36. Le projet
Une idée trotte dans ma tête.
Insaisissable, mais persistante.
Une fois arrivé, je rejoins Papi.
Je lui relate toute notre conversation.
Papi n’en revient pas.
- Je m’attendais à une prise de conscience… Mais un tel drame… Non, jamais.
Je hoche la tête.
- Tu sais, Papi, pendant le trajet du retour… J’ai réfléchi.
Un silence.
- Et un projet m’est apparu.
Il me fixe, intrigué.
- De quoi s’agit-il ?
Je prends une profonde inspiration.
- Roy est dans un fauteuil en bois, qu’il faut pousser.
Je le regarde.
- Tu te rappelles ton fauteuil à Gettysburg ?
Son sourire se dessine lentement.
- Oui. Bien sûr, je m’en souviens très bien.
- J’aimerais créer un plan et imaginer un fauteuil encore plus sportif. Qu’en penses-tu ?
- C’est une excellente idée. Tu vas enfin mettre en œuvre tout ce que je t’ai appris, surtout sur l’équilibre et le centre de gravité.
Je souris, encouragé par son enthousiasme.
- Tu m’aideras, Papi ?
- Bien sûr que je t’aiderai.
Je hoche la tête, déterminé.
- Alors, on commence demain.
Papi esquisse un sourire et me fait signe de le suivre.
Il me conduit dans une pièce que je ne connais pas.
Je reste un instant devant la porte.
- C’est mon bureau, dit-il en ouvrant. Il n’a pas servi depuis longtemps.
Je prends une inspiration avant d’entrer.
Le premier regard me submerge.
Des armoires alignées sur les murs.
Une bibliothèque pleine de livres.
Sur le côté, une table étrange, presque verticale, avec des poulies et une règle centrale.
Au centre, une grande table de travail, et juste derrière…
Un bureau avec un immense fauteuil.
Mais ce qui m’attire vraiment…
Ce sont les cornes accrochées au mur derrière le bureau.
Je plisse les yeux.
- Ce sont des cornes de Texas Longhorn, précise Papi avec un sourire.
- Elles sont énormes !
- En effet, elles mesurent plus de deux mètres.
Il se tourne vers moi, l’air satisfait.
- C’est ici que nous allons travailler.
La première semaine, Papi et moi avons fait des calculs.
Surtout lui.
Je suis encore un débutant, et sa maîtrise des mathématiques et de la physique me fascine.
Puis, nous avons commencé à utiliser la table.
Une fois disposée presque à l’horizontale, nous avons fixé une grande feuille à dessin au centre.
La règle, reliée aux poulies par des câbles, coulissait parfaitement, traçant des droites parallèles avec une précision impeccable.
Papi a sorti des équerres en bois pour dessiner des lignes dans toutes les directions.
Un compas, pour tracer des cercles.
Je n’en revenais pas.
Chaque geste, chaque outil qu’il manipule semble si précis, si sûr.
Papi a cette manière d’enseigner…
Qui capture mon attention.
Et éveille mon envie d’apprendre.
Le fauteuil roulant que j’ai imaginé commence à prendre forme.
Papi m’explique le centre de gravité et la résistance des matériaux.
C’est fascinant d’apprendre à ses côtés.
Puis, un matin, je décide d’écrire à Oliver pour lui parler du projet.
Quelques jours plus tard…
Je reçois sa réponse.
Je déplie la lettre et lis :
- Mon cher Michael,
Quel plaisir d’avoir enfin de tes nouvelles !
Comme un imbécile, je ne t’ai pas demandé ton adresse tant tôt. Voilà qui est réparé.
J’ai lu avec attention ta demande, et c’est tout simplement fabuleux.
Le constructeur est lui aussi partant pour finaliser votre projet, qu’il trouve génial.
Il souhaite te rencontrer en début du mois prochain.
Si tu peux venir, réponds-moi ; sinon, nous trouverons une autre date.
Mes amitiés, Oliver*
je relis une dernière fois la lettre d’Oliver avant de répondre.
Ce projet avance à grands pas.
Une fois ma réponse envoyée, Papi et moi avons pris le temps de finaliser nos plans.
Chaque détail est noté avec précision.
Les maquettes sont au point.
Mes bagages sont prêts et mon billet de train réservé.
Le trajet m’a paru étonnamment rapide cette fois-ci.
Peut-être parce que l’enthousiasme me portait.
Quand j’arrive, je me présente immédiatement à la boutique d’Oliver.
Il accourt dès qu’il me voit.
Son sourire éclatant en dit long.
- Salut, Michael ! Comment vas-tu ?
- Super, et toi ?
- Très bien.
Il me scrute un instant avant de poursuivre.
- Dis-moi, pourquoi ce projet ? Papi n’a plus besoin d’un fauteuil, si ?
Je prends une profonde inspiration.
- Non. Ce n’est pas pour Papi… mais pour un ami. Roy Enroll.
Son expression change.
- Roy Mac Enroll ?
- Oui.
Il se redresse légèrement, intrigué.
- Le champion de rodéo ? Après sa dernière saison, nous n’avons plus eu de nouvelles.
- Il a eu un grave accident d’automobile… Il est paralysé des jambes.
Un silence.
Oliver croise les bras.
- Pourquoi alors un fauteuil aussi… extraordinaire ?
Je soutiens son regard.
- Parce que c’est Roy.
- Et alors ?
- Il doit retrouver goût à la vie.
Je marque une pause.
- C’est un grand sportif. Et avec un outil à sa démesure… il pourra se surpasser.
Oliver hoche lentement la tête.
Son regard s’adoucit.
- Je te retrouve toujours le cœur sur la main, Michael.
- Je veux juste qu’il ait une chance.
Il inspire profondément.
- Après-demain, M. Jennings arrive. Il est impatient de te rencontrer.
- En attendant son arrivée, je lui montre les plans et les maquettes du fauteuil.
- Oliver est très impressionné par notre travail.
- Même s’il ne comprend pas entièrement la technique.
- Après cette présentation, une idée me traverse.
- Gettysburg.
- Je décide de m’y rendre.
- Là-bas, je pourrai retrouver Louise, Christopher…
- Et peut-être Helen.
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