Chapitre 3
Les jours ont passé et j'ai fini par prendre l'habitude d'être sur mes gardes. Ce n'était presque plus un effort épuisant.
Hormis Oscar et sa bande de trois garçons aussi méchants que lui, hormis les adolescents désabusés et les enfants tristes, j'ai pris peu à peu mes marques dans ce foyer. Même si les jours se ressemblaient tous, on arrivait à s'amuser. Le jardin était assez grand pour faire des batailles d'eau et profiter du soleil, quand il n'était pas trop fort.
Puis la rentrée a eu lieu et j'ai rejoint le collège de ma nouvelle ville. Dès que j'ai franchi la porte de la classe, dès que j'ai croisé le regard des autres élèves, j'ai senti qu'ils savaient. Je ne crois pas qu'ils s'en soient tous rendu compte, mais l'un d'eux a dû comprendre et a fait courir le bruit dans toute la classe. Même le professeur m'observait avec pitié. En cet instant, je me suis sentie toute petite et j'avais l'impression que j'allais me noyer sous les vagues de leurs regards. Je me doutais que j'avais encore un long chemin à faire pour m'endurcir, encore plus que lorsque mon père m'enseignait à me défendre.
Sans surprise, la première journée, je fus ignorée par toute ma classe. Cela me comprima la poitrine, me donnant horriblement envie de m'enfuir en courant. Et ça ne s'améliora pas au fil de la semaine. Je me rendais compte que l'ignorance était détestable, comme si je ne méritais même pas d'entrer dans le champ de vision. À la fin de la semaine, j'étais exténuée, mais ce n'était que le début. C'était horrible de les entendre rire en me regardant, sans même chercher à se dissimuler, parfois, ils passaient près de moi en me murmurant :
- Tu pues l'orphelinat !
- Sale orpheline.
- Chienne errante.
Étonnamment, c'est au foyer que je me sentais mieux. En même temps, je n'avais nulle part où aller... La fille qui m'intriguait, Margaret, était très forte en maths, alors que je les fuyais comme la peste. Un jour, elle me voyait lutter pour résoudre un problème et elle vint m'aider.
- Oh. Merci.
-T'emballe pas, Poucelina, tes soupirs m'énervent.
Je déglutis et la laissais m'expliquer le problème. Voyant que je rencontrais des difficultés, elle s'est appliquée à rendre cela plus imaginé.
- Si ça peut t'aider, imagine une histoire complète pour résoudre le problème, tu peux remplacer le nom de la valeur si ça t'aide. Remplace le chocolat par l'euro ou par tout ce que tu veux.
Je lui ai souri, alors qu'elle râlait en me sommant d'arrêter. Au fil des semaines, c'est devenu notre routine. Nous travaillions nos cours ensemble, même si nous n'étions pas dans la même classe.
Dans la cour de récréation, alors que tous les élèves étaient entre amis, discutant, jouant, riant, sortant les téléphones en douce pour regarder des vidéos, j'étais dans mon coin. Il y avait un enfoncement en cul-de-sac, sur le côté d'un bâtiment et j'aimais me fondre dans les ombres. Il y avait des grenouilles qui chantaient. Quand elles le faisaient, ça m'occupait l'esprit et je pouvais oublier ce qui m'entourait. La méchanceté des autres, sous prétexte que je n'avais plus de famille, la pitié des professeurs à chaque approche de réunion parents professeurs et le mépris de certains, à chaque fois que je ratais un contrôle.
Mon professeur d'Histoire était le pire. Il passait tout son cours à frapper son poing contre ma table en me fixant de ses yeux globuleux, sous prétexte que je ne prenais pas assez de notes à son humble avis. La vérité, c'était que ce qu'il racontait, je l'avais déjà vu des dizaines de fois, avec mon père. Il était passionné d'histoire après tout et la bibliothèque municipale était riche de livres sur les différentes périodes de l'histoire. J'avais simplement des difficultés à me concentrer durant les cours... Pourtant, je révisais, je me donnais à fond, enfin quand j'arrivais à oublier les insultes, les coups portés par-derrière, les fois où ces abrutis cachaient mes affaires et me faisaient arriver en retard en cours.
Donc cet endroit était mon petit sanctuaire de paix et il m'arrivait de contempler de loin, Margaret. Elle avait un grand groupe d'ami, ils bougeaient tout le temps, ils parlaient fort et ils riaient. Et quand elle riait, elle était belle. À chaque fois que je pensais ça, je baissais la tête, m'imaginant facilement rougir.

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