19. Rapprochement
Je me suis alors aventuré dans les rues, attiré par l’effervescence qui anime les nombreuses boutiques. Le murmure des conversations, mêlé au cliquetis des vitrines, forme une symphonie urbaine captivante. Au croisement suivant, un attroupement retient mon attention : une troupe de passionnés anime les lieux avec éclat. Certains, vêtus d’uniformes impeccables, d’autres, parés de costumes d’époque, donnent vie à une scène vibrante. Les sabres scintillent sous la lumière, les fusils sont maintenus avec fierté, et le roulement cadencé des tambours accentue l’atmosphère immersive. Intrigué, je m’approche, happé par cette ambiance hors du temps.
En me faufilant pour mieux observer, mon regard tombe sur Kalia. Vêtue d’une robe élégante qui souligne sa grâce naturelle, elle semble appartenir à ce tableau historique. Elle ne m’a pas vu. Une hésitation me saisit, comme un poids invisible. La dernière fois que nous nous étions quittés, elle était fâchée. Était-elle la même femme que j’avais connue ? Avait-elle changé, mûri… ou m’avait-elle pardonné ?
Chaque pas que je fais parait plus lourd que le précédent, mon souffle suspendu par l’incertitude. Alors qu’elle se retourne lentement, nos regards se croisent. Le temps semble arrêté. Une onde d’émotion traverse son visage ; ses lèvres tremblent légèrement. Puis, dans un élan soudain, elle court vers moi et, sans hésitation, se jette à mon cou.
- Excuse-moi, pardon, me dit-elle, les yeux brillants d’émotion.
- C’est plutôt à moi de te demander pardon, répondis-je doucement.
Elle m’attrape par la main, l’air pressé, et ajoute :
- Tu ne m’en veux pas… viens, il y a trop de bruit et trop de monde ici
Nous marchons ensemble, sa main toujours dans la mienne, jusqu’à une petite place tranquille. Là, nous nous installons à la terrasse d’un café et nous commandons deux boissons fraîches.
Alors, elle me regarde intensément, un sourire chaleureux sur les lèvres :
- Comme tu es beau… tu m’as tellement manqué. Je pense à toi tous les jours.
- Toi aussi, tu m’as manqué, dis-je, touché. Mais, dis-moi, comment se fait-il que tu sois ici ?
- Je suis arrivée depuis hier seulement. Après ton départ, je ne voulais rien savoir, étant persuadé que tu ne voulais pas de moi.
- Alors, tu as mal compris le sens de mes paroles.
- Oui, je sais. Ma tante Sania m'a tout expliqué et m’a déclaré qu’un garçon sérieux comme toi, Michael, c'est rare. Tu n’en trouveras pas souvent. Je m’en voulais déjà, en plus, quand mon père m’a raconté votre conversation et la confiance qu’il avait en toi. Je me suis sentie vraiment coupable, au point que je souhaitais disparaître. Alors, je me suis senti abandonnée, comme si tout s'écroulait autour de moi. J'avais besoin qu'on discute, qu'on dissipe les malentendus.
- Mais, tu n’aurais pas fait ça, n’est-ce pas ?
- Dans ces moments-là, murmura-t-elle, je ne voyais pas d’autre issue. La vie n’avait plus de sens pour moi. Je ne pouvais ni travailler, ni même monter sur le trapèze. Papa m’a parlé, et il m’a dit :
- Tu ne peux pas rester comme cela, tu aimes ce garçon. Si tu renonces, tu regretteras toute ta vie.
- Tu es cruel papa, que veux-tu que j’y fasse ? lui ai-je répondu, dévastée.
- Michael nous a dit qu’il serait à Gettysburg pour la commémoration le 2 juillet.
Ensuite, il s’est rendu à la gare, m’a acheté un billet de train, et il m’a dit :
- Ainsi, tu seras sur place le 30 juin.
- Papa, je t’adore. Je me suis jetée dans ses bras. Voilà pourquoi je suis ici. J’espère que cela te fait plaisir.
- Donne-moi ta main, dis-je, avant de la saisir délicatement et de l’embrasser.
Rien ne pouvait me rendre plus heureux. Avec ta belle robe, je dois dire que j’ai failli ne pas te reconnaître.
- C’est papa qui a insisté, me confie-t-elle en riant.
- Il m’a déclaré, tu ne vas pas te présenter devant ce jeune homme en pantalon voyons !
Et Sania m’a emmené en ville, m’assurant que je ne devais pas revenir avant d’avoir trouvé la tenue parfaite.
- Tu es magnifique. répondis-je, ému.
Ainsi, nous avons discuté jusque tard dans la soirée. Avant de partir, nous sommes convenus de nous retrouver le lendemain à l’escalier menant à l’estrade. Et, juste avant de me quitter, Kalia m’a offert un cadeau inattendu : quatre cartes, les quatre As.
Je suis rentré la tête remplie de souvenir et le cœur en fête.
A table, nous avons discuté de la journée du lendemain. Avant de nous quitter, Helen a précisé avec un sourire :
- Je vous retrouverai sur la grand-place, Papi sera sur l’estrade avec les vétérans.
Je vous présenterai mon patron, c’est lui qui coordonne un peu tout.
Nous sommes allés nous coucher de bonne heure, désireux d’être en pleine forme pour les événements du lendemain. Avant de me retirer, j'ai montré les cartes à Papi. Il les a observées un instant avant de murmurer simplement :
- Alors, tu l’as revue.
Papi m’étonnera toujours. Sa compréhension profonde et sa capacité à me soutenir avec une sagesse apaisante sont un réconfort inestimable au quotidien.
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