Le petit berger
Quand le repas fut terminé, Minos proposa à Maya de lui faire le tour de la propriété avant de s’occuper des bêtes. Sans attendre qu’elle accepte, il l’attrapa par la main et se précipita dehors. Pour ne pas tomber, la jeune fille dut sautiller tout en adressant un regard d’excuse à la mère de famille. Celle-ci lui répondit d’un grand sourire tandis que les autres membres de la famille sortaient à leur suite pour retourner au travail.
Dehors, le soleil venait tout juste de quitter son zénith. Le ciel était bleu, tout juste ponctué de quelques rares nuages. Un vent frais venait réguler la forte chaleur de ce début d’après-midi. Devant eux s’étalaient des champs sur plusieurs hectares. Les Bernardonne y cultivaient des céréales que Maya ne reconnaissait pas. Sans lui laisser le temps de poser de questions à ce sujet, Minos l’entraina vers l’arrière de la maison pour lui montrer un petit enclos.
Très vite, un désagréable bruit strident parvint aux oreilles de Maya. Minos avait déjà recouvert ses oreilles de ses mains pour en atténuer la virulence et la jeune fille ne tarda pas à l’imiter. Seuls deux oiseaux étaient responsables de ce tintamarre. Le premier avait la taille et le corps d’une poule, au plumage était gris tacheté. Son cou était plus long que celui de ses cousines et son bec plus allongé, sans collerette ni huppe sur le crâne. L’autre était plus grand et, surtout, plus coloré. Les plumes de son corps passaient d’un rouge éclatant à un vert olive à l’arrière. Elles y étaient si longues qu’elles donnaient l’impression que l’animal disposait d’une queue. Enfin, sa tête était d’un bleu cobalt et son bec paraissait moins long que celui de son compagnon, ce qui ne l’empêchait pas de l’ouvrir pour pousser ce si désagréable cri déchirant.
— Ça, c'est des régusans, expliqua Minos une fois qu’ils furent éloignés. Papa et Maman les ont installés sous leur fenêtre pour qu’ils les réveillent tous les matins ! On en a d’autres, mais ils cassent les oreilles des autres nanimaux, alors on les as mis très à l’écart. En plus, ils racontent toujours les mêmes choses.
L’intérêt d’élever de tes cauchemars pour les tympans échappait à la jeune fille, mais pas le temps ni les moyens de poser plus de questions, encore moins de si précises. Plus loin, l’enfant désigna cinq grands bâtiments. Le premier, lui expliqua-t-il, était la réserve. C’était là qu’on stockait tous les céréales et la nourriture nécessaire pour les bêtes. Le suivant, qui disposait de plusieurs grandes cheminées, était l’atelier. Clarisse, Eaque et Europe y produisaient diverses marchandises, dont des confitures, du pain, des pâtés, etc. Minos et Eurydice n’avaient pas le droit d’y entrer.
Venaient ensuite les écuries. La famille Bernardonne élevait plusieurs chevaux et c’était à Andromaque que la tâche était confiée. Quand elle les vit entrer, la sœur de Minos présenta avec passion les différentes races qu’ils élevaient, des simples canassons aux puissants chevaux de trait. Le quatrième bâtiment était peut-être le plus long, et Maya comprit pourquoi en y entrant. Une quarantaine d’énormes bovins s’y trouvait. Les animaux adultes portaient trois grosses cornes successives sur la tête. Eurydice était en train d'en nourrir un veau au biberon tandis que sa sœur, Europe, déplaçait un seau de lait sans leur prêter attention.
— C'est nos domrochs, dit Minos. C’est maman et mes sœurs qui s’en occupent, mais parfois, ben, je les aide un peu ! Papa en vend sur le marché de Léon et ils nous aident aussi pour moissonner ! Ils sont tout gentils ! Mais attends, t’as pas encore vu les mieux !
Il l’attrapa de nouveau par la main, l’empêchant de se diriger vers Eurydice pour caresser le veau qui la faisait craquer. Avec autant d’excitation qu’Andromaque parlant de ses chevaux, il l’emmena vers le cinquième et dernier bâtiment.
L’intérieur était séparé en deux grands enclos. Celui de droite était habité par plusieurs porcs poilus, ainsi que de quelques porcelets dont les longs poils couvraient même leurs yeux. Mais ce qui semblait stimuler Minos à ce point se trouvait dans le second enclos, puisqu’il commença à sautiller sur place en le lui désignant.
— Tadaaaa ! lança-t-il en bombant le torse, cessant enfin de bouger. C’est nos advouquetins, et c’est moi que je m’en occupe tout seul !
Les fameux advouquetins étaient des animaux très semblables à des moutons, dont la toison blanc immaculé était cependant moins épaisse. La différence résidait dans le haut de leur crâne. Il paraissait comme rembourré, doté d’une couche osseuse supplémentaire. D’ailleurs, certains individus se donnaient des coups de tête par moment, produisant un bruit sourd sans pour autant qu’ils ne paraissent affectés par le choc. Maya était assez surprise de voir que leur laine était si blanche, sans aucune trace de saleté. Elle se demanda si c’était naturel ou si Minos prenait particulièrement soin d’eux. Un seul animal ne disposait pas de cette blancheur éclatante. Au contraire, il avait la toison la moins épaisse de tout le groupe et celle-ci était d’un noir profond. Il avait aussi le crâne le plus épais. La bête en question se précipita immédiatement vers Minos pour lui lécher les doigts quand celui-ci arriva au niveau de la barrière.
— Salut, Pan ! s’exclama Minos avec entrain. Oui, oui, on va se promener !
L’advouquetin noir recula et commença à courir autour des autres. Ses congénères se regroupèrent en se donnant quelques coups de tête en passant. Une fois que les animaux formèrent un troupeau serré, Minos attrapa un bâton qui était posé contre la clôture de bois qu’il déverrouilla. Il fit signe à Maya de rester proche de lui et il se mit en marche, suivi par ce drôle de cortège régulé par Pan.
Annotations
Versions