— Poussez… Je vois la tête ! — insiste calmement le médecin.

— C'est déjà ce que je fais ! — réplique Méline entre deux souffles.

Ses doigts s’agrippent à ceux de Josh avec une force presque désespérée. Chaque contraction la soulève du matelas comme si son corps tout entier se rebellait contre l’inéluctable. Elle sent la pression, immense et brûlante, la submerger tel un raz-de-marée incontrôlable. Sans la subir, je comprends sa douleur.

Une odeur métallique d’antiseptique, le bruissement des gants en latex, les battements accélérés du cœur de Méline, qui résonnent comme un tambour de guerre. Je ressens tout, mais rien ne me donne la moindre émotion. Telle est la nature des Chishiki, observer, comprendre, conserver. J'ai cette impression d'être une machine organique.

— Poussez encore, vous y êtes presque ! — encourage Andrew.

Avec la rage de vivre, mais également par terreur et espoir, Méline pousse aussi fort que possible. Brusquement, un long cri étouffé rompt le silence, suivi des pleurs contagieux d'une petite fille et de l'expiration d'une mère. Les visages se détendent, les murmures joyeux s’échangent, Josh regarde sa femme avec un amour sincère.

Andrew sectionne le cordon ombilical d’un geste précis, Louise, l'une des infirmières, prend calmement le nourrisson dans ses bras. Elle nettoie avec soin le placenta et le sang. Sophie, l'autre soignante, s'assure que l'état de Méline est stable sur les moniteurs. Ce genre de scène, je l'ai vécu des centaines de fois, c'est émouvant et glauque.

Bien qu’épuisée, Méline réclame rapidement sa fille. Sophie enveloppe la petite d’un linge chaud, avant de la confier avec douceur à sa maman. Josh sourit à Hana, puis tente de la faire rire en faisant des grimaces avec ses gestes maladroits. Méline la berce tendrement dans ses bras, tout en chantonnant pendant quelques minutes.

— Tu es si mignonne, Hana, je t’aime. — dit Méline avec amour.

— Tu es magnifique, ma petite princesse.

Josh s'approche de Méline, puis dépose un doux baiser sur ses lèvres. L'amour est un sentiment puissant, le comprendre est complexe, ce n'est pas un fait scientifique explicable, pas encore tout du moins. Cependant, je sais le simuler facilement.