34.    Les retrouvailles

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Cela fait maintenant plus d’un an que je n’avais pas revu Papi.

Pourtant, je me tiens devant cette porte que j’ai franchie des centaines de fois.

Mais aujourd’hui, je suis paralysé.

J’appréhende de le revoir, moi qui n’ai même pas pris le temps de lui écrire.

Finalement, je me décide.

Je frappe.

Rien.

J’hésite, m’apprête à frapper de nouveau lorsque la porte s’ouvre.

Face à moi… Papi.

L’émotion me submerge.

Des larmes montent à mes yeux.

Il me prend dans ses bras et murmure avec tendresse :

- Tu m’as manqué, Toni.

Je reste figé.

Il m’a confondu avec son fils défunt.

Mais cette erreur…

Loin de me briser, elle renforce nos retrouvailles.

Son étreinte parle d’un amour qui dépasse tout.

Et je choisis de ne pas le corriger.

Il me fait entrer, et nous nous installons dans les fauteuils du salon.

Sans attendre, Papi prend la parole.

- Excuse-moi, Michael, de t’avoir appelé Toni… En ce moment, je pense beaucoup à lui… et bien sûr, à toi.

Il me scrute.

- Comment vas-tu ? Tu n’as pas voulu parler devant John ?

Un soupir m’échappe.

- J’aurais dû te prévenir de ma visite… mais je n’ai rien vu venir.

- Tu es toujours le bienvenu.

Son regard s’adoucit.

- Et ici, tu es un peu chez toi aussi.

Puis, après un silence :

- Tu as un problème ?

Malgré l’âge, Papi reste perspicace.

Je baisse les yeux.

- Il faut que je te raconte… Je ne sais pas trop comment t’expliquer…

Il pose sa main sur la mienne.

- Reste simple.

- Alors, après notre séparation…

Je me lance.

Kalia et moi filions le parfait amour.

Elle avait repris son numéro de trapéziste, et moi, mon tour de devinette avec Saïda.

Grâce à Louis, nous avions réussi à créer une animation plus courte, conciliant les deux numéros : les cartes et la musique.

Je finissais par un tir à cheval sur des cibles.

Les enfants adoraient.

J’attendais Kalia après son spectacle, et nous partions nous promener à cheval.

Mais, au bout de quelques mois, elle a changé.

Elle préférait se reposer après ses exhibitions.

Louis m’a alors proposé de présenter Saïda aux enfants, car beaucoup réclamaient de voir la jument.

Une séance photo a été prévue.

Je n’ai pas pu refuser.

Bien vite, le succès nous a conduits à organiser différemment la séance.

Ma présence devenait moins nécessaire.

Le photographe et Saïda s’entendaient à merveille.

Alors, j’en ai profité pour m’éloigner un peu.

Mais quelque chose chez Kalia… m’intriguait.

Et là, je l’ai découvert.

Après ses représentations, son succès auprès des hommes ne faiblissait pas.

Elle choisissait un partenaire.

Elle le conduisait dans la roulotte des équipements.

Quand je l’ai confrontée, elle m’a expliqué…

Qu’après une telle séance de voltige, elle devait évacuer la tension qui la submergeait.

Elle m’a assuré…

Qu’il n’y avait rien dans ces rapports.

Que j’étais le seul qu’elle aimait.

Je l’ai crue.

Du moins, je voulais la croire.

Comprends-moi, Kalia… Je ne peux pas te partager avec d’autres.

Elle m’a pris les mains.

Ses yeux imploraient.

- Ne me quitte pas. Je te promets que c’est fini. Il n’y a que toi.

J’ai cédé.

Je lui ai donné une autre chance.

Quelques mois plus tard…

Je l’ai surprise avec un autre homme.

Et là…

Tu ne vas pas me croire.

Ce n’était pas Kalia.

C’était une toute autre personne.

Un regard vide.

Un sourire carnassier.

Une voix glaciale, étrangère.

Le diable en personne.

- Un trouble dissociatif de l'identité. Me dit Papi.

- Je te jure, Papi… J’ai essayé.

Mais la savoir dans les bras d’un autre…

C’est plus fort que moi.

Je ne peux pas le concevoir.

Cette double personnalité… tu appelles ça trouble dissociatif de l'identité.

Les horreurs qu’elle m’a dites…

C’est impardonnable.

Papi me regarde, son regard profond, comme s’il sondait mon âme.

Sa voix est douce, posée.

- Qu’as-tu fait alors ?

Je baisse les yeux.

- Après une discussion avec son père… Je suis parti.

Un silence.

- Tu as écouté ton cœur, pas vrai ?

- Oui… mais depuis, je souffre.

Papi hoche la tête, son regard compatissant.

- Je te comprends.

Il marque une pause, puis reprend doucement :

- Il faut que je te dise quelque chose… mais tu préfères te reposer, sans doute. Ta chambre t’attend.

Je soupire.

- Tu as raison, Papi. Je vais me reposer un peu. Nous reprendrons la discussion plus tard.

Il acquiesce, toujours aussi vif d’esprit.

Il a compris que j’avais besoin de repos.

Plus tard dans la soirée, je redescends et trouve Papi à son bureau.

- Hello, Papi. Me voilà en forme.

Il me regarde avec bienveillance.

- Tu as dormi trois heures… Tu en avais besoin.

Je m’installe.

- Alors, qu’as-tu à me raconter ?

Papi hésite un instant, puis annonce :

- Figure-toi que j’ai reçu une lettre pour toi… De la part de Roy.

Je fronce les sourcils.

- De Roy ? Mais que me veut-il ?

- Je n’en ai pas la moindre idée. Je me demandais comment te la faire parvenir.

Une pointe d’intrigue naît en moi.

- Nous allons le découvrir. Tu peux me la donner ?

Papi ouvre un tiroir et en extrait une lettre qu’il me tend.

Je prends l’enveloppe et la décachette.

La lettre :

Cher Michael,

Tu dois te demander pourquoi un con comme moi t’écrit.

Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’il existe des gens comme toi, qui ne sont pas motivés par l’argent et n’agissent pas uniquement par intérêt.

La vie nous donne parfois de rudes leçons, et j’ai pris conscience de ta valeur à travers ta décision envers ma sœur.

J’y suis sûrement pour quelque chose.

Entrer dans une famille avec un beau-père et un beau-frère comme nous, ce n’est pas facile.

J’aimerais te présenter mes excuses en personne.

Si tu passes dans les environs, je serai très heureux de te recevoir. Papa aussi.

Roy, qui a beaucoup changé.

Je repose la lettre, pensif.

- Qu’en penses-tu, Papi ?

Il fronce les sourcils.

- Qu’un gaillard comme Roy s’abaisse à te demander pardon… J’ai du mal à y croire.

Il tapote doucement la table.

- Mais il y a une phrase qui m’interroge.

Je relève la tête.

- Laquelle ?

Papi fixe la lettre.

- "La vie nous donne parfois de rudes leçons."

Il réfléchit un instant.

- Je pense qu’il a vécu une aventure hors du commun… et qu’il en a tiré une leçon.

Je soupire.

- Tu penses que je devrais aller le voir ?

Il hoche la tête.

- Oui, tout à fait. Vous avez un contentieux qu’il vaut mieux mettre à plat. Et puis… Ils semblent vraiment désolés.

Je passe une main dans mes cheveux.

- Tu as raison. Demain, nous faisons une balade, et après-demain, je leur rends visite.

Je fixe Papi.

- Tu es d’accord ?

Son regard s’adoucit.

- Je suis toujours d’accord quand tu écoutes ton cœur, mais comment comptes-tu te rendre chez les Enroll ?

- Tu ne le sais pas encore ? J’ai passé mon permis de conduire.

- Super, demande une voiture à John.

Nous avons passé une journée formidable. Ces retrouvailles ont rallumé la flamme de notre amitié. Immédiatement, nous avons retrouvé nos habitudes d’autrefois. Papi ne regarde, puis me dit :

- Il y a autre chose que je dois te dire, je t'ai inscrit en candidat libre pour passer ton diplôme universitaire. Tu n'es pas fâché.

- Je ne suis pas fâché du tout, mais je ne suis pas capable, je n'ai pas un tel niveau.

- Tu te dévalorises, tu répondras aux questions comme lorsque je te faisais des exercices, et puis nous avons plusieurs mois pour réviser.

- Ok, nous verrons.

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