Chapitre 2

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Le foyer était un grand bâtiment gris, avec des volets en bois, des fenêtres en verre fin, une cour et un local à poubelle. Il n'y avait pas de foyer d'accueil là où je vivais, alors j'ai atterri dans celui de la ville voisine. Cette ville était grise, dans sa globalité. Tout n'était que béton, ciment où quelques févriers d'Amérique se battaient en duel.

L'assistant social m'a déposé devant le portail en bois. Un homme et une femme m'attendaient et je distinguais un petit groupe d'enfants derrière eux. Il y avait des tout petit, des plus grands et des très grands, qui paraissait presque adultes. J'ai dégluti, resserrant la bandoulière de mon sac de sport dans lequel se trouvait tout ce que j'avais pu emporter. L'assistant social est descendu de la voiture et m'a fait signe de le rejoigne de son côté. J'ai contourné le véhicule et, dissimulé par l'automobile, il m'a tendu un sac en plastique supplémentaire, dans lequel se trouvait le reste de mes carnets. Je m'en suis vivement saisie et je l'ai fourré dans mon sac de sport, bourrant au maximum les vêtements pour faire de la place. Je lui jetais un regard empli de reconnaissance et la gorge nouée, je me retenais de le serrer dans mes bras. Il m'adressa un pauvre sourire, puis me guida jusqu'à l'entrée.

Les deux adultes étaient les dirigeants du foyer, ils m'énoncèrent les règles, que j'écoutais, sans vraiment les retenir. J'étais concentré sur les yeux noirs d'une fille à la peau d'albâtre et aux voluptueuses boucles d'ébène. Elle devait avoir mon âge et j'avais l'impression de voir mon reflet dans un miroir. Elle avait le même regard que moi : vide, désintéressé. Et c'est cette ressemblance qui attirait mon regard. De plus, elle avait un super t-shirt aux motifs de Dragon Ball Z. J'avais toutes les raisons de vouloir lui parler.

Toujours dans un état second, ils m'ont présenté au groupe d'enfants présents. Il y en avait une quinzaine. Puis, le portail fut refermé et nous avons traversé la cour. Il y avait davantage de cailloux que d'herbes et cette dernière était en très mauvais état. Personne ne devait avoir le temps ou les moyens de l'entretenir et j'allais vite découvrir que ce n'était pas la priorité ici...

Il faisait très chaud à l'intérieur, nous étions, après tout, au mois d'août. Ce qui voulait dire qu'en hiver, il ferait très froid. Nous avions la même épaisseur de vitrage à la maison, ce qui expliquait que papa empilait trois à quatre couvertures qui appartenaient à mamie, avant qu'elle nous quitte. Nous faisions comme des igloos de couverture, mais papa appelait cela une mille-feuille d'hiver.

Comme je l'imaginais, les murs étaient tristes et nus, uniquement du mobilier utilitaire. Il y avait une grande cuisine, une salle à manger, une salle de lecture et de jeux pour les plus petits et les chambres se trouvaient aux deux étages supplémentaires. On me fit entrer dans une pièce ressemblant à un dortoir. On m'attribua un lit, sur lequel je pus m'installer et chacun retourna à ses activités, comme si je n'existais pas. Je ne savais pas encore à ce moment-là, à quel point j'allais me sentir invisible pendant plusieurs années...

La jeune fille qui m'intriguait vint s'installer en face de moi et me dit simplement :

- Si tu veux survivre ici, baisse la tête.

- Quoi ?

Elle se contenta de lâcher un reniflement qui me paraissait presque amusé, mais je devais me tromper. Ses yeux étaient trop vides. Elle était trop vide pour ça, mais j'imaginais que tout n'était pas absolu. J'en fis une bonne expérience au sein de ce foyer.

Je pensais avoir quelque temps pour m'adapter, mais la réalité fut bien sombre. En quelques heures à peine, on tenta de me voler mes affaires.

- Eh ! La nouvelle ! T'a des trucs sympas à c'qu'on dit !

- Laisse-moi tranquille !

- Ce n'est pas c'que j'ai demandé.

Il était à peine plus grand que moi et il avait le regard fourbe. C'était le genre de gamin qui réussissait à obtenir ce qu'il voulait par les poings. Heureusement, je savais encaisser et esquiver.

- Si tu me donnes tout, gentiment, t'auras pas de problème.

Je lui jetai un regard noir, avant de lui dire en détachant chaque syllabe :

- Tu rêves.

Cela ne lui a pas plu du tout. Il m'attrapa par le col et passa derrière moi pour m'étrangler, tandis que ses amis riaient de moi. Je gémis de douleur, mais je me souvins de ce que mon père m'avait dit et je me tordis dans tous les sens pour atteindre son bras et le mordre. Il se détacha rapidement de moi et je pus m'enfuir en suffoquant. Atteignant mon dortoir, je l'entendis crier :

- Tu vas voir, sale conne !

Je me recroquevillais sous ma couette, en tentant de trouver une solution. Il n'allait pas laisser tomber et je ne pouvais pas me faire frapper à chaque fois que je refuserai quelque chose, mais aucune idée ne me vint.

Pendant un bon moment, je ne dormais que d'un seul œil. J'ai gardé mes affaires dans mon sac à dos, que je gardais presque tout le temps sur moi. Mais j'ai enterré la boîte à musique et j'ai creusé d'autres trous, en laissant des petits monticules de terre, pour brouiller les pistes.

Il mettrait du temps à se rendre compte que ces trous étaient vides et ils n'iraient pas s'embêter à tout creuser, pas pour une boite à musique en plastique.

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