23.    Le train

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De bonne heure, nous nous dirigeons tous les trois vers la gare. Une fois sur le quai, nous avançons parmi la foule de voyageurs en direction du train. La locomotive à vapeur souffle bruyamment. C'est une Mikado. Je suis impressionné par sa puissance. Nous remontons le train à la recherche de notre wagon, et, une fois trouvé, nous montons pour nous installer dans notre compartiment. Kalia et moi, penchés à la fenêtre, observons l'agitation autour de nous. Les portes claquent, le chef de gare agite son drapeau, et le sifflet retentit, couvrant le brouhaha de la gare. Kalia me lance un regard complice, nos mains sont liées, tandis que le train s’ébranle lentement.

Le voyageur a trouvé sa direction, mais l'aventure ne fait que commencer…

Le train file depuis un bon moment maintenant. Nous sommes installés dans notre compartiment, confortable et bien aménagé. Il se transformera en couchette pour la nuit et peut accueillir jusqu’à quatre personnes.

Kalia est assise à côté de moi, tandis que Papi se trouve en face. Après quelques instants, Papi fouille dans ses bagages avant d’en sortir un paquet soigneusement emballé qu’il me tend.

- Tiens, c’est pour toi.

Surpris, je lève les yeux vers lui.

- Mais je n’ai besoin de rien, Papi.

Il sourit avec douceur.

- Si, ouvre-le, tu verras.

Je défais délicatement l’emballage et découvre un magnifique livre. Une encyclopédie, épaisse et élégante, avec une couverture richement ornée.

- Elle est splendide… Je n’ai jamais possédé de livre. Merci, Papi.

Il hoche la tête avec bienveillance.

- Tu l’as bien mérité.

Kalia, intriguée, observe l’ouvrage avant de murmurer avec admiration :

- C’est un superbe livre.

Les heures passent lentement, rythmées par les arrêts fréquents du train tous les 150 km pour faire le plein de charbon et d’eau. Heureusement, il y a un compartiment salon de thé, très confortable, où nous nous installons pendant de longues heures dans la journée.

Le matin, Papi et moi faisons des maths ou de la physique, en ce moment il me fait faire des exercices dans un temps limité. Pour le déjeuner, nous nous rendons au wagon-restaurant. L’après-midi, je passe du temps avec Kalia ou nous lisons tranquillement.

Il y a un certain temps que Kalia s'est absenté. À cet instant, je suis plongé dans mon encyclopédie depuis un moment. Papi, lui, dévore un roman policier. Je relève la tête… Kalia n’est toujours pas là.

Je pars à sa recherche. Je traverse les couloirs et vérifie les toilettes au passage—rien. Pas plus de traces d’elle dans notre compartiment. Peut-être que les toilettes étaient occupées et qu’elle est allée plus loin ?

Je continue de remonter le train, jusqu’aux dernières toilettes avant la locomotive. Toujours rien.

Déçu, je retourne auprès de Papi, espérant la retrouver bientôt. Mais alors que je franchis un wagon, j’entends une porte se refermer derrière moi.

Je ralentis mon pas.

Soudain, Kalia me rattrape.

Que fais-tu là ? demande-t-elle, un brin surprise.

Je te cherchais.

J’étais juste aux toilettes suivantes.

Je fronce les sourcils.

Ah bon… Pourquoi ce mensonge ?

Je m’efforce d’être disponible et proche de Kalia. Elle apprécie mon attention, mais les regards insistants d’un gaillard en costume bleu marine ne me rassurent guère.

Ce soir, Papi a commandé un repas spécial. Il a une annonce à nous faire. Intrigué, j’interroge Kalia :

- Tu es au courant ?

- Non, pas du tout.

- De quoi s’agit-il ?

- Je n’en ai pas la moindre idée… Nous verrons bien ce soir.

Le dîner dépasse toutes mes attentes. La table est dressée avec une élégance surprenante : double assiette, trois couteaux, trois fourchettes, des petites cuillères, trois verres de tailles différentes.

Le repas débute avec une entrée. Papi nous explique avec sérieux :

- Les couverts s’utilisent de l’extérieur vers l’intérieur, et l’assiette ainsi que les couverts sont débarrassés après chaque plat.

Je le regarde, un brin amusé.

- Pourquoi tout ce tralala ?

Il esquisse un sourire.

- Quand on fréquente la société, il y a des conventions à respecter. Je voulais marquer un événement comme il se doit.

Je fronce les sourcils.

- De quel événement parles-tu ?

- Encore un peu de patience, et tu sauras tout.

Après le poisson, la viande, des fruits et enfin un gâteau, sans oublier une leçon de savoir-vivre à chaque plat ; les verres sont très importants : le plus grand pour l’eau, celui du milieu pour le vin et enfin la coupe. La coupe est pleine, je commence à saturer.

- Tu nous nourris pour la semaine ! Avec du champagne en prime, la boisson des rois de France… C’est ta rencontre avec le président des États-Unis qui te monte à la tête ?

Papi rit doucement avant de répondre :

- Non, pas du tout. Ce que je fête avec vous, c’est le succès de Michael.

Je le regarde, surpris.

- De quel succès parles-tu ?

Son regard se fait plus sérieux.

- Depuis plusieurs jours, je te fais faire des exercices comme si tu passais un diplôme d’ études supérieures. Eh bien, pour moi, tu as réussi toutes les épreuves.

Je reste interdit.

- Mais… je n’ai rien fait de plus, comme d’habitude.

Papi sourit avec bienveillance.

- Michael, je te félicite. Et pour te prouver à quel point, je suis fier de toi, voici un cadeau.

Il sort alors une petite boîte qu’il me tend. Je n’ose pas la prendre, tant je suis ému. J’ouvre le couvercle et découvre la montre magnifique de Papi.

L’émotion est trop forte, je fonds en larmes.

- Papi, c’est trop… Elle est à toi, je ne mérite pas un tel objet d’art.

Kalia me prend doucement dans ses bras.

Papi pose une main sur mon épaule.

- Que veux-tu que j’en fasse à présent ?

Nous avons parcouru presque la moitié du trajet, et le train arrive à Columbia. Dix minutes d’arrêt.

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