Le souffle saccadé, à genoux face à la balustrade, le monde lui semble reprendre de ses couleurs. Les rayons du soleil couchant caressent sa peau d’une dernière chaleur, provoquant son réveil. Ses yeux verts redeviennent émeraude. La clarté, cependant, semble évaporée.

Et le soleil achève sa course dans la mer.

Les rayons lunaires viennent repasser le contour de ses pieds écorchés par le bois du sol sur lequel elle s’est jetée. Ils remontent le long de ses jambes mal rasées, entourent sa taille bien trop fine pour que ce puisse être sain, serpentent le long de son torse en évitant soigneusement la poitrine paniquée, arpentent les mains crispées et leurs doigts s’accrochant aux pieds de la chaise dans un geste désespéré de se raccrocher à son monde. Ils parcourent les muscles saillants de ses bras, grimpent sur ses épaules qui apparaissent comme avoir déjà porté l’épée, escaladent son cou un peu trop long pour l’usage qu’il en convient d’en faire. Ils sillonnent le menton sur lequel est apparue une bosse qu’elle n’a pas eue le temps de remarquer, la bouche aux lèvres à peine trop pulpeuses mordues encore récemment par les dents acérées, les sourcils qui semblent vouloir s’échapper de leur place, les contours de son visage qui ne sont pas tant un cercle qu’un ovale. Ils aveuglent ses yeux verdâtres et marchent parmi ses cheveux en bataille dont les reflets sont à présent rouge feu. Ils entourent le corps d’une aura bleutée, grisant soudainement le teint cadavérique qui était le sien.

La perfection s’est effacée.

Son regard écarquillé, brillant d’un éclat de folie parcourt le monde qui l’entoure comme sans le voir.

« Je suis un personnage. »

« Que [ta] splendeur descende ainsi de [ta] tête à [tes] pieds et que le tout soit poli jusqu’à la perfection » disait Goeffroy de Vinsauf dans Poetria Nova.

Il écrivait la descriptio puellae.

Et cela lui avait été adressé.

Il écrivait la descriptio puellae.

Et cela avait fait ainsi pour elle.

Il écrivait la descriptio puellae.

Elle est la puellae de cette descriptio.

Elle est la jeune fille.

Elle est La Jeune Fille.