Partie 7 - Reverdie II

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Elle s’effondre sur son balcon, incapable de contrôler ses jambes flageolantes alors que l’ennemi s’enfonce dans la mêlée, à la recherche de nouveaux ennemis à abattre.

Son regard ne peut se détacher de cette pile rougeâtre qui tranche l’émeraude de la plaine en un point central. Son cœur se serre et sa poitrine s’affole. Les larmes dévalent ses joues et viennent s’écraser sur les taches de sang.

Elle veut hurler, mais ne le peut pas.

Elle veut crier, mais ne le peut pas.

Elle veut parler, mais ne le peut pas.

Elle veut chuchoter, mais ne le peut pas.

Elle veut murmurer, mais ne le peut pas.

Elle veut susurrer, mais ne le peut pas.

Elle veut pleurer, et ça, elle le peut.

Sa vision brouillée se détourne de la scène, incapable d’y faire face une seconde de plus. Elle tente de se reprendre, en jeune femme bien née qu’elle est, mais…

Le rôle n’existe plus.

Sa respiration saccadée s’accélère lorsqu’elle retombe sur les trois gouttes de sang qu’elle efface d’un geste précipité, mais tremblant. Alors même qu’elle sait ne pas pouvoir en supporter davantage, elle ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à la plaine.

Puisqu’elle doit jeter un coup d’œil à la plaine.

Et tout semble s’arrêter.

Les larmes. La respiration. Le cœur. Les tremblements. Les pensées.

Tout.

Face à elle, les fleurs naissent sur l’herbe, les phénix entonnent leur chant avec allégresse, le chat chaparde dans le champ, la chandelle cesse de chantonner, les oisillon s’échappent de leurs coquilles non sans maladresses, les saisons s’assagissent, la Salvation sort de sa tanière pour se faire sanctifier, la pâquerette est, le muguet pas encore, le jongleur rejoue joyeusement de son jarana et joute verbalement ceux qui passent leur vie à se jolier, l’astre céleste sonne le point du jour et recouvre les étendues de blé de ses rayons d’or, les moineaux mâchonnent leurs graines, les merlans remontent dans la mer, les prés se verdissent, les bois se feuillent, le forage des fourmis est finalement fini, les dernières tombées blanches de l’hiver son balayées des seuils, les nouvelles des nouveaux-nés de la nature ne commencent qu’à se faire claires, les rivières à l’énergie déchainée durant le temps du déclin regagnent, apaisées, leur lit, les rongeurs dissimulés sous le sol toute la froide saison emplissent l’espace, de nouveau, de leurs cris, les loirs lovés dans leurs lits se lassent de la longueur hivernale, la nature revêt son manteau herbacé.

Et nulle trace, nulle part, du sang, du corps, des cadavres, des combats, des armures cabossées, des cris, des hurlements, des viols, des ennemis, de l’envahisseur, de celui qui vient d’Ailleurs, du monticule de rouge au milieu de l’émeraude.

Rien de rien.

Comme si tout n’avait été qu’un rêve. Qu’un songe. Qu’une fiction.

Qu’une prémonition venant d’un dieu inquiet. De quelqu’un qui voulait qu’elle sache ce qui allait arriver, et qu’elle y serait impuissante.

D’un auteur machiavélique.

Mais pourquoi ? Qu’ont-ils fait pour mériter tout cela ? N’aurait-il pas pu les écrire menant une vie sans encombre ?

Et lui, est-il écrit, comme les autres ?

Est-il… fiction ?

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