Au quotidien

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 Quand ils rentrèrent à la maisonnée des Bernardonne, le souper était déjà servi : une soupe de légumes suivie d’un choix de produits maisons, entre charcuteries et fromages, accompagné de pain encore chaud. Un repas tout en simplicité qui plut énormément à la jeune muette. On lui posa des questions sur sa journée, auxquelles elle répondit en hochant la tête et avec l’aide de Minos. Bien sûr, les deux garçons comptaient sur elle pour ne pas vendre la mèche à propos de leurs siestes lors de la surveillance des advouquetins.

 Comme à midi, seul Bernardo fut de piètre compagnie. Il se permit de nouveaux quelques piques acerbes à l’encontre de leur invitée. Mais Maya feignit l’ignorance, ce qui avait l’air de mieux fonctionner que les vives réactions de Clarisse ou de Pietro. Du reste, chacun y alla de ses petites anecdotes du jour. L’occasion de confirmer à quel point Andromaque était passionnée par ses chevaux ou d’apprendre comment Pietro récoltait les céréales à l’aide d’une charrette spécialement équipée.

 En cours de discussion, Europe fit remarquer que Maya faisait machinalement une petite grimace en pliant le bras. La première concernée ne s’en était pas vraiment rendue compte. Un examen rapide de son bras lui apprit qu’elle s'était brûlée. Aussitôt Clarisse alla chercher du baume spécial et le lui appliqua.

 — C’est une vieille voisine qui nous fournit en médicaments, expliqua-t-elle en prodiguant les premiers soins. On lui apporte souvent de quoi manger, elle nous remercie avec toutes ses décoctions. Une vraie amoureuse des plantes.

 Maya l’écouta avec intérêt. La mère de famille s’étonnait qu’elle ne se soit pas plainte plus tôt de toutes ces brûlures. Car elle n’en avait pas qu’une seule, elle en était couverte ! À y réfléchir, ce n’était peut-être pas plus mal de n’avoir ressenti aucune gêne vu la quantité d’onguent que Clarisse utilisa.

 Elle rejoignit ensuite le reste de la famille dans le salon. Les deux aïeuls occupaient encore le canapé tandis que Pietro avait prit place dans une chaise à bascule. Il discutait avec son aîné en observant de loin Minos affronter Europe aux échecs. Contre toute attente, Rhadamanthe somnolait et Eurydice en profitait pour le grimer en cachette avec un morceau de charbon. Andromaque, enfin, écrivait dans une liasse de parchemin.

 Maya rejoignit Minos et observa sa partie. Le petit berger était largement dominé par sa grande sœur qui, une fois qu’elle l’eut écrasé, proposa à la muette de l’affronter. Elle lui expliqua des règles que l‘adolescente assimila rapidement. Elle avait pour ainsi dire l’impression de déjà connaitre le jeu. Cependant, cela ne suffit pas à gagner, malgré quelques précieux conseils prodigués en cours de partie par Eurydice. C’est celle-ci qui prit sa place après sa défaite et qui livra la bataille la plus serrée contre son ainée. Finalement, la cadette l’emporta de justesse.

 Comme on se levait tôt le lendemain, tout le monde partit rejoindre les chambres d’un même mouvement. On avait disposé un nouveau tas de paille dans la chambre des filles pour Maya, afin qu’Andromaque récupère le sien. De même, celle-ci lui proposa quelques-uns de ses tenues de travail afin de ne pas plus abimer sa robe bleue à la tâche. Elle avait désormais sa place parmi la famille Bernardonne.

 Les jours suivants ressemblèrent beaucoup au premier, si ce n’est qu’elle devait se lever aux aurores. Avec Minos et Rhadamanthe, ils allaient nourrir les animaux le matin et passaient ensuite faire du jardinage avec Clarisse et Eurydice. Parfois, lorsqu’une bête faisait des siennes, on appelait Minos à l’aide. Son don ne se limitait pas aux advouquetins, il pouvait ainsi comprendre le souci des animaux afin d’y remédier à la source. Puis l’après-midi, ils laissaient paître le troupeau sous la surveillance de Pan. Le caractère de chacun resta fidèle au premier jour et Maya apprit à ne plus écouter le vieux Bernardo.

 Finalement, au bout d’une semaine, Pietro proposa à Maya et Minos de l’accompagner à Leonne. Il s’y rendait chaque semaine pour le marché hebdomadaire. Il leur serait peut-être possible d’enquêter sur place sur les origines de la muette, puisque c’est en revenant de la ville qu’il l’avait découverte dans sa charrette. Hélas, ils avaient été si occupés au stand familial que leur temps de recherche en avait été amoindri. Avec si peu d’indice et une mémoire qui ne se manifestait toujours pas, ils n’avaient pas plus avancé que le premier jour.

 Ce soir-là, une fois allongée sur sa paillasse, Maya songea à sa semaine. Elle avait été riche en tant de points qu’elle n’allait pas tarder à s’endormir. Même si elle était amnésique, même si elle était muette, cette grande famille l’avait accueillie à bras ouvert. Dans son malheur, elle s’imaginait plutôt chanceuse. Beaucoup de questions restaient en suspens, certes. Mais si elle devait passer sa vie avec les Bernardonne sans en savoir plus, elle avait la sensation que ça ne la dérangerait pas.

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