Observant autour d’elle, Solange entre dans la salle d’archive après que la porte s’ouvre automatiquement suite à l’autorisation d’accès par sa carte digitale sur son bracelet. Elle traverse les premiers rayons sans un regard, ceux ci ne contenant que des mégas donnés dans des tablettes, pour remonter au plus ancienne dans celle du fond, encore couché sur papier. Elle déambule entre les rayons et s’arrête à ceux évoquant l’année cent sept du calendrier stellaire.

L’année du départ. De l’abandon. De la défaite de l’humanité.

Là, elle rencontre un homme d’à peu près son âge, en train de feuilleter un dossier qui évoque la tentative de coup d'État lors du départ de ce qui sera un long voyage. Plongeant ses mains dans les poches de son sweat-shirt, elle s’approche de lui, le regard balayant les petits bouts de ferraille qui virevoltent dans l’air.

-Alors, comme ça on fait trembler de peur une sirène ! se moque le jeune en levant ses yeux sur elle, fermant le dossier.

Solange stoppe ses pas, fixe les yeux vert et brillant de cercle bleu et blanc du jeune homme, avant de répondre en grognant.

-Ce n'était pas de moi dont il avait peur, mais de quelque chose.

-Ou plutôt quelqu’un, le jeune brun range le dossier, regardant à travers son œil droit les données que lui envoie l’un de ses drones, confirmant qu’il n’y a personne à part eux. C’est quelque chose que hacker le service des SS.

-Tu à pus finalement en tirer quelque chose Jon ?

Jon pousse un soupir lassé, les yeux dans le vague, comme si la masse de données extraite du serveur passait juste devant ses yeux.

Peut-être est-ce le cas ? Pense Solange sachant que Jon porte des lentilles de réalité augmenté modifiées par ses soins.

-Il y avait un cheval de trois, explique le brun en grimaçant, dès que les données sont téléchargées sur un autre point de contrôle, le virus se propage, détruisant non seulement les fichiers mais aussi le serveur sur lequel ils sont téléchargés. Et dans la salle de contrôle de la ville, cela provoque un trou dans la toile d'araignée qu’est le réseau de la Cité, révélant notre position presque immédiatement. Heureusement que j’avais prévu une clé, j’ai pu sauver quelques fichiers mais c’est tout. Et c’est incompréhensible.

Il se frotte les cheveux d’un geste rageur, ne trouvant aucun lien dans les données qu’il a récupéré et traité.

-Dis moi simplement ce qu’il y a. Des informations sur les Hauts Dirigeants, sur le secteur treize, sur les trafic de relique ?

Qu’importe ce qu’il a appris, cela peut toujours être utile. Elle a besoin de savoir, besoin d’avancer et de passer à l’action. Mais pour cela, il lui faut une base solide, et à cela, des informations tout aussi solides.

-Des recherches sur le fonctionnement des reliques, des recherches sur les sources et leur origine. Des données sur les échecs ou tentatives de colonisation dans différents secteurs stellaires. Des textes qui ressemblent à des feuilles de manuscrit datant de l’Ancien Monde. Des informations sur la géographie de Ruh’Témia. Des mots tels que le « magoi », « canalisé », « enfant de Joseph » ou « les enfants éclat », « premier né » et « Seigneur » reviennent régulièrement. J’ai beau tourner mon cerveau dans tous les sens je n’y comprends rien.

En effet, quel est le sens de tout ceci. Solange plisse des yeux, réfléchissant à ce que cela peut signifier. Mais avec des phrases troué de mots manquant, impossible d'en comprendre le sens.

-Mais ce que je peux confirmer, c’est les entrepôts de reliques, en entendant cela, la jeune femme redresse la tête. Seul un fichier contient les messages envoyés entre un pilleur et son destinataire. Ce message affirme le succès de la transaction de relique d’armement et celle de l’argent qu’il à reçu.

-Mais cela ne prouve rien Jon.

-Pas si tu sais qu’il a reçu l’argent sous forme numérique. Autrement dit traçable. Sur tous les messages numériques aujourd’hui, il y a automatiquement l’information de donnée pour le stockage, son origine, ainsi que la date et l’heure. De là j’ai piraté tous les drones ou caméras qui se trouvaient à proximité de l’entrepôt de stockage. J’ai passé en revue au moins presque trois cent heures de vidéo mais, j’ai réussi. Sur l’un d’eux, j’ai pu avoir en direct l’échange. Et devine qui se trouvé à faire le dialogue avec notre pilleur ? Anurag Vijay, capitaine de la Section Spéciale.

-Et la Section Spécial obéit directement aux ordres du Haut Dirigeant Silas, termine Solange sourire aux lèvres.

-Nous avons notre information. Maintenant il me suffit juste d’observer les mouvements des entrepôts de stockage. Avec mes drones je pourrais même intercepter leur réseau de communication si elle s’approche suffisamment, il affirme, les yeux s’illuminant par intermittence.

-Bien, dès que tu auras plus d'informations, préviens moi immédiatement, ordonne Solange.

-Oui, il obéit quand son visage devient distrait. Il y a juste un truc qui me chiffonne. Ils ont un entrepôt assez isolé de la cité.

Solange l’invite à poursuivre, quand elle remarque son regard inquiet.

-Continue.

-Il se trouve au point le plus au sud du secteur dix-neuf.

Des menaces. Des ombres menaçantes. Un crie. Une explosion. L’obscurité.

Solange peine à sortir du flashback qui l’assaille. Lèvre pincée, ses yeux deviennent rouges mais aucune larme ne tombe. Son regard devient sombre. Sa douloureuse promesse, elle va enfin pouvoir l’accomplir.

-Qu’est ce que tu as appris ?

-Pas grand chose. Je crois qu’ils fabriquent quelque chose. Un truc qui permet de canaliser ce « magoi », et il l’appelle Seigneur.

-« Magoi », Solange fronce les sourcil, ayant déjà entendu ce terme, ce n’est pas l'ancienne définition du mana. Tu as bien dit qu’il y avait des scan de manuscrit, envoie les moi je les ferais parvenir à Solen. Charlotte pourra peut-être nous en dire plus.

Jon acquiesce, sachant que Charlotte est une historienne passionnée, elle saura sûrement quelque chose.

Admirant des adolescents éxecuter des acrobaties dans les airs, Solange ne put retenir un sourire amer. Armés de leur air-gear aux pieds, les jeunes d’une quinzaine d'années s'élancent dans les airs, contorsionnant leur corps dans des angles improbables pour faire des figures tout aussi improbables.

Quand elle tourne le regard sur la gauche, elle remarque un homme de son âge s’avancer vers elle. Des cheveux courts aussi brun que les siens. Des yeux aussi noisette que les siens. Un teint métisse comme elle. La seule différence sont les deux têtes en plus de hauteur qui les sépare.

Il a mangé trop de soupe quand il était petit.

Mais, que ça fait du bien de voir sa moitié.

Inconsciemment, comme devenant une jeune fille comme ces adolescents, Solange s’élance vers lui et l’enlace brièvement. Reculant d’un pas, elle regarde les poches sous les yeux du jeune, lâchant sans gêne.

-Tu as une sale gueule.

L’homme lâche un rire quelque peu forcé.

-Je te reflète c’est tout petite sœur, il répond sarcastiquement.

Solange tire la langue, s'empêchant de rétorqué qu’il à la chance d’être pressé de sortir du ventre de leur mère.

Solen soupire en souriant, évacuant la tension accumulée depuis des mois. Attrapant sa main, il l’attire au restaurant ou ils avaient l’habitude d’aller quand ils étaient jeunes. Sur le chemin, ils entament diverses conversations qui sonnent un peu creux. Solange répond automatiquement à son frère, le regard rivé au sol, observant le mouvement de ses pieds à chaque pas.

Quand une odeur aux saveurs d'épices lui fait relever la tête. C’est avec nostalgie qu’elle lève les yeux sur une porte au couleur bordeau habillé de divers motifs arabesque ainsi que des joyaux en toc. Elle regarde les vieilles lanternes aux couleurs flashy qui illuminent la rue et les alentours, donnant l’impression qu’il y a un festival qui se déroule.

Solen pousse la porte, salue l’un des serveurs ainsi que le barman et part s’installer à sa table habituelle, entraînant sa sœur par la main. Solange profite de la chaleur offerte par le restaurant avant de retirer sa veste et de s’asseoir en face de son frère. Ce dernier passe une main sur sa barbe de quelque jours, intercepte le serveur, qui est en réalité un vieil ami que Solange connaît quand elle était une enfant. Solen lui commande deux cocktail atypique de leur origine. Mélange d’alcool fort et de fruit exotique pour faire passer le tout.

Laissant planer un silence, Solange profite de ce bref instant de répit pour se laisser emporter par la musique, le rire des clients, le tintement des verres. Ce sentiment de paix et de bon vivant. Son regard vogue sur les mandala qui maquille les murs avant de le poser sur son frère, dans le même temps le serveur, Anjali, dépose leur verre avant de partir avec la commande de leur plat habituel.

Solen attend que sa sœur termine sa première gorgée pour mettre les deux pieds dans le plat.

-Jon a réussi à pirater en partie le réseau si j’ai bien compris ?

Solange repousse son verre, elle sait que son frère serait au courant. Son réseau d’informateur est suffisamment étendu et sûr pour qu’il soit informé presque immédiatement.

-Vous allez toujours aux archives pour parler de ce genre de chose en face à face pour éviter tout mode d’espionnage, continue son jumeau.

-Oui. J’ai d’ailleurs une requête à te demander, elle tend sa main à son frère qui n’hésite pas à la prendre et sens un objet atterri dans le creux de sa paume, dedans il y a des scan de manuscrits de l’Ancien Monde dont on ne comprend pas le sens. Il faudrait que Charlotte y jette un œil et nous donne son avis.

Solen ramène sa main, poing fermé, et lisse sa veste tout en faisant glisser la clé dans sa poche.

-Ce sera fait. D’ailleurs elle m’a demandé de tes nouvelles, et tu manques beaucoup à Kyrio. Viens nous voir un de ces quatre.

-C’est d’accord, je pense que sa fera du bien à tout le monde, sourie la jeune femme. Comment va mon neveu ?

-Toujours aussi énergétique, sa nouvelle passion c’est la série Star Wars.

Solange éclate de rire face au visage dépité de son frère.

-Ces films sont aussi vieux que le monde.

-Te moque pas, mais oui, je crois que le premier est sorti il y a bien cent cinquante ans. Je l’ai regardé avec lui et les effets spéciaux de l’époque m’ont fait mal aux yeux. En plus je ne sais pas pourquoi mais ses personnages préférés sont les seigneurs sith et non les Jedi.

-Aurai-je un futur criminel comme neveu, continue Solange en levant un sourcil.

-Va savoir. Il est surtout beaucoup trop intelligent pour son âge. Et trop intuitif.

Solen continue de raconter d'autres anecdotes sur son fils qui va fêter ses six ans quand Solange demande des nouvelles de sa belle sœur alors que leur plats sont servis.

-Toujours la tête dans les livres.

Ce fut sa seule réponse.

Il est vrai que d’aussi loin qu’elle se souvienne, Charlotte à toujours la tête dans sa tablette numérique, toujours à étudier et à s’instruire.

-Il faudra qu’elle étudie au plus vite ces documents. Jon a pu réduire les périmètre mais ils restent plusieurs secteur à vérifier, reprend Solange d’un ton sérieux.

-Oui, j’ai cru comprendre qu’ils mènent une sorte d’expérience, ainsi que du trafic avec des gangs.

Solange acquiesce, elle lui explique le plan de Jon pour trouver les responsables mais son frère lui donne une information qui confirme ses craintes.

-Il y a des frictions entre notre branche, le gang de Tariel et celui de Abaddon. Ces derniers affirment avoir attaqué plusieurs fourgon blindé pour la station de recherche spatiale de VAD, pensant qu’il y aurait des composants à revendre ou à transformer. Ce qui à mis dans une colère noir Allaric, tu te doute bien. Mais à la place ils ont trouvés des pierre de mana. D’autres fourgons, eux, transportés des caisses remplies de relique de guerre chargés. Tariel a tenté de remonter, pour découvrir que le réseau est bien plus grand qu’il n’y paraît car d'autres gangs ont découvert la même chose en pensant s’attaquer à des pharmacies, du matériel informatique ou même des œuvres d’art.

Solen profite de ce bref instant qu’un groupe passe à côté d’eux pour boire son verre, et termine en disant.

-Mais tous ont un lien, VAD.

-Jon aussi à découvert qu’ils existe plusieurs usines et entrepôts directement ou indirectement lié à VAD. Ce que Tariel et les autres ont découvert c’est le réseau, Solange regarde sérieusement son frère les yeux dans les yeux, se penchant vers lui, elle murmure. Il se prépare quelque chose Solen. Quelque chose d’énorme et dangereux. Certains documents parlent d’une purge. Notre purge à nous. Ils ont préparé leur hommes, ils sont armés et n'attendent plus que l’ordre soit donné.

Solen hoche la tête, se rendant compte aussi que la guerre est plus proche qu’il ne pensait.

-L’évacuation est presque prête aussi, affirme Solen la mine sombre. On attend juste que notre trajectoire soit au plus proche de Keppler.

Solange hoche la tête, avalant quelque bouché de son plat, un mélange de beignet aux légumes, poisson et poulet. Mais l’anxiété l’empêche de savourer.

-Dans tout les cas, ils ont un lien avec VAD et non un semblant de communication ou d’échange avec les Haut Dirigeants, continue de penser Solen.

-Une société écran ? Suggère la jeune femme.

-Non, contre dit son frère avec assurance, on sait qu’elle éxiste depuis le début de la conquête spatiale. Mais c’est une société indépendante alors, depuis quand travaille-t-elle avec ou pour les Haut Dirigeant ? Se demande Solen.

Solange sent son appétit disparaître immédiatement. Son plat presque plein, elle observe quelque instant le restaurant avant de décider qu’il est temps pour elle de rentrer. Elle enfile sa veste tout en se levant. Son frère pince des lèvres, voulant dire quelque chose mais sa sœur répond avant même de prononcer la première lettre.

-Je ne reviens pas Solen, pas maintenant. Il faut que je termine ce que j’ai commencée.

Le jeune homme se passe une main sur son visage. Il le savait, le savait même très bien. Cela fait déjà cinq ans qu’elle est dans la police grâce à Édouard. Mais elle est loin d’être en sécurité, elle est même entrée de sa propre volonté dans la gueule du loup.

-Je ne peux oublier, ni pardonner ce qu’ils ont fait, elle surenchérit.

C’est sur ses derniers mots qu’elle s’en va, lançant un dernier regard à son frère avant de sortir du restaurant. Quittant sa chaleur.

Les yeux dans le vague, Solen sursaute quand Anjali ramasse les assiettes à moitié pleine.

-Elle ne veut pas revenir ? Il demande en espérant que la réponse change cette fois-ci.

Mais le soupir de désespoir du jeune homme ne fait que confirmer.

-Tant qu’elle ne tournera pas la page elle ne reviendra pas.

-Ce n’est pas de sa faute, souffle Anjali, les souvenirs remontant à la surface.

-Elle s’en veut. Elle leur en veut. Elle accomplira sa vengeance coûte que coûte. Et pour cela, elle ne veut plus agir de l’extérieur comme la dernière fois, mais de l’intérieur.

Anjali hoche la tête. Ne pouvant qu’accepter. Il connaît les jumeaux depuis qu’ils ont l’âge de dix ans. Étant le plus âgé, il s’est occupé de ses deux chenapans et de leur groupe d’amis. Il leur a même appris à crocheter des portes… et d'autres trucs.

Mais depuis ce qui est arrivé à la famille d’Alaric et à Édouard. Il est juste un spectateur de leur vie. Une vie devenue beaucoup trop sombre pour ce groupe d'enfants autrefois souriant et blagueur.

-Elle est maître de ses choix et de son destin Anjali, reprend Solen en sortant de table. Elle a toujours tracé son propre chemin qu’importe ce que son entourage lui dit.

Anjali sourit, se rappelant de bons souvenirs. Il ramasse leur verre et dit.

-Elle sera toujours l’image de la Dissidence Solen. Ou du moins de notre branche. Tout le monde et même moi écoutons encore sa chanson remplie de tristesse et d’espoir. L’espoir que nous portons tous pour retrouver notre lumière perdue.

Solen ferme sa veste, plongeant les mains dans les poches, et part sans un mot. Il aurait préféré mille fois prendre sa place plutôt que la douleur et la haine qui lui ronge corps et âme. Oui. Ce jours là, il aurait dû être à sa place.

Ce jour-là, Il aurait dû la protéger.