26. Le repos
La soirée se termine tard. M. le maire a tout prévu, nous dormons dans un superbe hôtel. Au petit matin après notre déjeuner, une voiture nous attend. John est au volant. Il descend, embrasse son père, Michael puis, hésite face à Kalia, celle-ci plus à l'aise, tend la main à John, je suis Kalia, vous devez être John.
Les présentations faites et les bagages chargés, nous prenons la route de la maison.
Personne ne parle, nous apprécions le paysage. Les virages sont de plus en plus serrés, Michael prend la parole.
- Tu vois ce virage qui est devant nous, c'est là que tout a commencé, il y a presque cinq mois.
- La route est mauvaise pourquoi le bus est passé par là ?
- c'est la route de Salt Lake City, les enfants revenaient d'une classe de neige.
John prend enfin la parole.
- Vous m'avez complètement bluffé. Je pensais qu'après un mois à la belle étoile, vous m'appelleriez au secours.
J'avais de vos nouvelles par les journaux, la traversée de la rivière, tout de même papa à presque quatre-vingts ans !
Je dois reconnaître que je connaissais le projet de papa, mais il était pour moi tellement inimaginable que je n'y croyais pas. Je te demande pardon Michael, je ne pensais pas qu'un garçon comme toi puisse exister.
Je regarde John, son visage est sincère. Je devrais répondre, mais aucun mot ne vient.
Le silence qui s'en ai suivi personne ne l'a rompu, c’est peut-être la seule réponse dont nous avons besoin.
Une fois à la maison, nous avons déchargé la voiture. La chaleur du foyer nous enveloppe, et pour la première fois depuis des mois, nous nous sentons véritablement chez nous.
Kalia se tourne vers moi, son regard pétillant d’émotion.
- Michael, comme je suis heureuse d’être ici avec toi… Une maison, une chambre à nous, un rêve.
Sa voix tremble légèrement, et je réalise à quel point ce moment est important, son monde à elle a toujours été fait de roulottes et de routes incertaines.
Elle s’approche, pose ses mains sur mon visage.
- Embrasse-moi, murmure-t-elle. Prends-moi.
Je la serre contre moi, les sensations m'envahissent, la lumière tamisée de la chambre, le bruit feutré du vent contre la fenêtre, mais surtout son parfum et pour la première fois depuis longtemps, il n’y a ni urgence ni précipitation. Juste nous, dans un endroit où nous pouvons enfin être ensemble.
Le temps semble suspendu. Nous n’avons plus besoin de parler, tout se passe dans les regards, les gestes, la douceur du moment. Son souffle contre ma peau, le poids léger de sa présence contre moi.
Rien d’autre ne compte. Ni les kilomètres parcourus, ni les épreuves traversées. Ici, c’est chez nous, et pour la première fois, nous nous appartenons pleinement.
Nous profitons de la maison, la vie suit son cours. Kalia a écrit à son père, pour lui demander s’il serait bien à Castle Rock pour le Jeudi 21 septembre. Nous irons les retrouver.
Les semaines passent vite, puis un jour, nous recevons la visite du commissaire, venu en personne nous rapporter les objets dérobés par les bandits.
John, en homme d’affaires, nous a convoqués. Une fois réunis, il prend la parole :
- Je tiens personnellement à vous remercier commissaire dans cette opération, tout se termine bien, vous avez bien manœuvré.
- Effectivement, les bandits sont sous les verrous, pour très longtemps, je pense.
La compagnie des chemins de fer vous alloue une carte de réduction de 10 % sur tout le réseau.
- Nous vous remercions, c'est très aimable à vous.
Le commissaire tient à me féliciter personnellement.
Je le remercie, mais Kalia étant à mes côtés, impossible de poser les questions qui me turlupinent. Une fois le commissaire parti, je ressens un pincement. Quand pourrai-je enfin en savoir plus ?
Une autre fois, c'est un journaliste qui demande après nous.
Notre journal souhaite retracer toute votre aventure sous forme de bande dessinée.
Nous avons eu un mal fou à nous en défaire.
Kalia et moi le matin, nous partons faire une balade à cheval. Je culpabilise un peu, car c'est avec Papi que depuis plus d'une année, nous parcourons la région.
Je lui fais découvrir les points de vue, que Papi m'a si gentiment montrés.
Tout semble plus calme aujourd’hui. Plus réel. J’avais parcouru tant de kilomètres, vu tant de visages. Mais ici, au sommet de cette colline, tout me parait enfin familier. Comme si c’était là que j’avais toujours voulu être, Kalia, elle aussi apprécie et le romantisme des paysages, lui font chavirer le cœur et son appétit pour moi, est impressionnant, la chaleur de l'été accueille nos ébats sur l'herbe ou sur une simple couverture.
La nature est majestueuse avec cette lumière dorée, à cette chaleur, la quiétude du lieu me fait prendre conscience du contraste entre ce que j'ai vécu et le bonheur ici présent grâce à Kalia.
Peut-être que je n'ai pas fui un passé… Mais couru vers elle.
Ce soir, je rends visite à Papi. Je frappe à sa porte, puis j'entre et je l'appelle.
- Papi, tu es là ?
- Oui, je suis là Michael.
- Je suis un ingrat, je passe tout mon temps avec Kalia et je t'abandonne.
- Tu es jeune profites de tout ce que la vie t'offre, elle te file entre le doigts sans que tu ne t'en rendes compte et demain, tu as 80 ans, comme le dit si bien John.
Je baisse les yeux, un instant troublé. Papi a raison. Je cours après tant de choses, et pourtant… Ici, avec lui, le temps semble prendre toute sa valeur.
J'ai pourtant une question que je tiens à lui poser.
- Papi, je peux te poser une question ?
- Bien sûr Michael, tu n'as pas à être gêné avec moi.
- Tu as eu de nombreuses activités dans ta vie, et pourtant, tu m’enseignes une foule de connaissances, mieux qu’un professeur. Comment est-ce possible ?
Papi sourit légèrement avant de répondre :
- Je dois t’avouer que j’ai aussi été professeur à la faculté des sciences.
Un instant, je reste figé.
- Ah ! Je comprends mieux.
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