut plus rien maîtriser… Tout devient chaos.

J’ai lu un article sur le chancelier Adolf Hitler, il a transformé l'Allemagne en un régime totalitaire. Cela ne me dit rien de bon.

- L’Allemagne, c’est loin !

- De nos jours, les distances diminuent avec l’aviation. Charles Lindbergh, en mai 1927, a volé de New York à Paris à bord de son avion, le Spirit of St. Louis. Il a traversé l'Atlantique.

Le domaine est vaste et chargé d'histoire, chaque pierre semble porter le poids des sacrifices passés. Cependant, nous l’avons parcouru, puis nous rentrons.

La journée fut épuisante pour Papi, il est allé se reposer. Je me suis installé dans la grande salle.

Christopher est venu me rejoindre, je lui ai raconté notre journée, il m’a questionné sur James, la cavalerie.

Christopher croise les bras, pensif, tout en regardant par la fenêtre.

- Tu sais, ici, nos parents étaient vraiment au cœur des événements. La bataille n'était pas qu'une histoire de stratégie ; c'était une question de survie, de choix difficiles à chaque instant.

Alors, il se tourne vers moi, un sourire mélancolique sur le visage.

- Votre grand-père devait être un cavalier exceptionnel.

- Je n’ai pas de famille à proprement parler, mais Anton est, personnellement, comme un grand-père pour moi. Anton avait juste huit ans lorsque son père est mort, mais on m’a toujours raconté que ce dernier était un cavalier d’exception.

- Un sergent dans la cavalerie américaine, ce n’est pas seulement un grade. C’est une responsabilité écrasante, celle d’un leader à la tête d’une escouade. Ces hommes, qui menaient les charges en première ligne, semblaient forgés dans un métal différent. Leur rôle exigeait de prendre des décisions fulgurantes dans des situations souvent marquées par l’urgence et la tragédie.

Peu après, Papi est venu nous rejoindre, il prend tout de suite la parole.

- Que voulez-vous savoir sur mon père ? D’après mes souvenirs, il était grand, avait les cheveux blonds et souriait tout le temps. Il me prenait avec lui sur son cheval et le faisait danser. Voilà à peu près tout ce dont je me rappelle. Je me souviens aussi des cavaliers qui venaient voir ma mère pour la remercier. Ils disaient que son mari était un homme extraordinaire, qu’ils le suivaient partout et qu’il avait sauvé beaucoup d'entre eux. Sa mort a été un terrible choc pour chacun de nous.

- Je vois bien de qui vous tenez.

- N’exagérons rien, je m’occupe simplement de chevaux. Mon fils, lui, c’est un monsieur.

Helen est venue se joindre à nous.

- Bonsoir ! Acceptez-vous une fille parmi vous ? demande Helen en souriant.

- Bien sûr, installe-toi à côté de Michael, répond Papi avec chaleur.

Helen croise le regard de Michael, qui détourne aussitôt les yeux, visiblement troublé.

- De quoi discutez-vous ? reprit-elle en prenant place.

- Oh, rien de très joyeux, j’en ai peur… Nous parlions de la mort du père d’Anton.

- Ton arrière-grand-père ?

- Oui, enfin non… Anton est comme un grand-père pour moi.

- Oh, excuse-moi.

- Ce n’est rien, dis-je en souriant légèrement.

- Avez-vous trouvé sa tombe ?

- Oui, ainsi que des informations sur sa mort, dit Michael, marquant une hésitation avant d’ajouter :

- J’aimerais bien aller faire un tour. Cela ne vous dérange pas si je vous laisse ?

- Non, je comprends. Va, te promener, prends le temps qu’il te faut, répond Papi.

Helen, baisse les yeux, un peu embarrassée, avant de murmurer :

- Je suis désolée, Michael, je ne peux pas t’accompagner. J’ai tellement de travail en ce moment…

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