Chapitre 1

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Quand Lisa Andrieux poussa la porte du bureau du détective privé Mélinda Vays, ce fut avec une certaine appréhension. Elle avait entendu parler de celle-ci par une amie qui avait déjà fait appel à ses services, mais elle n'avait jamais imaginé qu'elle serait un jour assise en face d'elle, et surtout, en train de lui demander de fouiller dans la vie de son petit ami.

La détective Vays, une femme d'une trentaine d'années au visage impassible, la regarda par-dessus ses lunettes. Elle n'avait pas un gabarit impressionnant, mais son regard suffisait à intimider. C’était la couleur de ses yeux qui renforçait cet effet. Ils étaient vairons : vert à droite et violet à gauche. Lisa ne savait pas trop comment entamer la conversation, et s'essaya donc dans un style un peu simpliste mais direct.

« Bonjour, je me présente : Lisa Andrieux. Je viens vous voir parce que j'aimerais enquêter sur mon compagnon. »

La détective eut un sourire amusé, et hocha la tête.

« Bonjour, Mélinda Vays. En général, les clients passent une bonne dizaine de minutes à tourner autour du pot, avant de me dire exactement ce qu’ils veulent. Vous êtes une exception. Cela dit, expliquez-moi la situation. »

Lisa prit une grande inspiration, et commença à raconter son histoire. Elle avait rencontré son compagnon, Paul, dans un café, une dizaine de mois auparavant. Ils avaient tout de suite accroché et commencé à sortir ensemble au bout de quelques jours. Elle avait depuis peu fêté ses vingt ans, et Paul avait dix-sept ans de plus qu'elle. Tous deux n'avaient pas considéré cet écart d’âge comme un obstacle. Et de toute manière, cela ne les avait pas empêchés de tomber amoureux l'un de l'autre.

« Tout se passe bien dans notre couple. On envisage même d’emménager ensemble dans les prochains mois, mais il y a une chose qui me tracasse. Paul est souvent en déplacement à cause de son travail, et souvent pour trois ou quatre jours. C’est son métier, je comprends. Mais voilà, ça va vous paraître ridicule peut-être mais je voudrais me rassurer. Je voudrais être sûre que je peux m’engager. Je ne crois pas qu'il me trompe, mais je veux être confiante sur le fait qu'il ne cache pas quelque chose d'autre. »

La détective écoutait attentivement, prenant des notes au fur et à mesure que Lisa parlait.

« Je comprends, dit-elle enfin. Quel est le métier de votre compagnon ? »

Lisa répondit qu'il était commercial dans le domaine des équipements de chauffage. Il voyageait souvent pour rencontrer ses clients. C’était généralement pour de gros contrats en France et à l’étranger.

« Je vais avoir besoin de plus de détails sur ses déplacements, ses horaires de travail, ses habitudes... Tout cela pourra nous aider à savoir s'il a quelque chose à cacher.

— Et si vous trouvez quelque chose ? » demanda Lisa.

La détective la regarda droit dans les yeux.

« Si je trouve quelque chose, je vous le dirai. Mais il est important que vous sachiez que parfois, la vérité peut être difficile à entendre. »

Lisa savait que la détective avait raison. Elle était prête à affronter la vérité, quelle qu'elle soit. La détective guetta l’acquiescement de Lisa avant de poursuivre.

« Je vais prendre votre affaire, Lisa. Vous permettez que je vous appelle ainsi ? »

Lisa hocha la tête. La détective l'avait appelée instinctivement par son prénom, sûrement du fait de leur différence d'âge. Elle n'allait pas lui en tenir rigueur. Cet élément posé, la détective poursuivit :

« Je tiens à vous expliquer ma démarche. Nous allons d'abord faire une enquête classique pour rassembler une base d'éléments qui pourront servir de critères de décision. On saura ainsi s'il convient de poursuivre les investigations et si oui, lesquelles : filature à pied ou en voiture, par exemple, pour suivre Paul dans ses déplacements. D’autres options sont possibles, mais pour l’instant, on va tabler sur de la prestation standard de surveillance et de vérification d’antécédents, les plus courantes dans ce genre de situation. »

Lisa acquiesça de la tête, soulagée que la détective soit prête à l'aider. Elle avait craint que celle-ci se moque d’elle, ou qu’a minima, elle lui dise que ses préoccupations étaient ridicules.

« Cependant, je dois vous prévenir que cela peut vite chiffrer au niveau des honoraires. Il vaut donc mieux procéder par étape, afin de ne pas vous faire dépenser inutilement de l'argent. »

Lisa ne pouvait être qu’en accord sur ce point. Mais elle n’était pas naïve : elle savait que la vérité avait un prix, et elle était prête à payer pour être sûre que Paul était sincère avec elle.

« Je vous fais confiance. » dit-elle.

La détective lui sourit en lui tendant une liasse de feuilles imprimées qu’elle sortit d’un des tiroirs de son bureau.

« Ceci est un contrat standard. Il résume ce que l’on vient de se dire, sans l’objet de votre demande bien sûr. Je ne produis aucun document écrit explicite sans demande expresse du client. La discrétion étant en général le maître mot, je ne laisse rien traîner qui puisse laisser une trace, exception faite de ce contrat. Il faut bien un minimum de formalisation. Cela évite les malentendus ou les litiges quant au déroulement de la prestation. Je vous laisse lire, parapher chaque feuillet, plus date et signature sur la dernière page avec la mention classique : lu et approuvé. »

Lisa prit les feuilles mais ne prit pas le temps de les lire. Elle intuitait qu’elle pouvait faire confiance à cette professionnelle.

« Cela fait longtemps que vous êtes dans ce métier ? demanda-t-elle par curiosité.

— Toute seule ? Cela fait un an, presque jour pour jour, mais sinon, sept ans en comptant la période où je travaillais avec mon ancien associé. Il est parti à la retraite. Même avant cela, je travaillais avec lui. J’étais une sorte d’assistante, secrétaire multifonctions. C’est pendant cette période que j’ai appris les ficelles du métier.

— Vous devez être douée alors, lança Lisa d’un ton rêveur.

— Je me débrouille. Je vous tiendrai informée de l'avancée de l'enquête. »

Lisa quitta le bureau de détective privé, soulagée puisqu’elle avait désormais véritablement la sensation d'avoir pris les choses en main. Elle ne savait pas si la route serait longue et difficile ou pas, mais elle était déterminée à connaître la vérité si tant est qu'il y en eut une. Avec la détective à ses côtés, elle savait qu'elle avait une chance de le découvrir.

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