Il est le printemps, sûrement. Au temps de Pâques, assurément.

Lorsque les jeunes écuyers, dont le courage naît durant les gelées de la froide saison, marchent aux côtés de leurs maîtres, bombant le torse, ne sachant rien de ce qui les attend.

Lorsque les ménestrels entonnent des chants glorieux contant les victoires passées d’une armée dont on ne peut que se représenter le renom.

Lorsque les armures sonnent, dans un cliquetis retentissant, le départ de la neuvième troupe de la journée.

Lorsque les heaumes brillants d’éclat d’argent se balancent au rythme du pas des chevaux, guidé par celui, impétueux, des tambours de guerre.

Lorsque le cor résonne dans la plaine, cri du commencement d’une nouvelle ère, où Roland ne mourra pas.

Lorsque piétine le pouvoir des petites gens pour empêcher la progression de l’opposant.

Lorsque l’astre céleste est à son paroxysme.

Lorsque le métal vient fouler le pré verdissant et troubler le bois se feuillant.

Lorsque les lances viennent frôler les nids des oisillons à peine naissants.

Lorsque le calme des rivières est troublé par la traversée de quelques centaines de sabots.

Alors l’on sait.

Le printemps est arrivé. Et avec lui, la saison guerrière peut reprendre.

Le regard émeraude parcourt les champs que traversent les éclats d’argent. L’argent scindant l’or en deux. L’argent s’approchant de l’émeraude forestière. L’argent s’engouffrant dans l’émeraude forestière. Simplement l’émeraude forestière. Disparition de l’argent au niveau du regard.

Mais il y a ce qu’il ne voit pas.

Après tout, il ne voit pas l’argent pénétrer dans les sous-bois.

Après tout, il ne voit pas l’argent en rencontrer la faune.

Après tout, il ne voit pas l’argent en rencontrer la flore.

Après tout, il ne voit pas l’argent qui martèle les racines des arbres.

Après tout, il ne voit pas l’argent qui chasse les oisillons de leurs nids pour y poster les leurs.

Après tout, il ne voit pas l’argent qui, enhardit par le Dieu Guerrier, tue ceux qui viennent se mettre en travers de leur chemin, par pure malchance.

Après tout, il ne voit pas l’argent qui fait fuir tout ce qui l’entoure et qui a des pattes pour courir ou des corps pour glisser.

Après tout, il ne voit pas l’argent piétiner des fleurs qui sont déjà et les muguets qui ne sont pas encore.

Après tout, il ne voit pas l’argent.

Après tout, il ne voit plus l’argent.

Non, tout cela, il ne le voit pas. Ce qu’il voit, par contre, c’est ce décor qui ne change pas sous ses yeux.

Ce qu’il voit, par contre, ce sont ces éclats brillants qui sortent de la forêt.

Ce qu’il voit, par contre, ce sont ces éclats brillants qui gagnent les navires du port.

Ce qu’il voit, par contre, ce sont ces navires qui avalent un à un les éclats volontaires du comté.

Ce qu’il voit, par contre, ce sont ces soldats, la dixième et dernière division, qui quittent l’abri de la terre natale.

Ce qu’il voit, par contre, c’est cet éclat d’or parmi tous les autres.

Ce qu’il voit, par contre, c’est la bague que tient cet éclat d’or parmi tous les autres, aux armoiries brodées sur un mouchoir.

Ce qu’il voit, par contre, c’est cet éclat d’or qui s’éclipse de la cité sans un au revoir de plus que ce qui se passa le soir.

Ce qu’il voit, par contre, c’est cet éclat d’or avalé par un navire et qu’il n’est pas sûr de revoir.

Ce qu’il voit, par contre, c’est cet éclat d’or avalé par la mer et qu’il n’est pas sûr de revoir.

Ce qu’il voit, par contre, c’est que l’obscurité reprend ses droits et que le printemps peine à se maintenir alors que l’hiver est toujours là.

Ce qu’il entend, par contre, c’est que les oiseaux ne chantent plus.

Ce qu’il entend, par contre, c’est que les tambours sont plus forts.

Lorsque piétine le pouvoir des petites gens pour empêcher la progression de l’opposant.

Ce qu’il sent, par contre, c’est le picotement sur son index.