Chapitre 14 – Celle qu’on a cru rêvée
Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait rouvert le tiroir.
Peut-être parce qu’elle avait besoin de se rassurer.
Ou de se perdre un peu plus.
C’était un petit carnet, encore un.
Couverture rouge, angles abîmés, un de ceux qu’elle remplissait à moitié puis abandonnait.
Elle tourna les pages sans vraiment regarder, jusqu’à ce qu’un morceau de papier dépasse.
Un papier froissé, replié plusieurs fois, glissé entre deux feuilles.
Elle le déplia.
Quelques lignes.
Encre noire.
Une écriture irrégulière. Différente.
Pas vraiment la sienne.
“Elle dit que je dois rester cachée.
Mais je ne veux plus.
J’ai froid quand elle m’oublie.”
Elle resta là, les yeux fixés sur les mots.
Elle ne savait pas si elle les avait écrits.
Peut-être.
Peut-être pas.
Elle avait le souvenir… étrange, diffus,
d’avoir parlé à quelqu’un,
d’avoir dicté quelque chose.
Un jour.
Longtemps avant.
Mais à qui ?
Elle chercha un indice sur la page.
Rien.
Pas de date.
Juste une trace au crayon, en bas à droite.
Un petit cœur noirci.
Elle avait dessiné des cœurs, autrefois.
Mais jamais comme ça.
Pas fermés.
Pas aussi sombres.
Elle ferma les yeux.
Elle entendait presque une voix.
La sienne, peut-être.
Ou une autre, dans son souffle.
“Si tu me caches, je disparais.”
Elle rouvrit les yeux.
Son cœur battait fort.
Elle ne savait plus si Suzanne avait été réelle,
ou si c’était elle,
la réelle,
que Suzanne avait rêvée.
Annotations