Pan
Alors qu’ils marchaient à un bon rythme, Minos en profita pour désigner le reste de l’exploitation familiale. Ainsi s’étalait un immense potager divisé en plusieurs parcelles. Chacune était consacrée à un légume ou un fruit en particulier. Sur leur gauche, les mêmes céréales que tout à l’heure poussaient encore sur plusieurs hectares. Mais une fois qu’ils les eurent dépassés, Maya eut la possibilité de voir une vaste plaine dans laquelle des arbres fruitiers étaient éparpillés. Minos lui expliqua que leur propriété s’étendait jusqu’au Bois de Styx, un peu plus loin. C'était la plus grande surface agricole de Lebey. Comme ils ne pouvaient pas gérer toutes ces terres à huit personnes, ils s’étaient contentés de laisser pousser les arbres pour ne se soucier que de la récolte, une ou deux fois par an. C’était aussi le lieu parfait pour y faire paitre les advouquetins, ou même les domrochs à l’occasion.
— Ici, ce sera bien ! L’herbe est bien haute et il y a un arbre ! Pan !
À son nom, l’advouquetin noir s’écarta progressivement du troupeau, laissant ses congénères récupérer de la place. Minos observait la manœuvre. Une fois qu’il jugea le périmètre assez grand, il siffla une fois et Pan trottina jusqu’à lui. Minos lui attrapa la tête en riant et lui caressa vivement le haut du crâne.
— Comme d’habitude, Pan ? Tu ne les laisses pas sortir du cercle.
Maya écarquilla des yeux. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ou bien l’ovin venait-il acquiescer ? On aurait dit que l’animal comprenait le petit garçon sans souci. Il devait l’avoir dressé depuis des années pour en être arrivé à un tel résultat, pourtant, Minos semblait si jeune…
— Et voilà ! lança le berger en s’allongeant contre un pommier. Maintenant, on est en pause !
Maya resta interdite. Leur travail s’arrêtait-il vraiment là ? Minos admirait les nuages plutôt que les animaux à sa charge. La jeune fille les observa un instant. Ils broutaient paisiblement. Il y en avait bien un de temps en temps qui faisait mine de s’éloigner, mais Pan le chargeait immédiatement. Intimidé, le fautif retournait vite au milieu des siens. Finalement, c’était assez facile comme travail.
Elle imita le garçon et s’assit à côté de lui. Elle examina sa robe, se demandant encore ce qu’elle pourrait en tirer afin de savoir d’où elle venait. Elle avait un pays, certes. Mais c’était une vaste zone à investiguer et, qui plus est, elle ne se trouvait pas dans le bon.
— Tu as vu, celui-là ! lança Minos. On dirait un radis !
Maya leva les yeux au ciel et observa le nuage que le petit garçon désignait. Elle ne voyait pas en quoi ce dernier pouvait se rapporter à un légume, mais difficile de le lui faire remarquer.
Alors que le petit garçon s'imaginait d'autres objets dans le ciel, un sac en toile atterrit juste à leurs pieds. Maya sursauta tandis que Minos se contentait de tourner la tête derrière eux. C’était Rhadamanthe, son frère, qui s’était approché par derrière.
— Salut Rha-Rha ! lança-t-il joyeusement en s’appuyant sur ses coudes.
— Salut, Minus ! répondit-il, provoquant une grimace sur le visage de son petit frère. J’ai fini mon boulot, alors je me suis dit que j’allais venir t’aider.
— Comme tu veux, répliqua Minos en regardant dans le sac. C’est quoi ?
— La nourriture des régusans, je suis censé le rapporter à l’atelier, je le ferai en repassant tout à l’heure.
Rhadamanthe était à peine arrivé qu’il était déjà couché contre le même arbre, dos à Minos. Il déposa son chapeau contre son visage et entama immédiatement une sieste.
— Normalement, c’est compliqué de garder les advouquetins, dit Minos en voyant le regard consterné de Maya. Mais comme j’ai appris à Pan à faire le travail, c’est pas si dur pour moi ! Et Rha-Rha, il aime bien dormir alors s’il a fini son travail, il dit qu’il vient m’aider pour faire la sieste. Papa et maman savent pas que Pan m’aide déjà beaucoup.
— C’est surtout grâce à ton don, Minus, ajouta Rhadamanthe sans bouger.
— C’est vrai, poursuivit Minos en bombant le torse, c’est parce que je suis un nompteur !
— Dompteur.
— Oui, c’est ce que j’ai dit, patate !
— En gros, ça veut dire que Minos peut parler aux animaux, expliqua Rhadamanthe en voyant l’expression complètement perdue de Maya. Une fois qu’il touche un animal, celui-ci comprend les paroles de Minos, et inversement, Minos comprend ou presque ce que pensent les bestioles. C’est un don de naissance. La plupart de la population en est incapable.
Maya adressa un regard impressionné au petit berger. Cela expliquait la facilité qu’il avait de diriger Pan. Le jeune garçon voyant qu’il avait toute son attention, raconta plusieurs petites histoires qu’il avait vécues en compagnie des animaux de l’exploitation.
Le temps passa et un silence gênant, juste ponctué des ronflements de Rhadamanthe, s’instaura. Maya n’était pas douée pour la conversation, à son plus grand malheur. Finalement, Minos se releva. Il promena son regard par terre et ramassa un bâton. Il appela Pan qui se précipita vers lui. Minos lança la branche plus loin et l’advouquetin courut après pour le ramasser et le ramener à son maitre. Le petit berger répéta l’opération sous les yeux de Maya, amusée. Puis, soudain, il lança le bâton vers elle. Surprise, elle le rattrapa au vol, presque par réflexe. Elle regretta en apercevant Pan courir dans sa direction et projeta la branche à sa droite en vitesse. L’animal bifurqua immédiatement pour la suivre et Minos éclata de rire.
— Si tu voyais ta tête, haha ! s’exclama-t-il en se tenant les côtes.
Maya fronça les sourcils d’un air agacée. De ce fait, elle aperçut par terre une autre branche. Alors que Pan était en train de défiler fièrement avec le premier bâton en bouche, elle ramassa le second et l’expédia aux pieds de Minos. Il n’en fallut pas plus pour que l’animal lâche sa proie et se précipite vers la nouvelle. Le petit garçon eut juste le temps de se jeter sur le côté pour éviter la collision !
— Hey, c’est pas drôle ! lança-t-il de par terre d’une voix qui disait tout le contraire.
Ils jouèrent ainsi ensemble pendant environ deux petites heures. Comme le troupeau finit de paitre, il fut temps de rentrer tout ce petit monde à l’intérieur. Revenus au bercail, Minos expliqua à Maya comment brosser chaque animal afin que leur toison reste la plus blanche possible. C’était une après-midi remplie d’apprentissage, mais aussi de jeux, qui se terminait.
Annotations
Versions