28. Le chèque
Comme convenu avec la mairie, le 8 septembre, Anton, John, Kalia et moi nous rendons à Denver pour la remise du chèque, sans oublier Saïda dans le van. Une fois arrivés, M. Green nous montre notre hôtel ainsi que l’écurie pour Saïda.
L’après-midi, John en profite pour régler quelques affaires, Papi reste à la chambre, tandis que Kalia et moi partons nous promener en ville.
Le lendemain matin, une voiture de la mairie vient nous chercher.
Un palefrenier prend soin de Saïda.
Nous entrons dans un magnifique parc. Le chauffeur précise :
- La kermesse est organisée ici, le public viendra nombreux. La presse n’est pas conviée. Le spectacle est prévu sous une tente de réception à 14 h.
Puis il ajoute :
- Vous voilà arrivés ! C'est ici que je vous laisse.
- Merci
Un homme se présente à nous.
- Bonjour, je suis Owen, le responsable du spectacle. Vous devez être Kalia ?
- Bonjour Owen, oui, c’est bien moi.
- Nous avons contacté toutes vos sources, à part le lanceur de couteaux qui n’était pas disponible. Ils ont tous répondu présent.
Le prestidigitateur vous attend à l’arrière pour la répétition. Michael, je présume ?
- Tout à fait, vous présumez bien.
- Parfait. Votre numéro avec votre jument arrive…
Il marque une pause avant d’expliquer :
- Je vous donne l’ordre de passage : les clowns accompagneront les enfants et leurs parents du parc jusqu’ici. Ensuite, les jongleurs entreront en scène, puis viendra l’illusionniste. Et enfin, Michael et sa jument. Tout le monde a compris ?
Personne n’a de question ?
Bien, on se retrouve à midi pour le repas.
Je n’en reviens pas… Comment Kalia a-t-elle pu organiser tout cela ? Je veux lui poser la question, mais elle a déjà disparu, et une charmante dame s’approche de moi.
- Bonjour Michael, je peux te tutoyer ?
- Oui, bien sûr, madame.
- Pas de "madame", je suis Sylvie. Alors, voilà ton programme : le présentateur annonce Michael, celui qui a sauvé nos enfants. Tu vois l’idée ?
- Oui.
- Tu entres, puis ton cheval arrive juste après.
- Saïda ! Pas mon cheval, ma jument, Saïda.
- Oui, bon, Saïda arrive… Et tu présentes quoi, au juste ?
- Saïda doit deviner les cartes, les quatre as.
- Bien. Une fois ton numéro terminé, Anton, ton grand-père, viendra te rejoindre. Le présentateur annoncera monsieur le maire, qui fera un petit discours. Ensuite, il appellera le représentant des organismes et l’huissier de justice qui te remettra le chèque.
Tu devras le montrer bien haut au public, en le tenant face à eux, puis tu le tendras au représentant.
- Pourquoi toute cette mise en scène ?
- Il faut que le public comprenne que tu fais un véritable cadeau. Ne t’inquiète pas, tu vas répéter avec le présentateur et le représentant. Si tu as un souci, je suis là.
La répétition s’est bien déroulée, et j’ai aperçu Kalia, qui m’a souri.
Midi approche, et toute la troupe se dirige vers un petit restaurant du parc.
Une fois à table, Kalia, à mes côtés, est une nouvelle fois au centre des discussions. Comment connaît-elle autant de monde ? Papi et John échangent tranquillement. Papi me regarde et me fait signe, ainsi va la vie.
Le service est un peu long, mais nous attendons déjà le café. Nous nous dirigeons ensuite vers la tente, lorsque Owen me glisse discrètement :
- Michael, nous avons un problème. Les parents souhaitent te voir avant le spectacle.
- Tu as une solution ?
- Il y a une petite salle au restaurant qui ferait l’affaire, mais nous n’avons pas beaucoup de temps.
- Tu sais pourquoi ils veulent me voir ?
- Non, pour te remercier, je présume. Je vais au restaurant, tu me rejoins là-bas ?
- Entendu.
Une fois dans la salle, je m’assois et j’attends. Les voilà enfin qui arrivent. Les premiers parents entrent précipitamment et se dirigent vers moi. Instinctivement, j’ai un geste de recul. Une dame prend la parole :
- Monsieur Michael, depuis le temps que nous espérons vous voir, nous tenions à vous exprimer notre plus profonde reconnaissance. Nous avons tenté, par tous les moyens, de vous retrouver, mais d’après le commandant, vous étiez déjà en route pour l’autre bout des États-Unis, sans possibilité de vous joindre. À la mairie, nous avons à peine eu le temps de vous apercevoir.
- Je suis là, et je tiens à vous dire que je n’ai fait que mon devoir. Des enfants en danger ne laissent personne indifférent. Je suis heureux que vos enfants soient sains et saufs. Il n’y a rien de plus à ajouter.
- Mais nous avons cotisé pour vous, et vous refusez notre cadeau ?
- Je ne le refuse pas, je le réutilise. Et je vous remercie pour votre gentillesse, qui me touche beaucoup.
Si vous ne voulez pas priver vos enfants du spectacle, nous devons y aller. Heureusement, tout le monde suit.
Arrivés au chapiteau, les parents prennent place. Il y a plus de monde que prévu, des bancs supplémentaires sont apportés.
Enfin, les clowns quittent la salle dans un tourbillon de pitreries, déclenchant les rires. Puis, les jongleurs font leur apparition, plus adroits les uns que les autres. L’un d’eux commence avec deux balles qui semblent tournoyer au-dessus de sa tête. Il en prend une troisième, une quatrième. Les enfants retiennent leur souffle, s’attendant à voir la chute fatale. Mais il en ajoute une cinquième, puis une sixième. Elles filent les unes après les autres dans un ballet hallucinant. Pour finir, toutes les balles atterrissent dans son chapeau. Il reçoit les applaudissements mérités.
Le présentateur s’adresse aux enfants :
- Arriveriez-vous à jongler avec six balles ?
Les enfants répondent en chœur :
- Non !!!
- Et maintenant, si je vous dis qu’il a rencontré le président, traversé les États-Unis, qu’il a une jument, qu’il a sauvé des enfants… Mais je ne me rappelle plus son nom. Pour qu’il vienne, pouvez-vous l’appeler ?
- MICHAEL, MICHAEL, MICHAEL…
Stupéfaits, les enfants voient arriver non pas Michael, mais Saïda. Elle contemple l’assistance, puis lentement, avec grâce, elle salue le public. Tout le monde applaudit.
Quand enfin Michael arrive, c’est la panique ; rien de prévu ne se produit. Les enfants, dans un élan spontané, se lèvent et courent se jeter dans ses bras. Les parents, pensant bien faire, tentent de les récupérer, mais un brouhaha s’installe, incontrôlable, remplissant la salle d’une énergie débordante.
Il faut du temps avant que l’ordre revienne. Petit à petit, les gens reprennent leur place. Michael se retrouve seul, avec Saïda. Il pose une main sur son encolure et prend la parole :
- Depuis ma rencontre avec les enfants, je reçois toutes sortes de compliments venant de personnes prestigieuses. Mais je dois l’avouer, c’est l’accueil d’aujourd’hui qui me touche le plus. Aujourd’hui, je ne suis plus orphelin, j’ai une multitude de frères et sœurs.
Tout le chapiteau éclate en applaudissements.
Ensuite, Michael et Saïda présentent leur tour de magie. Les enfants, fascinés, se demandent comment elle peut deviner les cartes.
Discrètement, Anton fait son apparition. Les enfants l’applaudissent.
L’appariteur annonce :
- Voici monsieur le maire.
Le maire entre, les bras levés vers le ciel. Il prend immédiatement la parole :
- Mes chers compatriotes, c’est un honneur pour moi de vous accueillir, ainsi que nos invités : Anton, Michael, et sans oublier Saïda, qui, d’après mes sources, est celle à qui tout le mérite revient. Les enfants en sont témoins…
Une récompense bien méritée leur a été attribuée. Je demande au représentant de la banque de bien vouloir nous rejoindre.
Un grand gaillard en costume se présente. Il tient un chèque géant de plus de cinquante centimètres et me le tend en annonçant :
- Voici le chèque de 100 000 dollars, qui revient à Michael.
Je reconnais Kalia dans le public, qui me fait signe de tenir le chèque au-dessus de ma tête.
Je m’efforce de me rappeler les consignes. Je regarde le public et lève le chèque bien haut. Le flash du photographe m’éblouit.
Monsieur le maire reprend la parole :
- Michael, avec la générosité que nous lui connaissons, souhaite faire don de ce chèque aux organismes caritatifs dont le représentant va nous rejoindre.
Sous les applaudissements, le représentant entre et vient se placer entre le maire et moi. Je lui tends le chèque, qu’il reçoit avec émotion. Nous le tenons ensemble, et le photographe immortalise l’instant.
Monsieur le Maire invite le public à profiter des activités dans le parc. Une fois la tente évacuée, il me félicite pour ma prestation.
- Michael, je tiens à te remercier personnellement, la mairie était fort critiquée ces derniers temps et en quelques mois, tu as redoré notre blason. J'aimerais que tu rejoignes notre équipe.
- C'est un grand honneur que vous me faites, mais j'ai déjà un travail qui m'attend.
- Dommage. Si tu changes d'avis, passe à la mairie.
Soudain, Kalia surgit, les yeux pétillants, et déclare avec malice :
Il est à moi, vous ne l'aurez pas.
Michael sourit avant d’ajouter :
- Merci M. Le Maire.
Le maire les observe, amusé, devant le bonheur éclatant du jeune couple.
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