2-2 Un réveil difficile

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     Lorsqu’il ouvrit les yeux, de lourdes chaînes reliaient ses chevilles à un anneau solidement rivé au mur. Il était allongé nu, sur un sol pavé recouvert de paille et zébré par les ombres diffuses d’une série de barreaux. Sa gorge sèche se manifesta alors qu’il découvrait un pichet d’eau posé à côté de lui. Il le saisit avidement avant de brusquement se raviser malgré son esprit brumeux, alerté par les conditions de son arrivée en ces lieux. Il commença à en renifler le suspicieux contenu.

  • C’est pas drogué, tu peux y aller, dit une voix fatiguée dans son dos.

     Agacé d’être sans cesse pris par surprise mais encore assommé par la drogue, il se retourna mollement pour découvrir qu’il partageait sa cellule avec un mendiant de sa connaissance. Le prénommé Alh avait disparu des rues depuis plusieurs semaines et le Boiteux le pensait parti vers de nouveaux horizons ou mort. Peut-être la mort aurait-elle été un sort préférable. Dans un état de faiblesse alarmant, le malheureux était entravé et dévêtu lui aussi, sa nudité dévoilait une maigreur extrême et un corps couvert de stigmates. Les cernes violets sous ses yeux ternes, son nez déformé par plusieurs fractures et sa bouche édentée étaient encadrés par une couronne clairsemée de cheveux longs et sales. Le Boiteux voulu se rapprocher de lui mais la longueur des chaînes empêchait tout contact entre les deux compagnons de cellule.

  • Qu’est-ce qui se passe ? On est où là ? Demanda le Boiteux la voix pâteuse.
  • En enfer je crois, répondit Alh péniblement.
  • Dans l’antre du mal, ajouta une voix rocailleuse dans la cellule en face.
  • Ce qui se passe, c’est que t’es dans la merde mon gars, renchérit une autre voix provenant d’une geôle plus loin dans le couloir, nous sommes des sujets d’expérience comme dit cet enculé de Lurz.
  • Lurz nous endort et fait des trucs sur nous, crois moi, on n’en réchappe pas, expliqua tristement Alh.

     Ses sens redevenant peu à peu alertes, le Boiteux prenait lentement conscience de son environnement. Les lieux étaient dépourvus d’ouverture sur l’extérieur, pas la moindre brèche qui lui aurait permis de se situer dans le temps, était-ce le matin ou le soir, depuis combien de temps était-il enfermé, aucun moyen de le savoir. Disposées le long du couloir entre les cellules, deux rangées de torches peinaient à dissiper la poisseuse pénombre. L’obscurité semblait suinter des murs de pierres et noyait les cachots dans un clair-obscur sordide. Le couloir donnait, d’un côté, sur un escalier coudé menant à l’étage et, de l’autre, sur une lourde porte en bois qui ouvrait sur une pièce inconnue. Des râles lugubres rampaient entre les barreaux parmis les fragrances de mort et de drogues diverses. Le Boiteux sanglotait, prostré dans sa cellule, lorsque la porte de l’étage s’ouvrit et que des bruits de pas descendirent les escaliers. Lurz s’arrêta devant sa cellule, sa haute silhouette se découpant à travers les barreaux. Il n’était plus vêtu de haillons comme lors de leur rencontre mais sa tenue restait sobre, il avait un masque en tissu cachant le bas de son visage dépourvu de barbe, une chemise blanche lacée au col, des chausses bleues descendant sous les genoux et une ceinture de cuir marron soutenant des poches de différentes tailles aux contenus incertains. Il avait à la main une tablette de bois sur laquelle était cloué un parchemin, avec un fusain, il commença à noter : Description Sujet 87 : cheveux noirs, yeux marron, peau claire. Handicap à la jambe gauche, malformation ou accident. Amnésie suite à une altercation il y a plusieurs années. Contusions multiples au visage et corps parsemé d’ecchymoses (altercation le matin précédant le prélèvement). Malnutrition manifeste. Aucune maladie visible. Débrouillard et craintif (à surveiller). Observations jour 1 : Sujet 87 réveillé après cinq heures au lieu des sept heures attendues. Bonne résistance à la Composition Soporifique 7. Semble connaître Sujet 85, changement de cellule impératif après la première séance.

  • Libérez-moi, s'il-vous-plaît, implora piteusement le Boiteux, je vous jure de ne rien dire à personne.
  • Vous m’en voyez navré mais il m’est impossible de vous relâcher, répondit posément Lurz sans lui accorder un regard.

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