Chapitre 13 – Celle que j’ai oubliée moi-même

Une minute de lecture

Elle n’avait pas rouvert la boîte depuis trois jours.
Elle n’avait pas relu les lettres.
Elle avait laissé le carnet sur son bureau, posé là comme une pierre lourde au milieu du chemin.
Mais elle n’y touchait pas.

Elle ne savait pas si c’était de la peur.
Ou une forme de respect.

Le silence lui paraissait plus épais. Il prenait de la place.
Il grattait doucement à la porte de ses pensées, sans fracas, sans violence.
Mais il était là.

Et au fond, elle savait qu’elle ne pourrait pas l’ignorer longtemps.

Ce soir-là, elle prit un de ses vieux cahiers, rangé dans la bibliothèque, au fond, derrière les livres d’école qu’elle n’ouvrait plus.
Un carnet à spirales, couverture usée, pages cornées.

Elle tourna les premières feuilles, griffonnées de listes, de petits dessins sans importance.
Puis, entre deux pages, elle trouva une feuille pliée.
Elle la déplia, ses doigts soudain moites.

Quelques lignes, écrites maladroitement. L’encre bleu pâle, les lettres irrégulières.
Une écriture d’enfant.
Son écriture.

“Si je m’en vais, qui prendra soin d’elle ?
Elle pleure quand je ne suis pas là.”

Elle relut plusieurs fois.
Le cœur serré.

Elle connaissait cette écriture. Elle connaissait ces mots.
Elle savait qu’ils étaient les siens.

Mais… à qui s’adressait-elle ?
De qui parlait-elle ?

D’elle-même ?
De Suzanne ?

Elle tourna la page, fébrile.
D’autres phrases, maladroites, presque effacées par le temps :

“Je lui laisse des signes pour qu’elle me retrouve.
Même si elle oublie, moi je me souviendrai.”

Elle sentit ses jambes faiblir.
Elle s’assit sur le bord du lit, le cahier ouvert sur les genoux.

Elle avait écrit cela.
Elle, Anna.

Et pourtant, elle ne s’en souvenait pas.

Ou plutôt…
Elle avait su. Avant.
Puis elle avait tout enfermé.

Elle se relut encore, les larmes aux cils, sans même s’en rendre compte.

Elle comprenait maintenant pourquoi les lettres de Suzanne la troublaient autant.
Pourquoi elles touchaient si juste.
Pourquoi elles savaient tout.

Ce n’était pas une étrangère qui lui écrivait.

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