Comportements, habitudes et sensations à la sauce autistique

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Comme toute personne autiste, j’ai des manies et des comportements que les personnes « neuro-typiques » peuvent qualifier de bizarre, ridicules ou idiots. En réalité, ce sont de réels besoins pour moi afin de dégager mon anxiété et me reposer après des journées difficiles ou exigeantes. Même si je suis adulte et que la plupart de mes mauvaises habitudes sont disparues, j’ai encore des traits typiquement autistiques, même si cela ne paraît pas beaucoup.

Le toucher est un sens que j’ai parfois de la difficulté à comprendre. Certaines sensations me font très mal ou encore, je ne ressens pas de douleur ou d’inconfort dans une situation quelconque. Durant l’été de mes onze ans, j’ai fait un tour de moto avec mon père à Saint-Côme dans la région de Lanaudière. Comme c’était la première année que je montais sur une motocyclette, je n’étais pas habituée d’embarquer et de descendre de l’appareil. Par mégarde, lors d’un arrêt, j’ai débarqué sur le côté droit alors qu’il fallait le faire sur le côté gauche. Sur le coup, j’ai senti une sensation désagréable mais au lieu de m’arrêter et de voir si j’étais blessée, je suis restée sur la moto sans rien dire. C’est lors de mon retour à la maison que j’ai constaté que je me suis bel et bien brûlé une partie de mon mollet droit. La plaie était comme une cloche d’eau et j’ai soignée cette dernière à la crème antibiotique durant une semaine de façon intensive. Malgré cela, la cicatrice est toujours restée sur ma peau. Depuis ce jour, je suis plus vigilante lors de mes randonnées en moto et au quotidien lors de mes déplacements.

Quand j’étais toute petite, je n’aimais pas beaucoup certaines consultations chez des professionnels de la santé comme aller chez le dentiste ou voir l’infirmière pour les vaccins de routine. À quatre ans, je n’ai pu aller à mon premier rendez-vous dentaire puisque le masque du dentiste me faisait peur. Je ne savais pas non plus ce que le dentiste allait faire. Ma mère m’a rassurée en me disant que le dentiste ne faisait pas mal et qu’il faisait seulement examiner ma bouche. Un an plus tard, je suis retournée chez le dentiste pour passer un vrai examen, cela avec succès.

Je n’ai pas pleuré et le spécialiste de la bouche est allé lentement pour que tout se passe bien. Même si je suis capable de me faire manipuler la bouche, il est difficile pour moi de garder toujours la bouche ouverte et d’endurer certains outils dentaires comme la curette pour enlever le tartre.

Comme autre trait autiste, je fais preuve de rigidité et d’habitudes particulières à ma personne. Le soir, j’aime me réfugier dans mon salon privé pour visionner mes émissions favorites ou des films que j’aime beaucoup. Même si je fais de nouvelles découvertes régulièrement, j’écoute une série ou un film plusieurs fois sans que j’en aie assez mais sans en être obsédée. Il m’arrive aussi de me planifier des routines dans toutes sortes d’occasions, comme lors d’une soirée cinéma personnelle, lors d’un séjour chez ma sœur Eugénie ou quand mon amie Kim vient me rendre visite. Si l’un de mes proches n’apprécie pas ma planification soit pour le choix de la sortie, du film ou de l’activité proposé (e), il m’arrive d’être contrarié de ne pas faire ce que je voulais faire. C’était extrêmement difficile au début mais un jour, je me suis dit : dans la vie, il faut s’adapter, c’est l’un des principes de la biologie pour chaque être vivant. Moi, qui adore cette science, j’ai pris en considération cette importante réalité.

J

e ressens parfois de la colère intérieure quand quelque chose ne me plait pas, soit quand je suis déçue de moi ou quand il arrive un imprévu. J’ai souvent tendance à m’excuser pour réparer ma faute mais il faut que je travaille certains de mes côtés pour que je me sente bien. Je ne fais plus de crises de colère mais il m’arrive d’hausser le ton ou de perdre patience pour libérer ma rage et d’imposer mes limites. C’est également un vilain défaut dont il m’arrive de m’en vouloir mais j’essaie de me corriger le plus possible en prenant des postures de yoga et en ayant des pensées apaisantes. Heureusement que cela ne se produit pas souvent.

Pendant de nombreuses années, j'avais l'habitude de toucher tous les livres que je lisais parce que cela me faisait du bien et cela m'aidait pour que je me dégage de mon anxiété. Cela m'a pris du temps avant d'arrêter et en me regardant, les gens me trouvaient très bizarre donc je fus la cible de moqueries.

Je vais vous expliquer comment je réussis à surmonter les obstacles dans les conversations. Dans mon cas, c’est encore difficile ! J’y vais au jour le jour!

Comme exemple de ma difficulté à faire des liens d’associations;

À quinze ans, j’avais ma première rencontre de vaccination pour le cancer du papillome humain. Au début de la consultation, l’infirmière m’a demandé si c’était le premier vaccin que je recevais. Ne sachant pas si c’était de mon premier vaccin à vie ou le premier vaccin contre le VPH (virus du papillome humain) que l’infirmière voulait parler, je ne savais pas quoi répondre. J’ai figé car l’infirmière n’a pas été assez précise dans sa formulation de question. C’est ce genre de lien d’association qui complique ma communication avec les autres. Heureusement, ma mère qui m’accompagnait a répondu que c’était ma première dose d’injection pour ce vaccin. C’était pourtant évident comme question, mais pas pour moi!

La capacité à faire des liens d’associations est une composante majeure de l’interaction. Sans elle, notre faculté à se débrouiller et à bien communiquer est très problématique.

Je vais aborder le sujet en vous expliquant comment je traite les différentes informations au niveau de la communication, de la lecture et de certaines situations quotidiennes. Il est important de noter que les autistes pensent toutes de manières différentes, le texte qui suit se veut un petit clin d’œil bien personnel.

Premièrement, j’ai de la difficulté à comprendre l’abstraction. Soit à la lecture d’un texte ou en communicant.

Quand je fréquentais l’école primaire, j’avais souvent de mauvaises notes en compréhension littéraire parce que je ne comprenais pas la majorité du texte. Ce n’était pas facile pour moi de répondre aux questions d'évaluation. Il fallait non seulement que je me relise pour chercher mes réponses mais aussi, il fallait que je fasse des liens pour pouvoir les trouver. Au fil des années, je me suis améliorée en lisant plus de livres et en discutant de mes lectures avec mes parents. Lors de mon séjour à l’école des adultes, j’avais de meilleures notes mais je ressentais encore de la difficulté, surtout dans les textes narratifs. J’ai plus de facilité à comprendre les textes informatifs parce qu’on nous pose des questions sur des données spécifiques (ce que je maitrise bien) et non sur des situations où il faut faire justement des liens et comprendre parfaitement ce qui se passe.

Comme autre trait, l’anxiété est considérée comme mon pire ennemi parce que j’ai beaucoup de difficulté à le gérer et comme je suis autiste, c’est encore plus compliqué.

Quand je suis anxieuse, je ne suis plus moi-même. Il m’arrive de paniquer, bégayer et d’être renfermé sur moi-même. Voici comment se déroule mon quotidien avec ce parasite qui empoisonne parfois mon moral.

Comme je l'ai dit plus tôt, l’anxiété est la principale raison du fait que j’ai arrêté mes études. Même si je réussissais mes apprentissages et que j’aimais être avec les autres élèves, c’était les examens qui me faisaient le plus peur. La pression pour l’étude ainsi que l’inquiétude d’échouer mes examens faisaient augmenter mon anxiété. Au fait, c’est quand je suis le plus en contact avec mon environnement que le stress monte chez moi. C’est pour cela que j’ai le plus souvent besoin de repos après un moment stimulant soit une course à l’extérieur ou mon bénévolat à la bibliothèque.

C’est depuis environ deux ans que l’anxiété a pris une place plus grande dans mon esprit, dû au fait que la pandémie a chamboulé mon quotidien. Ma routine a été interrompue et je n’avais plus de contact social. Avec le temps, cela a donné lieu à des crises d’anxiété que je ne pensais pas avoir dans ma vie. Je n’arrivais pas à maîtriser mes émotions et je ne dormais plus. Ce qui m’a permis de mieux le contrôler est l’écriture de mes pensées dans un journal, le visionnement de mes émissions préférées, prendre un bain et le soutien de personnes importantes dans ma vie. Même si elle fait partie intégrante de ma vie, j’essaie de gérer mon anxiété le mieux possible.

Finalement, l’empathie demeure un sujet particulier pour moi parce qu’il faut penser au sentiment de l’autre, ce qui n’est pas facile pour beaucoup d’autres personnes.

Souvent, je me mets dans la peau de quelqu’un qui se sent mal mais d’autres fois, il m’arrive de penser qu’à moi et ne pas prendre en considération l’émotion de l’autre personne. Par exemple quand ma grand-mère maternelle est décédée des années plus tôt, il y avait une pièce de théâtre que je voulais voir la veille des funérailles qui s’intitulait « La reine Margot ». Même si j’étais triste, je n’ai pas pris conscience que ma mère voulait vivre son deuil avec nous tous sans vouloir faire de sorties. Je comprenais qu’elle était très triste. Cette dernière m’a d’ailleurs expliquée que je pouvais voir une pièce plusieurs fois tandis qu’un être cher, ne meurt qu’une seule fois. C’est alors que j’ai pris conscience qu’il faut prioriser la famille au désir de faire quelque chose, ce qui est une de mes valeurs aujourd’hui.

Maintenant, je comprends la majorité des émotions chez les gens qui m’entourent mais il me reste beaucoup d’autres choses à apprendre.

Malgré mes comportements autistiques, je n’ai pas honte de mon état et je suis fière de pouvoir améliorer mes faiblesses au fil du temps. Après tout, on est autiste ou on ne l’est pas.

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