L'être de lumière

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 Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Maya se crut d’abord toujours étalée dans le bois de Styx. L’obscurité était omniprésente. Pourtant, pas un bruit, pas de vent. Elle n’avait même pas mal à la tête malgré le coup qu’elle venait de se prendre. Elle se releva comme elle put et, aussitôt, des étoiles apparurent partout autour d’elle. Surprise, elle regarda dans toutes les directions. Les arbres, la végétation, Minos et les animaux, tout avait disparu. À ses pieds, aucune trace de sol et pourtant elle se maintenait debout sur quelque chose. C’était comme si elle se trouvait sur une plaque de verre transparent perdue dans l’espace infini.

 Maya se sentait effrayée, presque oppressée par cet espace étrange et sans logique. Que faisait-elle là ? Était-ce simplement un rêve ? Ou bien le coup sur le front avait-il été si violent ? Était-ce ce qui arrivait lorsqu’on mourrait ?

 Elle fit un pas prudent devant elle, craignant que le sol éclate sous son poids. Rien ne se produisit. Elle tenta quelques enjambées, puis se risqua à courir, sans plus d’effet. Elle essayait de reprendre sa respiration quand une lumière plus vive que les étoiles attira son attention. C’est alors qu’elle le vit.

 Une silhouette humaine se trouvait non loin d’elle. C’était d’elle que provenait cette soudaine lumière qui éclairait cet espace vide. L’être lui tournait le dos, assis en tailleur, le dos courbé. Il se penchait sur quelque chose qu’il gardait caché entre ses mains comme un trésor fabuleux.

 Passée la surprise, Maya se sentit rassurée. Curieuse, elle s’approcha de quelques pas, souhaitant manifester sa présence dans l’espoir d’en apprendre plus sur l’endroit où elle se trouvait. Mais avant qu’elle ait pu l’atteindre, Maya sentit quelque chose d’humide lui lécher le visage. Dans le même temps, la voix de Minos résonna, brisant le silence des lieux, et Maya ressentit une vive douleur sur le haut du crâne. Prise de court, elle ferma les yeux et les rouvrit immédiatement.

 L’être de lumière et les étoiles avaient disparu. À leur place, Minos tenait sa torche et l’observait avec inquiétude tandis que Pan lui léchait affectueusement les joues.

 — Ouf, tu te réveilles ! souffla le berger en baissant les épaules. J’ai eu peur, j’ai cru…

 Il ne termina pas sa phrase et l’aida plutôt à se relever. Maya était de retour dans le Bois de Styx, cela ne faisait plus aucun doute. Elle était bien vivante, en témoignait sa caboche qui lui faisait un mal de chien. Elle se massa le front en se mordant les lèvres. Que diable venait-il de se passer ? Était-ce une hallucination ? Tout lui avait paru si vrai malgré les incohérences…

 — Je ne te voyais pas revenir, je suis désolé, je n’avais pas vu…

 Le petit berger se confondit un instant en excuses qu’elle n’écouta pas vraiment, trop partagée entre ses questions et la douleur. Puis Minos la prit par la main et lui proposa de rentrer.

 — Je l’ai eu, tu sais, lui lança-t-il après quelques pas. J’ai rattrapé le loup. Il était blessé à la patte parce que notre advouquetin s’était défendue. Bref, mission accomplie ! Je lui ai fait comprendre qu’il devait à tout prix rester caché et quitter les bois dès que possible. J’espère qu’il m’aura bien écouté…

 Le chemin du retour parut extrêmement court à Maya. Minos était ravi d’avoir rencontré le loup et d’être parvenu à lui faire passer le message. Encore fallait-il qu’il écoute ses conseils. Mais à leur retour aux étables, ils eurent la surprise de tomber sur Rhadamanthe qui sortait justement du bâtiment, un lourd sac sur les épaules.

 — Rha-rha ? s’étonna Minos. Mais qu’est-ce que tu fais ici ?

 — J’allais te poser la même question, Minus. T’as vu l’heure ?

 — Mais, et toi alors ? Et c’est quoi dans le sac ?

 — Hum, ça ne te regarde pas…, bredouilla son frère en le fuyant du regard. Et vous, qu’est-ce que vous faisiez ? Ne me dites pas que vous revenez du Bois de Styx !

 — Si ! lança fièrement le petit berger en mettant ses poings sur les hanches. On a trouvé le loup et on l’a prévenu pour la chasse !

 Maya plaqua la paume de sa main contre son visage, à la fois par dépit et parce qu’elle avait encore très mal. Le grand frère de Minos le regardait avec de grands yeux, abasourdi. Il chercha confirmation chez Maya qui acquiesça lentement, angoissée à l’idée d’être vue comme responsable si le reste de la famille l’apprenait.

 — Wha, mais il s’est passé quoi, dans les bois ? demanda-t-il en déposant son sac par terre pour mieux observer le crâne de Maya.

 — Je crois qu’elle s’est prise une branche…

 — Aie, ça sent le bleu, et pas le bleu maya cette fois… Venez, faut qu’on soigne ça, en croisant les doigts pour que ça suffise.

 Il abandonna là son sac et, tandis que Minos allait remettre Pan avec les autres ovins, il rentra dans la maisonnée en compagnie de Maya pour lui prodiguer les premiers soins. La pâte qu’il lui étala contre le front était étonnement froide. Il lui demanda de se masser elle-même tandis qu’il examinait le reste de leur pharmacie. Il lui donna aussi une baie séchée en guise d’anti-douleur. L’ayant remercié en gestes, Maya allait remonter se coucher quand Minos revint de l’extérieur.

 — Rha-rha, dis, pourquoi tu as mis toute cette nourriture dans le sac ?

 Evidemment, le berger en avait profité pour jeter un coup d’œil. Rhadamanthe paraissait très embêté d’avoir été pris sur le fait.

 — Ecoute, Minos. C’est compliqué… Tu me promets de ne rien dire aux autres ?

 — Juré, et même craché, si tu veux !

 — On va éviter dans la cuisine… Bon, voilà, en fait, j’aide notre voisin, Mr Eburio.

 — M’sieur Eburio ? Mais, c’est pas lui qui est débolutionnaire ?

 — Révolutionnaire, Minos. Et… si, c’est lui. Mais je t’expliquerai tout une autre fois. Va au lit, maintenant, et soyez discrets !

 Il refusa d’en dire plus et s’éclipsa sans plus attendre. Comme Minos baillait, Maya lui fit signe de monter au lit. Une fois allongée dans sa paillasse, la douleur s’atténuant de minutes en minutes, Maya resongea à ce qu’elle avait vu. Cependant, n’ayant aucune explication à fournir, et pas la moindre hypothèse non plus, elle décida de le garder pour elle. Ce n’était peut-être qu’un drôle de rêve dû à se cervelle secouée. Ou un début de folie, auquel cas il valait mieux ne pas faire de vagues.

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