Anna passa la nuit à relire.

À comparer son écriture d’aujourd’hui avec celle des lettres.
À chercher des différences, des preuves… ou des démentis.

Mais rien n’était simple.
Certaines lettres semblaient trop anciennes.
D’autres portaient des mots qu’elle n’aurait jamais utilisés enfant.
Ou alors… pas consciemment.

Et puis il y avait cette lettre-là.
Une qu’elle avait relue trois fois.
Une qui détonnait.

Elle la saisit à nouveau.

Papier jauni, en-tête étrange.
Pas comme les autres.

Et, surtout, à la fin… une signature.

Pas “Suzanne”.

Juste une initiale.

S.

Et une calligraphie différente.
Soignée. Adulte.

Elle sentit un nœud se former dans son ventre.

Quelqu’un d’autre ?

Elle examina l’enveloppe.
Pas d’adresse.
Pas de timbre.
Mais un symbole, griffonné discrètement au verso.

Un petit oiseau. En plein vol.

Anna ne savait pas ce que cela signifiait.
Mais ça ne ressemblait à rien qu’elle aurait pu inventer à six ans.

Elle se leva, ouvrit son tiroir, sortit les autres lettres.

Une à une, elle vérifia.

Sur trois d’entre elles, le même oiseau.
Toujours au dos. Toujours discret.

Elle sentit un frisson remonter le long de son dos.

Et si ce n’était pas elle qui avait tout écrit ?
Et si une partie de ces lettres venait… de quelqu’un d’autre ?
Quelqu’un qui savait ?
Quelqu’un qui avait voulu l’aider à se souvenir ?
Ou à oublier ?

Elle se rappela alors une phrase de Mme Vernier :
“On n’a pas toujours besoin de murs pour cacher quelqu’un.”

Et une idée, absurde, la traversa.

Et si… quelqu’un d’extérieur avait connu Suzanne ?
Et si cette personne l’avait cherchée ?
Et si elle n’était pas… qu’un fragment de son esprit ?

Elle secoua la tête.
Non. Impossible. Trop tordu.

Mais l’oiseau…

Il lui fallait comprendre ce symbole.