46. Assommés mais ensemble

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Alken

Je referme la porte du bureau d’Elise et reste un peu sonné par les menaces qu’elle vient de proférer à notre encontre. Me concernant, je doute qu’elle ait le bras assez long pour m’empêcher de retrouver des contrats, ma notoriété est déjà faite et je peux m’appuyer sur mon expérience pour espérer me relever de cette épreuve. Cependant, il n’en va pas de même pour Joy. Et ça, ça a le don de m’énerver. Alors que ma fiancée commence à s’éloigner de moi, je l’attire dans la salle des professeurs et referme la porte derrière nous. Quitte à être en retard, on peut bien avoir cinq minutes de plus, il me semble.

— Désolé, Joy. J’aurais dû y penser avant de faire le concours… Tu… Tu vas bien ?

— Ça va, soupire-t-elle en regardant tout autour de nous. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi vindicative sur la fin, c’est tout.

— Je crois qu’elle est surtout en colère qu’on ait pu la berner si longtemps sans qu’elle ne se rende compte de rien. Je me demande comment elle a eu cet article. Elle doit avoir une alerte sur Internet avec le nom de tous ses profs, c’est pas possible autrement. En tous cas, le point positif, c’est que notre prestation a plu aux journalistes, souris-je. Il faudra s’en servir si on est mis dehors.

— Au moins elle ne peut pas dire qu’on a créé le scandale dans son école, puisqu’on sait être discret. Tu crois que… Enfin, tu penses qu’elle va nous virer ?

— Je ne sais pas, dis-je honnêtement. Elle pourrait le faire, mais ce ne serait pas la décision la plus intelligente pour l’ESD. Un nouveau scandale après celui de Charline, je pense qu’elle va vouloir éviter ça. Peut-être qu’elle va simplement me demander de me retirer jusqu’à la fin de l’année ? Ce serait le moins pire pour nous, non ?

— A condition que ça ne te mette pas mal comme la dernière fois, c’est peut-être le mieux dans tout le pire potentiel. Mais… Bon sang, on ne fait rien de mal, ça m’énerve.

— Tu sais, avec l’argent qu’on a gagné au concours, ça peut nous permettre de prendre un peu notre envol et de préparer le prochain. On pourrait vivre de concours en concours ! Mais bon, ça ne durerait qu’un temps. Tu sais que je suis en train de m’imaginer des scénarios pour bloquer Elise dans son bureau et la séquestrer jusqu’à ce qu’elle promette de ne rien dire ?

— Vivement que cette année se termine, c’est trop de pression, tous ces secrets, c’est épuisant, non ?

— On a fait le plus dur, Joy. Si elle ne nous vire pas, il ne reste que quelques mois à tenir. Et notre Amour vaut bien ça, non ?

— Oui, oui, bien sûr Alken, sourit-elle. Mais j’ai hâte que tout ça se termine quand même.

— Moi aussi, ma Chérie, moi aussi…

Je l’embrasse et nous retournons chacun à notre salle de cours. Dans la mienne, les premières années sont calmes et en train de s’échauffer et de faire différents exercices. Étonnamment mature de leur part.

— Bonjour tout le monde, excusez-moi pour ce retard, mais notre Directrice avait énormément de choses à me raconter ce matin. Je vous propose de vous mettre par deux et de travailler votre chorégraphie pour le spectacle de fin d’année. L’idée, c’est que vous vous mettiez d’accord sur les différentes figures que vous allez proposer. On travaillera sur les enchaînements par la suite.

Je constate que Charline s’est mise avec un jeune et je suis soulagé de voir qu’au moins de ce côté-là, les soucis semblent réglés. Parce que je ne suis pas sûr qu’Elise me défendrait à nouveau si je me faisais encore attaquer. Je m’inquiète vraiment sur sa décision, d’ailleurs. J’ai l’impression qu’elle nous a écoutés, qu’elle croit vraiment à notre histoire, mais je n’ai aucune idée de la flexibilité dont elle saura faire preuve. J’espère qu’elle va vraiment faire la part des choses, peser le pour et le contre et se décider à garder le silence. On a beau dire que nous sommes restés discrets, ça fait quand même un bon nombre de personnes désormais au courant de notre petit secret. Au départ, c’était les vraiment proches, mais, là, d’ici quelques jours, ça pourrait être toute l’école qui saura pour nous deux.

Une partie de moi est inquiète pour notre avenir suite à ces révélations qui pourraient être faites sur notre couple, mais une autre est soulagée car nous n’allons peut-être plus devoir vivre cachés. C’est un sentiment vraiment ambivalent mais qui résume bien notre situation. Nous sommes désormais à la merci de cette directrice qui a au moins eu la correction de ne pas faire de proposition indécente pour nous garantir le silence. C’est déjà mieux qu’Elizabeth !

— Prof, Prof ! On est là, hein !

Je regarde la jeune femme qui m’interpelle et me demande ce qui lui arrive. Elle n’a pas l’air en difficulté et je ne comprends pas pourquoi elle s’adresse à moi.

— Je sais bien que vous êtes là, il y a un souci ?

— Ça fait cinq minutes qu’on t’a posé une question, et tu ne réponds pas.

Je m’excuse auprès d’elle mais je n’avais même pas remarqué qu’elle s’était adressée à moi. J’essaie de me concentrer jusqu’à la fin de ce qui sera peut-être mon dernier cours, mais l’heure arrive et Elise n’a donné aucun signe. Je me demande combien de temps elle va réfléchir et ce qu’elle a en tête nous concernant.

L’après-midi, je retrouve Joy en cours et nous faisons comme si rien ne s’était passé le matin. Elle a l’air aussi paumée que moi et n’est pas très concentrée sur ses pas.

— Attention, Joy, tu risques de te blesser si tu n’es pas plus vigilante que ça !

— Oui, pardon, je n’étais pas concentrée. Merci, Alken, dit-elle en me lançant un petit sourire.

— Tu sais, dis-je devant tous les autres élèves, parfois, il y a des soucis qui arrivent dans la vie, mais la danse, ça permet de tout oublier. C’est sur ça qu’il faut se concentrer, pas sur les problèmes du quotidien. Tu verras, c’est magique et ça fonctionne à chaque fois !

— Parfois c’est pas facile d’oublier le quotidien, mais… C’est sûr que ça aide, me dit-elle en semblant ne pas vraiment y croire.

Je constate cependant qu’elle s’efforce de mieux se concentrer sur sa danse et que progressivement, elle se détend un peu. C’est déjà ça. A la fin du cours, je chuchote à ma Chérie d’attendre pas loin et qu’on rentrera ensemble. J’ai besoin d’elle, de sa présence pour affronter la suite des événements. Et c’est donc avec plaisir que je la fais monter dans la voiture à l’endroit où je l’ai déposée ce matin avec Kenzo.

— Quelle journée, hein ? Content d’avoir fini, parce que c’est compliqué de vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Tu as réussi à survivre aussi, mon Amour ?

— J’avais hâte qu’elle se termine aussi. J’ai envie de me terrer à la maison et de ne plus en sortir. Et je suis sûre qu’Elise prend un malin plaisir à nous faire mijoter, soupire Joy en posant sa tête contre mon épaule.

— Pour te faire oublier tout ça, je te propose une soirée massage et jacuzzi, ça te dit ? Avec des pizzas pour qu’on n’ait rien d’autre à faire que se détendre.

— Si tu veux, mais j’ai aussi un devoir à terminer… J’espère que ça ne va pas me prendre deux heures, je n’ai absolument pas la tête à ça.

— Si tu veux, je te fais un mot d’excuse, souris-je. Joy était trop occupée à se détendre et n’a pas pu finir son devoir à temps. Elle le fera une fois que la directrice aura décidé si on peut rester et baiser tranquille. Cordialement, le comptable. Tu crois que ça peut passer ?

— En voilà une bonne idée, rit-elle. Sûre que ça va passer, oui. Tu es fou.

— Oui, fou de toi, malgré toutes les épreuves de la vie. Et quand on rentre, je préparerai tout pour m’occuper de toi dès que tu auras fini ton devoir. Au moins, tu as une motivation pour aller vite !

— J’ai toujours la motivation d’aller vite pour pouvoir être disponible pour mon comptable, tu sais ? Pas besoin de trop en faire. Mais si tu veux me masser les pieds pendant que je bosse, je ne dis pas non, en fait.

— Deal !

Elle me sourit et nous rentrons à l’appartement où Joy ne tarde pas à s’installer dans le canapé, son ordinateur ouvert sur ses genoux et Salsa nichée contre elle.

— Pas facile d’écrire avec une seule main, dis-je en la rejoignant alors qu’elle caresse notre jolie petite chatte.

— Non, mais caresser un chat apaise, sourit-elle. Tu devrais essayer, je t’assure que c’est impressionnant. Presque aussi efficace que les bras d’un amoureux.

— Moi, je préfère caresser mon amoureuse, ça m’apaise plus, expliqué-je en m’installant par terre, à côté d’elle.

Mes mains se posent sur ses genoux et je caresse doucement ses longues jambes jusqu’à ses pieds qu’elle dépose sur moi. Je lui masse chaque orteil ainsi que la plante de ses jolis pieds et j’ai l’impression qu’elle va se mettre à ronronner comme Salsa qui fait le dos rond sous la main de sa maîtresse.

— Je ne te déconcentre pas trop ?

— Si, mais ça fait trop du bien. Tu sais, mon prof de danse contemporaine est un peu un tyran des fois, et après une longue journée de danse, j’avoue que le traitement est plus qu’agréable.

— Eh bien, il faut prendre ce traitement trois fois par jour, alors !

Je continue à la caresser et à déposer des bisous sur ses jolis petons et ses jolies gambettes pendant qu’elle tape sa présentation. J’aime énormément ces petits moments du quotidien, où il n’y a que nous, où le monde extérieur semble disparaître et où nous pouvons nous aimer librement, vivre notre relation sans tabou ni cachotteries. Après les émotions de la journée, cet instant relaxant fait du bien et je profite de chaque seconde en compagnie de ma bien-aimée pour me détendre et oublier les menaces qui pèsent sur nous.

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