Partie 8 - La Tempête
En relevant le regard, celui-ci s’agrandit. À l’horizon, pas si proche mais pas assez lointain, se découpe sur le calme des flots, l’image d’une tempête déchaînant le ciel. Un mur de vent, grêle, tonnerre, pluie et éclairs, où les nuages s’accumulent, assombrissent la clarté de l’azur, où l’air se trouble, les eaux s’agitent et s’élèvent, les vagues grandissent et déferlent. Un mur de ceux qui s’abattent pour faire vaciller les navires, briser les coques et les amarrages, rompre les jointures, déchirer les voiles et s’effondrer les mats.
Tout du moins, c’est ce que prétend le Roman de Brut de Wace, encore posé à plat sa table de chevet, car elle, comme toute femme respectée, n’en avait jamais vu.
De ces murs où la foudre s’abat dans un vacarme assourdissant, telle la volonté auctoriale sur ses personnages, sans distinction autre, punition divine de l’Odyssée, en provenance d’un Ailleurs où leurs existences ne peuvent être perçues autrement que par les mots.
Et c’est ainsi qu’elle comprend.
Main sur le cœur, elle recule pas à pas, comme si ainsi elle pouvait échapper au désastre.
Elle a échappé à l’intrigue.
Elle a échappé à l’histoire.
Elle a échappé à l’auteur.
Sans même le faire exprès.
À présent, tous vont en payer le prix.
Ses amis. Son mari. Ce comté, qu’elle a juré de protéger. Ses habitants. Les enfants. Leur avenir. Les adultes. Leurs animaux. Tous les sauvages. Les autres pays. Les autres continents. Le monde entier.
Le monde entier va disparaître parce qu’elle s’est rebellée.
Pécheresse.
Annotations