Les bandits

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 Maya se réveilla en sursaut un peu plus tard. Combien de temps avait-elle dormi ? Elle n’en avait aucune idée mais sa position bien inconfortable lui avait laissé plein de courbatures en souvenirs. La muette se releva avec difficulté et balaya d’un revers de la main les feuilles qui lui étaient tombées dessus. Un craquement de brindille attira alors son regard. C’est là qu’elle le vit.

 Un loup. Très certainement le même que ce fameux soir. Il la fixait de ses grands yeux jaunes. Il ne lui avait pas paru si grand, cette nuit-là. Ou bien est-ce parce qu’elle se retrouvait toute seule en sa compagnie que l’animal l’intimidait tant ? L’adolescente s’était figée. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Sa fuite devait-elle se terminer aussi vite ?

 Mais non, le prédateur ne se jeta pas sur elle comme sur un lapin. Au contraire, après l’avoir longuement observée, il se détourna et revint d’où il venait. Maya baissa les épaules, d’abord rassurée, avant d’en venir à une nouvelle hypothèse. Et si c’était Minos qui l’avait envoyé à sa recherche ? Si c’était le cas, elle ne devait surtout pas trainer !

 Aussitôt elle prit la direction opposée. Sa caisse et son sac de jute sur le dos, elle avança d’un pas rapide, maugréant en silence contre son sommeil qui lui avait sûrement fait perdre de précieuses heures. Toute l’avance qu’elle avait glanée en partant de nuit était peut-être déjà perdue ! Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua pas les branchages disposés au sol de manière bien singulière. Or, quand elle posa un pied dessus, c’est tout son corps qui fut avalé par la terre.

 La muette essaya bien de crier, par réflexe, sans plus de résultat que d’habitude. Ses genoux écorchés en pleine révolte, Maya leva les yeux. Le trou dans lequel elle était tombée faisait deux bons mètres de profondeur. Peut-être s’agissait-il d’un piège de chasseur ? Au moins pouvait-elle s’estimer heureuse qu’aucun pieu n’ait été dissimulé là, sinon quoi elle aurait eu bien plus que quelques égratignures.

 Elle essaya d’abord de sauter pour atteindre les bords du trou, mais il lui manquait une bonne dizaine de centimètres. Devant cet échec, Maya fit la moue et se débarrassa de sa caisse. Quelques sauts plus tard, elle était parvenue à la faire glisser sur le rebord. L’adolescente essaya ensuite d’escalader comme elle pouvait, ses doigts et ses sabots de bois s’enfonçant dans les bords de la fosse. Après quelques tentatives infructueuses, elle parvint enfin à grimper de quelques centimètres, avant de glisser bêtement. Enragée par son échec, elle se releva iet se précipita dans une nouvelle tentative. Cette fois-ci, ce fut la bonne ! Elle parvint enfin à poser un premier coude sur le rebord du piège. Encouragée, elle se hissa pour poser le second et sortir la tête. Victorieuse, elle haleta quelques secondes, avant de remarquer, juste devant elle, quatre grands pieds couverts de bandages sales et malodorants.

 À leur vue, Maya releva lentement la tête pour mieux observer les inconnus. Celui de droite était maigre et l’autre bedonnant. Ils portaient tous deux des vêtements trop courts, sales et troués. En guise de ceinture, ils se contentaient d’une simple cordelette. Malgré leur différence de corpulence, ils avaient comme un air de famille dans le visage, notamment un nez épaté et de tous petits yeux plissés. Leurs cheveux sales devaient être blonds à l’origine. La seule vraie différence faciale était le double menton du plus gros. Ils l’observaient sans rien dire, presque bouche-bée, avec un air idiot. Manifestement, ils ne s’étaient pas attendus à voir une jeune fille sortir ainsi du sol. Maya aurait pu les trouver drôle s’ils n’avaient pas été armés de pieux et d’une hache rouillée.

 Après quelques secondes à l’observer sans bouger, les deux gaillards lâchèrent leurs outils pour l’aider à sortir du trou. Chacun attrapa un bras et ils la soulevèrent comme si elle avait été remplie de plumes.

 — Voilà, madame, d’solé pour l'trou.

 — C’était pour attraper l’biche, mais ça marche pas bien. Qu’est-ce qu’une fille comme vous fait ici dans l’bois d’si tôt ?

 Maya souffla un coup, rassurée. Ces deux-là ne semblaient pas hostiles, au contraire. Par contre, ils ne paraissaient pas très malins, elle devait donc commencer par leur expliquer qu’elle ne pouvait parler. Elle mima alors une prise de parole puis tourna la tête de gauche à droite en agitant l’index. Devant leurs grimaces hébétées, elle recommença, plusieurs fois. Sans que le moindre éclair de génie ne traverse leurs pupilles.

 — Pourquoi qu’elle bouge comme ça ?
 — J’sais pas. Le chef devrait comprendre, non ?
 — Ouais, l’chef, c’est un malin ! On lui amène !

 Sans lui demander son avis, ils l’attrapèrent de nouveau par les bras. Surprise, elle tenta d’abord de se libérer, en vain. Ils étaient peut-être idiots, mais fort comme des domrochs. De leur bras vacant, ils récupérèrent leurs outils et les affaires de Maya avant de repartir tranquillement. La muette, quant à elle, cessa vite de gigoter. C’était manifestement inutile.

 Après quelques instants, ils arrivèrent à une petite clairière. Maya y compta cinq cabanes en bois qui sortaient maladroitement du sol. Quatre hommes attendaient près d’un feu de camp. Ils étaient occupés à tailler des bâtons ou à éplucher des légumes, arborant le même type de vêtement mal entretenu que les deux hommes qui la transportaient. De nombreux outils étaient entreposés en un tas chaotique sur le côté. Enfin, elle remarqua plusieurs hamacs entre les arbres. L’un d’eux était même occupé, à en entendre les ronflements tonitruants qui s’en échappaient. Ses deux porteurs se dirigèrent machinalement vers la bande qui ne remarqua leur présence qu’arrivés à leur hauteur.

 — Qu’est-c’est qu’vous nous avez ram’né ?
 — C’qui ?
 — Bha, on s’pas, répondit le bedonnant en déposant Maya devant eux. Elle était dans l’trou de l’chasse.
 — Han, c’était point l’biche ?
 — Déception...
 — Bheu, non, elle est tombée dedans.
 — Et elle a mal ?
 — Quoi ? Bhaaa…
 — Pourquoi qu’vous la portez ?
 — Interrogation !
 — Vous avez mal mad’moiselle ? demanda le mince.
 — C’est ça que c’est que vous vouliez nous dire, tantôt ?

 Bien sûr, Maya ne répondit pas. Elle venait de comprendre à qui elle avait à faire. C’était eux, les fameux bandits auto-proclamés du bois de Styx. Si les rumeurs disaient vraies, ils ne lui feraient pas de mal. Mais leur faire comprendre quoi que ce soit serait une autre paire de manche…

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