Partie 6 - Combat épique/Reverdie Ensanglantée

4 minutes de lecture

La vague noire fond sur les plaines verdies par le printemps.

Et soudainement, tout tourne à la mêlée !

Et les morts, et les morts ! Et les morts partout.

Mais son chevalier de mari ne peut la déserter. La foi et l’honneur l’ont bien trop imprégné.

Et les morts, et les morts ! Et les corps partout.

Il ne se met nullement à l’abri du danger, bien au contraire, il fonce au cœur de l’affrontement.

La plaine entière est couverte de ces cadavres.

Il frappe, frappe, frappe. Encore, encore, encore.

Le rouge tache les fleurs et les cris font fuir les oiseaux.

Avec force et courage, il perce les attroupements. Tant que l’épieu qu’il tient entre ses mains résiste aux coups, il ne s’arrête pas.

Les oisillons, laissés à leur sort, tombent au sol et finissent piétinés par les armures.

Les morts tombent sous la lance qui finit par s’immobiliser.

La pâquerette est déjà morte et le muguet ne viendra point.

La lame est tombé et seul le manche reste dans la main gantée.

L’astre céleste finit dissimulé sous la fumée provoquée par les feux des navires dans la mer – croire que l’on ne se bat que terre serait de la pure folie.

Il serait fou de croire que cela seul pourrait l’arrêter. D’un geste, il dégaine Ladnerud, sa fidèle épée, et éperonne son destrier à la poursuite de celui qui sut, d’une simple flèche bien placée, arrêter net sa folie meurtrière.

Les prés se rougissent et les feuilles des bois tombent.

Celui-ci l’attend de pied ferme. Leurs lames s’entrechoquent dans un vacarme assourdissant.

Les seuils se remplissent des cadavres que l’église ne parvient plus à accueillir.

Alors, seulement, les heaumes se fissurent.

L’argent des rivières se couvre de rouille et, bien vite, est souillé de l’amont à l’aval.

Alors, seulement, les lames fendent l’air.

Les rongeurs se réfugient sous terre, comme lors de la froide saison.

Alors, seulement, les coups pleuvent comme tout autant de petites dagues sur l’adversaire désigné.

La nature revêt un manteau de rubis.

Alors, seulement, les coups sont retournés, pluie sur pluie, sans réelle vision d’un vainqueur prévisible.

Alors, soudainement, un heaume est fendu.

Elle, observe tout cela depuis son perchoir de pierre.

Alors, soudainement, un crâne est brisé.

Elle voudrait hurler, mais ne le peut pas.

Alors, soudainement, un vainqueur est prononcé.

Elle voudrait crier, mais ne le peut pas.

Et il lui fend le heaume.

Elle voudrait parler, mais ne le peut pas.

Et il lui fend les yeux.

Elle voudrait chuchoter, mais ne le peut pas.

Et il lui fend le haubert.

Elle voudrait murmurer, mais ne le peut pas.

Et il lui fend le corps.

Elle voudrait susurrer, mais ne le peut pas.

Encore, et encore. Jusqu’à l’enfourchure.

Elle voudrait pleurer, mais ne le peut pas.

Le sang gicle. Les organes se répandent.

Elle ne peut que rester là, immobile, impuissante.

La cervelle. La thyroïde. Les poumons. Le cœur. La rate. Le foie. L’estomac. Les reins. Le pancréas. L’intestin. La vessie. Les organes génitaux.

Elle aurait voulu lui dire, que partir à la guerre était inutile. Que tout ce que disait l’église au sujet de l’envahisseur n’avait pas d’importance. Que cela ne méritait pas que l’on se sacrifie corporellement et psychiquement. Que l’on pouvait juste apprendre à vivre avec les autres, ensemble, sans souffrance, sans en vouloir à personne, sans s’auto-détruire.

La peau. La peau se détache lentement du reste du corps, comme une simple mue et tombe au sol, entraînant l’effondrement littéral des organes, ne laissant que les os dont les tendons tranchés par la lame ne font pas long feu. Le squelette se disloque et il ne reste de son adversaire qu’un tas misérable de parties d’humains rabougries.

Elle aurait voulu lui dire, que les qualités de bravoure, valeur, courage dont il se targuait depuis toujours ne valaient rien à ses yeux. Que sa vie se devait de passer avant n’importe quelle valeur. Que sa vie était une valeur plus importante que toutes les autres. Qu’il était l’un des rares à exister pour de vrai.

Le cheval ne l’arrête pas. La lame le pourfend jusqu’à lui trancher l’échine.

Elle aurait voulu lui dire, que tous les braves gens pour qui il mourrait n’étaient que fictions. Que le monde pour qui il mourrait n’était que fiction. Que le roi pour qui il mourrait n’était que fiction. Que la foi pour laquelle il mourrait n’était que fiction.

Et abat le cavalier et son destrier sur les prés gorgés de rouge.

Mais elle ne le peut plus.

Le vainqueur s’avance. Se penche sur l’adversaire.

« Vois-tu, Ermeric… »

Les combats tout autour ne cessent pas.

« Tu avais perdu du moment où j’avais posé pied sur cette terre. »

Un rire gras lui échappe. L’envahisseur lance un regard songeur aux hommes qui l’entourent et acclament avec force sa victoire.

« Vous aviez besoin d’un ennemi commun pour vous unifier, puisque vos dieux ne suffisaient plus ! Et c’est sur moi que cela est tombé. Les choses auraient été différentes si vous aviez daigné vraiment vous allier. Mais rassure-toi… »

Ses yeux noirs se portent sur les fortifications plus en hauteur d’où il peut voir une silhouette penchée sur le balcon. Un triste sourire éclaire ses lèvres gercées.

« … l’horreur ne fait que commencer. »

Annotations

Vous aimez lire Ess ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0