Chapitre 19 – Celle qu’elle n’a pas pu protéger

Une minute de lecture

Elle n'avait pas dormi. Ou à peine.
Depuis des heures, elle tournait en rond, obsédée par cette phrase :

“Refuse de répondre au prénom d’Anna.”

Et si ce n'était pas Suzanne qu'on avait oubliée, mais elle-même ?
Et si tout avait commencé avant les lettres, avant le carnet, avant même le souvenir ?

Le matin, quand sa mère partit faire des courses, elle retourna une dernière fois dans la chambre.
Mais pas pour l’album, ni la pochette kraft.

Cette fois, elle cherchait ailleurs. Plus profondément.
Derrière les piles de draps, au fond de l’armoire, elle trouva une vieille boîte métallique, rouillée sur les bords.

À l’intérieur : des dossiers médicaux plus anciens, certains jaunis, d'autres scannés puis imprimés.
Elle les parcourut fébrilement. Et puis… elle tomba dessus.

Une lettre.
Adresse d’un cabinet psychiatrique, datée de l’année de ses sept ans.
Destinataire : sa mère.
Objet : “Évaluation clinique – troubles dissociatifs”

“L’enfant semble présenter un phénomène de dissociation marqué, se référant à elle-même sous le prénom de ‘Suzanne’ dans des états de stress intense. Le tableau suggère un trouble dissociatif de l’identité, possiblement lié à un traumatisme précoce, non exprimé à ce jour. À surveiller de près.”

Elle sentit tout l’oxygène quitter ses poumons.

Elle relut, ligne après ligne. Ce n’était pas une invention.
Pas un fantasme. Pas une possession.
C’était réel. Scientifique. Noté.
Elle avait été Suzanne. Parce qu’être Anna, alors, était devenu impossible.

Elle serra la feuille contre elle.
Elle ne pleurait pas.
Pas encore.

Plus bas sur la page, une note griffonnée à la main :

“Une séparation psychique semble avoir été sa seule protection. Ne jamais minimiser.”

Un vertige la traversa.
Elle pensa à la petite fille dessinée dans le carnet.
Celle qui disait :

“Je lui laisse des signes pour qu’elle me retrouve.”

Suzanne… n’était pas une sœur.
Suzanne était une fracture.
Une faille qu’Anna avait remplie d’un prénom plus supportable.
Un abri.

Elle posa doucement la lettre sur le bureau.

Et dans le silence de la pièce, elle murmura :
— Je suis désolée… d’avoir mis autant de temps à comprendre.
Puis, plus bas encore :
— Je suis là maintenant. Je te retrouverai.

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