Qui a peur du grand méchant loup ?

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 — C’est une morsure de loup, affirma Pietro d’un air sombre. J’en mettrais ma main à couper.

 Minos et Maya étaient revenus aussi vite que possible. Ils s’étaient empressés de rentrer les advouquetins puis ils avaient installé l’animal blessé dans une brouette. Par chance, ils avaient croisé Rhadamanthe qui était allé chercher le père de famille. Son expertise était sans appel, pourtant Minos ne semblait pas convaincu.

 — Il n’y a pas de loups dans le Bois de Styx, souligna-t-il en croisant les bras.

 — Auparavant, il y en avait toute une meute. C’était avant ta naissance. Eaque n’avait pas encore ton âge.

 — Pourquoi il n’y en a plus, alors ? Ils ont méménagés ?

 — Certains peut-être. Les autres, nous les avons tués.

 L’indignation et l’horreur remplacèrent vite l’étonnement sur le visage de Minos. Maya comprenait pourquoi. Le petit berger adorait toutes sortes de créatures. Il lui en avait cité des dizaines, peut-être des centaines. Qu’il s’agisse de prédateur ou d’herbivore placide, ça n’avait pas d’importance pour le dompteur qui rêvait de rencontrer tous les animaux du monde.

 — Mais pourquoi !

 — Tu vois par toi-même ce que ces bêtes font au bétail, Minos, lui répondit calmement Pietro en posant ses mains sur les épaules de son fils. Il était un temps où ils n’hésitaient pas à sortir en meute pour s’en prendre aux domrochs ! Ils représentaient un danger pour nos animaux, mais aussi pour nous… Nous ne pouvions pas cohabiter. C’est comme ça.

 — C’est si dangereux que ça ?

 — En meute, ils le sont. Seul, c’est autre chose, mais tu vois bien ce qu’il a fait comme blessure à ton advouquetin ?

 — Oui mais…, hésita Minos en cherchant ses mots, sans succès.

 — Quoi qu’il en soit, tant que cette bête rôde dans les Bois de Styx, je ne veux plus que tu ailles au verger. Il sortirait et s’en prendrait à toi, tu ne pourrais rien faire, même avec ton don… Mais ne t’inquiète pas, je m’occupe de tout. Je vais en discuter avec les voisins et on organisera la chasse.

 Loin d’être satisfait, Minos resta aussi muet que Maya. Il se contenta de saisir les manches de la brouette pour reconduire l’advouquetin blessée avec ses congénères. Là-bas, il montra à Maya comment soigner la plaie, mais il fut étonnement avare en parole. Cela ne lui ressemblait pas. Il semblait perdu dans ses pensées. Plusieurs fois, Maya le surprit à chuchoter avec Pan. C’était toujours une surprise pour elle de voir l’advouquetin sombre secouer la tête aux paroles du petit berger.

 Après avoir aidé à la récolte du potager, ils se joignirent au reste des Bernardonne pour le repas. On ne discuta que du Bois de Styx ce soir-là. Le vieux Bernardo ne laissa pas filer l’occasion lancer une remarque cinglante sur le travail de Maya, qui se sentit encore plus responsable qu’elle ne l’était déjà. Heureusement, les autres membres de la famille prirent sa défense. Le vieillard se contenta ensuite de remémorer les souvenirs des battues auxquelles il avait autrefois participé, non sans une certaine mélancolie. Pietro passa aussi un long moment à expliquer comment se déroulerait la chasse en coopération avec les autres familles de Lebey, si bien que son assiette était froide lorsqu’il eut enfin terminé.

 Minos désapprouvait la manœuvre, mais il ne le manifesta pas pour autant. Il se contenta de manger d’avantage, se resservant plusieurs fois de viandes et de patates. Ce n’est que vers la fin du repas que la muette remarqua quelque chose de suspect. Le petit garçon profitait de la discussion animée pour glisser discrètement de la nourriture sous la table. Comme elle lui adressait un regard interrogateur, il lui répondit par un sourire, le premier depuis l’incident, et un clin d’œil complice.

 En fin de repas, alors que Maya aidait Clarisse à nettoyer la vaisselle, le berger s’éclipsa dehors, prétextant qu’il prenait des nouvelles de l’animal blessée. Il revint vers eux alors que Maya finissait une partie d’échec contre Europe. Il avait un sourire que la muette connaissait déjà fort bien. L’enfant avait quelque chose derrière la tête. Elle lui aurait bien sorti les vers du nez, mais Pietro déclara l’heure du couché. Lui et Eaque devaient se lever tôt demain pour la battue.

 Recroquevillée sur sa paillasse, Maya eut du mal à s’endormir cette nuit-ci. La jeune fille s’inquiétait pour Minos. Autour d’elle, elle entendait les bruits de respiration des trois filles Bernardonne. Elles plongeaient l’une après l’autre dans un profond sommeil. Finalement, après s’être retournée à plusieurs reprises pour trouver la bonne position, elle les imita. Hélas, alors qu’elle avait le sentiment qu’elle venait tout juste de s’endormir, elle fut réveillée par quelqu’un qui la secouait sans ménagement.

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