31.    Réconciliation

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Michael regarde la demeure, stupéfait. Comment est-ce possible ? Le tronc d’arbre, les poutres en branche, les planches imbriquées naturellement, et ce toit où la végétation pousse librement.

La vieille dame me fait entrer dans son univers, et tout est surprenant. Il y a même une source qui coule du rocher jusqu’à un petit bassin. À première vue, rien ne semble fonctionnel, mais il faut oublier tout ce que l’on sait sur les concepts d’une maison et se laisser apprivoiser par ce logis.

Nous nous installons sur le sofa. Celui-ci glisse doucement vers l’avant, se positionnant face à une grande baie qui ouvre sur la vallée.

Devant nous, encastré dans le mur derrière des portes coulissantes, un service pour le thé, le café ou la tisane. Un réchaud est habilement dissimulé dans le meuble.

La dame m’interroge.

- Michael ? C’est bien ça ? Raconte-moi ton histoire depuis le début.

- Il n’y a rien de bien intéressant.

Elle plisse les yeux.

- J’ai vu ta photo dans le journal.

- Alors il n’y a rien à rajouter.

Elle esquisse un sourire amusé.

- Tu es trop modeste. Ton aura attire le fantastique, tu ne le sais pas encore, mais tu as une destinée hors du commun. L’exploration et les voyages guideront ta vie. Il n’y a pas si longtemps, les gens venaient de très loin pour entendre mes prédictions.

Elle marque une pause, puis reprend, plus doucement :

- Si tu le veux bien, raconte-moi la déconvenue qui t’attriste autant.

Un soupir m’échappe. Sur qui suis-je encore tombé… Une voyante ?

Je fixe le sol.

- Kalia… Elle s’appelle Kalia. Notre amour remonte…

Je ne sais pas quel breuvage elle m’a donné, mais la nuit a été profonde, et je me réveille alors que le soleil est déjà haut.

Après un petit-déjeuner… Pour le moins particulier, je choisis parmi des œufs de différentes couleurs et tailles, accompagnés d’une viande séchée au goût étrange. Du castor, me dit-elle.

Je la remercie avant de partir.

- À bientôt, me lance-t-elle simplement.

Cela me semble fort improbable, mais l’inimaginable commence déjà à l’imprégner.

Suivant ses conseils, je décide de retourner au cirque.

Le soleil est haut, mais je ne le ressens pas.

Mes pensées sont plus claires, mon chagrin moins violent, ma détermination insoupçonnée. Je me sens mûr comme si des années s’étaient écoulées. Saïda avance lentement, son pas régulier accompagne la paix qui s’installe en moi.

Je caresse machinalement le petit médaillon de bois sculpté, en forme de roue à huit rayons. La vieille dame me l’a offert en disant : « Elle symbolise ton chemin, tes choix, et les conséquences de tes actes. » La pierre verte que je portais déjà s’est nichée d’elle-même au centre de la roue.
Comme si elle avait trouvé sa place.

j'analyse chaque question.

Pourquoi ? Pourquoi agit-elle ainsi ?

Je repense à tous ces instants où elle était avec moi, où elle semblait sincère. Était-ce un masque ? Un besoin incontrôlable ? Une façon de combler un vide ?

Louis avait parlé de sa mère. "Elle est comme elle."

Mais est-ce une fatalité ? Était-elle condamnée à reproduire ce schéma ?

Un soupir m’échappe.

Et moi, que suis-je censé faire ? L’accepter ? L’oublier ? La confronter ?

Saïda s’arrête près d’un ruisseau. L’eau limpide coule doucement sur les pierres. J’observe le reflet agité de mon visage. Il est temps d’avoir une explication avec Kalia.

Je dois lui parler.

Je dois savoir.

Le retour me semble beaucoup plus long que l’aller.

Je pénètre sur la place où sont parquées les roulottes, Saïda avançant lentement sous moi.

Kalia se tient là, figée, son regard fouille le mien.

Je m’approche.

- Tu sais.

Sa voix est à peine un souffle.

- Depuis quand ?

Je ne réponds pas.

Je ne la reconnais pas.

Elle secoue la tête, fait un pas en arrière.

- Je suis une idiote. Une incapable.

Elle serre les poings, puis éclate soudainement :

- Pourquoi tu es encore là ? Tu devrais me détester. Je me déteste !

Elle tourne en rond, son souffle court.

- Ce n’est pas moi. Ce n’est pas moi, tu comprends ? J’essaie. Mais je tombe. Encore et encore.

Je reste immobile.

Elle me fixe, désespérée.

- Dis quelque chose. Dis que tu me hais.

Ses yeux brillent, implorants.

Je parle enfin, ma voix posée, mais ferme.

- Calme-toi. Explique-moi ce qui t’arrive. Viens, allons marcher.

Elle cherche ses mots.

Puis, lentement, elle me raconte ses pulsions, ses démons, l’autre qui l’habite.

- Tu ne la connais pas. Elle est démoniaque.

- Si je comprends bien il y a deux Kalia.

- Oui, c'est exactement cela.

- il y en a une qui m'aime et l'autre qui me veut du mal, comment deux personnages aussi diamétralement opposés peuvent-elles, cohabité.

Je ne sais pas.

- Maintenant, je te le promets… Je ne l’écouterai plus. Fais-moi confiance.

Un silence.

Je plonge mon regard dans le sien.

- Tout le monde a droit à une nouvelle chance.

Soudain, Kalia m’embrasse avec fougue.

- Tu es un amour. Je t’adore.

Malgré ce baiser, le doute subsiste, en est elle capable ?

Je lui rends son élan, sans trop m’abandonner. Je choisis de lui laisser sa chance.

Je la serre contre moi, j’écoute encore les échos de ses aveux. Rien n’est vraiment vrai, la complexité de cette fille est fascinante. Le déni de la dualité me laisse penser à un traumatisme profond, mais je suis là.

Serai-je à la hauteur. Je ferme les yeux un instant. Peut-être que la confiance commence toujours ainsi non pas avec des certitudes, mais avec un doute qu’on choisit d’accueillir.

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