17. Les Bibendums font du ski

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Joy


Mais qu’est-ce que je fiche ici, sérieux ? Pourquoi est-ce que j’ai accepté d’aller skier ? Je ne suis pas montée sur des skis depuis mes dix ans, quelle idée à la con, sérieusement ! On ne pouvait pas plutôt rester au coin du feu à papouiller et se câliner ? D’accord, le paysage est superbe, mais je ne suis pas du tout à l’aise avec tout cet attirail, bien loin de mes habitudes. Je crois que je préfère mille fois des chaussons de danse, même si je finis avec les pieds douloureux.

— Je te préviens, tu as intérêt à me faire un massage des pieds, ce soir, marmonné-je en rajustant mon bonnet, manquant de faire tomber mes bâtons.

Alken sourit et dépose un baiser sur mon front avant de remonter la fermeture éclair de la combinaison que nous avons louée. Pourquoi je me sens totalement cruche alors que lui est toujours aussi sexy, même emmitouflé dans son gros manteau, un bonnet sur la tête et des lunettes énormes ? Bon sang, être amoureuse me rend totalement gnangnan, je crois. Ou alors, ce mec est trop parfait. Tellement parfait qu’il arrive à se coller dans mon dos alors qu’il tient ses skis et ses bâtons d’une main. C’est pas possible, je crève de jalousie.

Kenzo et Théo ricanent au loin en voyant ma tête, et je me sens tendue comme rarement. J’ai la trouille. C’est stupide, je le sais, il y a peu de chance que je me casse quoi que ce soit, mais j’ai peur quand même. J’ai trop en mémoire les conversations avec ma mère, son refus de me laisser partir avec ma classe de quatrième par peur que je me blesse et ne puisse pas faire le plus gros concours de l’année. Et si je me blesse aujourd’hui ? J’ai déjà manqué trois semaines de cours à cause de mon entorse, je ne peux pas me permettre de perdre encore du temps. Je veux mon diplôme. Je veux pouvoir vivre au grand jour avec Alken. Je veux être fière de moi et clouer le bec à ma mère. Et si j’ai peur de mon avenir professionnel, je veux y goûter malgré tout.

— Je ne suis pas sûre de vouloir y aller, finalement, Alken… Et si je me foulais à nouveau la cheville ?

Je sais que c’est stupide et peu probable, étant donné les chaussures que j’ai, mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le pire, là, alors que nous sommes dans la file d’attente pour les œufs.

— Je vais rester près de toi à chaque seconde, d'accord ? Il faut juste que tu te détendes et tout ira bien, mon Cœur.

— Ah oui ? Tu vas me rattraper si je manque de m’étaler ? Tu es un super héros ? Remarque… Y a que toi pour être canon en Bibendum…

— Tu as vu avec quelle grâce tu sais danser ? Tu as un équilibre parfait, il te suffit de transposer ça au ski. Et oui, bien sûr, si tu glisses, je me jetterai pour te rattraper.

Il m'embrasse à nouveau pour me rassurer et me serre contre lui. Je crois que la grâce de la danseuse ne me servira à rien. Après une dizaine d’années sans glisser sur des skis, je pense que je vais galérer. J’aurais vraiment préféré aller me balader en raquettes, ou rester sous la couette en tête à tête avec lui.

Je me cale tout contre lui dans l'œuf que nous investissons et profite du paysage pour tenter de me calmer quand je l’entends siffloter la chanson des Bronzés font du ski. Je pouffe et chantonne avec lui en attendant que nous arrivions à destination. Alken a le chic pour détendre l’atmosphère, et j’apprécie qu’il ne se moque pas de moi et cherche à me changer les idées. J’ai vraiment l’impression de pouvoir compter sur lui quoi qu’il arrive, et j’espère qu’il a ce même genre de sentiments à mon égard.

Je le suis en silence en bord de piste et chausse mes skis avec autant d’assurance que la première fois où j’ai dû lacer mes chaussons de danse. Je me souviens comment faire, peut-être que c’est comme le vélo ? Toujours est-il que je fais beaucoup moins la maligne une fois sur les skis. Je plante mes bâtons dans la neige et me déplace un peu pour ne pas glisser davantage alors qu’Alken m’a déjà attrapée par la taille et me sourit.

— Oui, je comptais t’échapper, si tu te poses la question, ris-je.

— Non, je te soutiens, tu as l’air de… Glisser, je dirais ? se moque-t-il gentiment en me serrant contre lui. Relax, et oublie le reste.

J’aimerais l’embrasser, mais couverts comme nous le sommes, ce n’est pas vraiment évident.

— Tu te moques de moi, là ? Sérieusement ? T’as pas peur ? J’ai quand même deux bâtons dans les mains.

— Oui, c’est vrai, et je sais que tu vas assurer. Tu sais comme j’ai toujours confiance en toi ! En tous cas, je suis fier que tu aies vaincu ta peur et qu’on soit là, à deux. On se fait cette petite piste verte et tu verras, ça va te rappeler des bons souvenirs et te plaire, je pense. Tu préfères que je te suive ou tu me suis ?

— Tu ne veux pas plutôt me prendre sur ton dos ? pouffé-je. Ce serait plus safe, je crois.

— Plus safe ? Tu me prends vraiment pour Superman ! sourit-il. Je veux bien essayer, mais je ne garantis pas le résultat.

— Non, non, j’y vais, dis-je en soufflant. Rattrape-moi si je prends trop de vitesse, hein ?

Bon dieu, je déteste être gauche comme ça. Et mon Superman se moque, en prime. Je lui donne d’ailleurs un petit coup de bâton sur les fesses avant de prendre mon envol. Gauchement. En chasse-neige. Je dois avoir l’air ridicule, mais j’ai besoin de reprendre mes marques. Je ne suis plus la gamine qui skiait avec son père après avoir entendu sa mère la prévenir qu’elle n’avait pas intérêt à se blesser. Ce n’est plus la peur de ma mère qui me fait descendre sur mes gardes, mais ma propre peur de me blesser. Stupide trouille.

Je m’oblige finalement à arrêter de tout faire pour éviter d’accélérer et mets mes skis en parallèle. Je prends finalement un peu de vitesse et suis un homme qui zigzague sur la piste avec plus d’assurance que moi. Je n’ose pas vraiment regarder derrière moi pour m’assurer qu’Alken est bien là, je lui fais confiance et me concentre sur ma descente.

J’ai le sourire aux lèvres en m’arrêtant en bas de la piste, et grimace en voyant un gosse de dix ans, pas plus, descendre avec dix fois plus de classe que moi alors que mon amoureux se stoppe devant moi.

— Ne te moque pas, ou ça va barder, O’Brien, dis-je en lui tirant la langue.

— Jamais de la vie, Joy ! Tu es arrivée en bas sans te faire mal ! Je t’ai suivie, comme promis, et dès que tu as pris un peu confiance, tu t’en es plutôt bien sortie. Bravo ! Tu en as fait assez pour justifier ton séjour ici ou tu veux quand même retenter la piste ? Les deux me vont, tu sais, tant que tu es heureuse.

Je me déchausse en soupirant et attends qu’il ait fait de même pour lui sauter au cou et l’embrasser avec passion. Bibendum embrasse Bibendum, c’est particulier et plutôt comique.

— Va pour une nouvelle descente, mais si tu veux profiter et skier un peu de ton côté, je comprendrais.

— Je profite quand je suis avec toi, Joy. Où tu vas, je vais, et je suis heureux. C’est simple, non ?

— C’est romantique, ça, Monsieur O’Brien ! Et ça me donne envie de rentrer immédiatement au chalet pour que tu glisses ailleurs que sur une piste, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

— Ah non, on a dit une descente avant ! Le plaisir viendra après, ma Chérie. Sauf si tu insistes car tu sais bien que je ne peux pas te résister !

— Tu me refuses du sexe ? T’es malade ? Un problème ? pouffé-je en posant ma main sur son front. Tout va bien ?

— Je ne refuse pas, je diffère, c’est tout. Et je reprends des forces après notre matinée qui va me laisser un souvenir impérissable !

Je lève les yeux au ciel, le sourire aux lèvres, et récupère mes skis et mes bâtons avant de me diriger vers les œufs. Je suis bien contente qu’on puisse les prendre, je n’ai pas un très bon souvenir du tire-fesses, honnêtement.

Nous passons finalement l’après-midi sur les pistes et je suis rincée lorsque nous descendons la dernière de la journée avant de retrouver Kenzo et Théo pour un vin chaud dans un petit café de la station. Alken m’attend en bas, ayant descendu plus vite que moi, et je fais mine de ne pas réussir à m’arrêter pour finir dans ses bras en riant. Cet après-midi était dingue et m’a permis de ne pas penser à tous nos tracas durant quelques heures. Autant dire que c’est plus qu’apprécié.

J’ai dû mal présumer de ma vitesse, parce que nous basculons tous les deux et Alken finit le dos dans la neige, son Bibendum préféré étalé sur lui. Heureusement qu’il avait déjà déchaussé, parce qu’on aurait vraiment fini dans la panade.

— Oups, pardon, m’excusé-je en riant, sans pour autant bouger. Tu ne t’es pas fait mal ?

— Oh si, j’ai un gros bobo là, répond-il, aussi amusé que moi, en me montrant ses lèvres. Il faut un bisou magique qui répare tout !

— Quel profiteur ! me moqué-je avant de déposer un baiser appuyé sur sa bouche. Voilà, monsieur !

— Eh bien, on a là le parfait exemple de l’expression “se tomber dans les bras” ! s’esclaffe Théo, nous faisant tous deux tourner la tête. Bien joué, Joy !

— J’espère que tu n’as pas passé l’après-midi à faire tomber mon père, renchérit Kenzo. T’as beau être plutôt légère, il va finir dans un sale état, le pauvre.

— Mais, on ne peut pas s’embrasser tranquille dans ces montagnes ? fait mine de s’énerver Alken. Les pistes ne sont pas assez nombreuses que l’on tombe sur vous, même ici ?

— S’embrasser ? Je suis sûr que si on ne vous avait pas interrompus, on aurait dû aller vous chercher au poste pour exhibitionnisme, ouais, ricane mon ami d’enfance.

— Plutôt que vous moquer, aidez donc cette jeune femme en détresse à se relever, que je puisse moi aussi retrouver un peu de dignité, s’esclaffe mon amoureux, non sans avoir à son tour profité de l’occasion pour me voler un baiser.

— Je n’étais pas en détresse, c’était le paradis, voyons ! ris-je alors que les garçons m’aident à me relever. Toutes les mères de famille du coin ont pu bien comprendre que tu étais pris, au passage. C’était… Parfait !

— Ouais, et toutes leurs filles aussi, bravo Mademoiselle Santorini, se moque Kenzo. Mais ce soir, il va encore avoir du mal à se retenir de profiter de vous, c’est du joli, tout ça !

— C’est bien l’objectif, ris-je en tendant la main à Alken. Lui faire oublier à quel point j’ai eu l’air d’un canard sur ces foutus skis.

— J’ai trop envie de toi, mon canard, me murmure-t-il à l’oreille alors qu’il se colle contre moi en se relevant. On s’éclipse discrètement et on reprend nos folies de ce matin là où on les a laissées ?

— Ah non, on a dit le vin chaud d’abord ! me moqué-je. Tu disais quoi, déjà ? Le plaisir viendra après, mon Chéri ?

— Je te promets que ça se paiera ce soir, mon Amour. C’est une promesse de plaisir décuplé après l’attente, je te le dis !

Je veux bien payer ce prix tous les jours, moi ! J’adore ce genre de promesses, parce que je sais qu’il les tient toujours. J’ai presque envie de zapper le vin chaud, surtout que je n’en bois pas, pour rentrer au chalet et payer de suite ma dette. Mais nous devons encore rendre nos équipements, et Kenzo et Théo nous entraînent avec eux. Tant pis, patience est mère de réussite. Ou… Reculer pour mieux sauter, dans ce cas précis ?

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