JEANETTE ET CHARLY
Jeannette Lemarchand est une vieille dame de 92 ans née à Dubrovnik, son père Edouard était Consul de France en Croatie, sa mère Arlette sans profession s’occupait des affaires du ménage. Suite aux remaniements politiques en France dans les années 30, M. Edouard Lemarchand est rappelé en France. Toute la famille Mme, M, Jeannette et son frère Georges son cadet rentre en France. A son retour M. Lemarchand est démis de ses fonctions consulaires et il est nommé préfet de Loire Atlantique. La famille mène une vie paisible rythmée par les réceptions mondaines et les soirées de galas liées à la fonction préfectorale de M. Lemarchand. Mais les nuages s’accumulent quand Georges engagé dans l’armée meurt pendant la guerre d’Indochine en 1953. Il était engagé dans le corps expéditionnaire français en Extrême Orient. Son père, très affecté par ce décès d’autant qu’il avait ouvertement encouragé son fils à se porter volontaire, s’est laissé mourir de chagrin. Il décéda 2 ans après.
La jeunesse de Jeannette se déroula dans le luxueux quartier Stari Grad au cœur de Dubrovnik. Elle allait à l’école française de Dubrovnik et n’avait que peu de contacts avec les enfants croates. Elle passait le plus clair de son temps à jouer avec les enfants des diplomates du consulat dont la plupart étaient français. C’était une enfant réservée qui aimait peu l’agitation, elle était plutôt du genre contemplatif.
Après sa prime jeunesse passée confortablement en Croatie, Jeannette, son frère et ses parents rentrent en France.
Si les premières années se passèrent sans trop de problèmes malgré la guerre qui venait d’être déclarée et les dures conséquences de la débâcle de l’armée française.
L’adolescence de Jeannette fut par la suite perturbée du fait de sa difficulté à s’accoutumer à la France et à se faire des amis. En 1945, après avoir brillamment réussi son baccalauréat général, comme on l’appelait à l’époque, elle entama des études de littérature à l’université de Nantes. Elle était restée réservée et n’entretenait que peu de relations amicales et encore moins amoureuses avec les jeunes de son âge. Elle finit pourtant par se marier à un banquier Henri Desmaret, quelques années après la fin des hostilités en 1950. C’était plus ou moins un mariage de circonstance mais l’un comme l’autre semblèrent y trouver leur compte. En 1952 la famille se constitue avec la naissance de Liliane. Dans la foulée la santé d’ Henri Desmaret se dégrade, une toux persistante l’épuise, il la néglige trop longtemps et il meurt lentement de la tuberculose en 1953 laissant la mère, 26 ans, sans profession et sa fille seules à la tête d’une belle fortune : une propriété de famille en bord de mer au Croisic tout près de La Baule héritée de ses parents morts sous les bombardements anglo-saxons sur St Nazaire en 1942, un hôtel particulier à Nantes, investissement opportuniste du couple, loué à une famille bourgeoise nantaise et enfin la belle et grande villa où la famille habite à Château Thébaud au Sud Est de Nantes. En effet sachant sa fin proche Henri Desmaret légua la totalité de sa fortune à son épouse début 53.
La vie de Jeannette se complique sérieusement, elle était sans autres ressources stables en dehors des loyers perçus sur l’hôtel particulier, en effet il n’était d’usage dans la bourgeoisie de l’époque que Madame travaille. Il n’était pas question de démembrer l’héritage laissé par son mari, des coupes sombres ont donc dues être réalisées dans son train de vie d’autant les démarches administratives et les tracasseries du fisc retardent considérablement le solde de la succession.
Après avoir reçu la pleine possession des biens du couple, Jeannette finit par vendre la villa de Château Thébaud devenue bien trop grande pour elles deux, trop onéreuse à entretenir mais aussi trop chargée en souvenirs.
Elle déménagea pour le centre-ville de Nantes dans le quartier Feydeau. En l’absence du père, elle et sa fille Liliane développèrent une relation fusionnelle très forte voir obsessionnelle du côté de Liliane.
Au fil des années la solitude pèse beaucoup sur les épaules de Jeannette surtout que son caractère introverti ne la porte guère vers les autres.
A l’occasion de déboires avec sa voiture une DS21 Pallas, elle rencontre Charly fils du directeur de la concession Citroën de Nantes de 10 ans son cadet. Après une cour assidue de plusieurs années, Jeannette finit par céder à ses avances, ils se marient en 1965, dans la grande mairie de Nantes puis en grande pompe dans la Cathédrale St Paul et St Pierre. Les festivités durent trois jours selon la grande tradition locale. Dans les années qui suivirent la vie de Jeannette s’écoula tendrement auprès de Charly.
Malheureusement il n’en était pas de même pour Liliane qui n’accepta jamais ce mariage bien que Charly eut tout fait pour se faire accepter par l’adolescente. Mais celle-ci considère que Charly lui avait volé sa mère. La vie de famille devint impossible tant le comportement de l’adolescente était irrespectueux et empreint de haine. A bout de nerf et sur les conseils de leur médecin de famille, le couple décide à contre coeur d’envoyer Liliane dans une institution à Juilly (Yonne). La vie des uns et des autres s’en trouva apaisée.
Et les années passent comme un long fleuve tranquille dans une vie d’opulence et de mondanités ponctuée par les séjours de Liliane pendant les vacances scolaires ou des week-ends prolongés. L’éloignement semble avoir rendue Liliane plus sereine. Cette vie, ce rythme conviennent parfaitement à Jeannette.
Malheureusement au fil des saisons l’état de santé de Jeannette se dégrade, elle multiplie les malaises de façon apparemment inexpliquée.
Au cours d’une séries d’analyses, les médecins diagnostiquent un diabète de type I qu’ils n’ont aucune peine dans un premier temps à stabiliser. Par la suite la maladie s’aggrave et Jeannette doit avoir recours à l’insuline. Le diabète mine la vitalité de Jeannette et affaiblit considérablement sa liberté de mouvement, mais la présence indéfectible de Charly, depuis des années déjà à la retraite, l’aide considérablement à supporter tout cela. Ce dernier voue une admiration sans limite à sa femme pour laquelle il reste aux petits soins jour et nuit.
Au cours d’une nouvelle crise d’hypoglycémie, Jeannette fait une mauvaise chute et se brise le col du fémur. D’où son hospitalisation au service d’orthopédie du CHU de Nantes et la pose d’une prothèse complète. Compte tenu de son diabète et de la nécessité d’une surveillance accrue Jeannette est admise dans l’unité de soins constants. Elle décède de façon inattendue quelques jours après son opération. Les médecins surpris par ce décès brutal l’attribuent à un arrêt cardiaque consécutif à un probable choc hypoglycémique. Cela semblait dans l’ordre des choses.
Pourtant dès le départ Charly reste sceptique sur les circonstances du décès de Jeannette qui par ailleurs semblait s’être parfaitement remise de l’intervention. Dès les premiers jours il se rend au commissariat central de police afin de déposer une plainte contre l’hôpital en vue de déclencher une enquête. D’un autre côté il harcèle les médecins qui s’occupaient de Jeannette. L’un deux, dans l’espoir de calmer les ardeurs de Charly, a l’idée de pratiquer une analyse de sang. Effectivement l’analyse montre un taux de glycémie anormalement bas, ce qui corrobore les conclusions du médecin de garde qui avait constaté le décès mais, elle révèle également un taux insuline extrêmement élevé dans le sang de la défunte.
Aussitôt les résultats connus le médecin en parle à son chef de service qui décide d’avertir la police non sans avoir pris soin dans référer à la CME (Commission Médicale d’Etablissement).
Les scellés furent posés par la police sur la porte de la chambre de Jeannette qui par chance n’avait pas encore été vidée. Effets personnels et matériels, tout était resté en place.
Une autopsie du corps de Jeannette est diligentée, elle confirme le décès par arrêt cardiaque probablement suite au choc hypoglycémique provoqué par la sur-concentration sanguine d’Insuline. Aucune trace suspecte ne fut relevée sur la corps de Jeannette, seules des traces de piqûres sur la cuisse identifiée comme liées aux injections thérapeutiques et la marque du cathéter de réanimation sont observées.
Le dossier est transmis au commissariat central de Nantes afin d’alimenter le dépôt de plainte de Charly. Le commissaire MARTIAL est chargé de l’enquête qui est ordonnée par le juge d’instruction. Rien de probant ne filtre de ce dossier. Aucune piste ne se dessine pour expliquer ce taux d’Insuline très élevé. Le commissaire ordonne dans un premier temps l’expertise de la pompe à Insuline par un ingénieur de la société TECHTRONIC, fabricante de la pompe, en présence d’un ingénieur de la police scientifique spécialement venu d’une unité de la police de Marseille. L’examen soigneux de la pompe montre rapidement que le piston de la pompe avait été manifestement déréglée par la dépose d’un contre écrou multipliant ainsi par trois la quantité préréglée et injectée. C’est incontestablement la cause du surdosage d’Insuline qui avait causé la mort de Jeannette.
Mais qui avait pu faire ça ? Qui avait un intérêt dans la mort de Jeannette ?
Dès le départ les soupçons se portent sur Charly, le décès de Jeannette le met à la tête des possessions du couple pour un montant de près de 2 millions €. Soupçons renforcés par les révélations spontanées de Liliane qui informa le commissaire Martial que trois ans auparavant, Jeannette et Charly avaient conclu une donation au dernier vivant auprès de l’étude de Maître Dumouchel. Charly avait donc un excellent mobile pour faire disparaître Jeannette prématurément.
Charly était un vieil homme ravagé par le chagrin, abattu par cette disparition il est incapable de vraiment se défendre devant l’assaut des questions de la police. Charly est finalement placé en garde à vue, puis le juge ordonna sa mise en détention provisoire, dans la maison d’arrêt de la rue Mainguet à Nantes, malgré les protestations de son avocat compte tenu de son âge.
L’adjoint du commissaire Dumouchel, poursuivant l’enquête afin de compléter le dossier d’accusation, fini par s’apercevoir que Charly n’avait nul besoin de cet héritage, il partageait avec son frère aîné Maxime, les conséquents bénéfices de la holding de concessions Citroën que son père avait déployées ces vingt dernières années dans la région des Pays de Loire. Une rente considérable qui lui apportait des ressources conséquentes. L’appât de ce gain prématuré n’avait donc pas lieu d’être. Fort de ce rapport de police l’avocat réussi à faire sortir Charly de sa cellule.
L’adjoint décida alors de convoquer Liliane pour une discussion complémentaire concernant ses relations houleuses avec Charly. Tout d’abord Liliane refuse de se rendre au commissariat prétextant qu’elle avait dit tout ce qu’elle avait à dire, puis elle ne se rend pas au rendez-vous qui fut fixé malgré tout. Le commissaire Dumouchel eut donc l’obligation d’envoyer deux agents de police au domicile de Liliane afin de l’amener manu militari au commissariat central. Dans un premier temps Liliane cherche à esquiver les questions, accusant les policiers de harcèlement mais ces derniers tiennent bon et continuent leurs questions. Petit à petit la belle assurance de Liliane vire à l’agacement.
Les policiers prennent conscience qu’en fait Liliane avait, au fil des années, gardé intacte sa haine et sa rancœur vis-à-vis de Charly et ne supportait pas qu’il puisse hériter des biens du couple et en particulier de la propriété du Croisic, bien de la famille maternelle depuis très longtemps, qu’elle estimait devoir lui revenir en totalité. Petit à petit la carapace se fissure et Liliane finit par avouer.
Au cours des quelques visites qu’elle rendait à sa mère elle avait fait la connaissance de Julien, l’infirmier à l’unité de soins constant. Julien était un garçon vivant seul et ne fréquentant que peu d’amis. Liliane n’eut pas de mal à le séduire. Lui faisant miroiter une vie de luxe au Croisic elle avait réussi à le convaincre de trafiquer la pompe à insuline afin d’entraîner la mort de sa mère et faire accuser ensuite Charly qui lui paraissait être le coupable idéal.
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