Chapitre 3

4 minutes de lecture

Carpe Diem - Unswabbed

(celle-là, je pense que peu de gens vont l’aimer, mais elle colle bien au thème du chapitre !)

Dix heures du matin, lundi.

Antoine aurait dû être en cours de maths, les yeux à moitié fermés, en train de recopier machinalement les hiéroglyphes que le prof écrivait au tableau, sans chercher à les comprendre. Au lieu de cela, il se baladait tranquillement dans la rue, les écouteurs vissés dans les oreilles et la musique à fond, un grand sourire dessiné sur les lèvres.

C’était son petit rituel pour bien commencer la semaine. Il se rendait à dix heures pétantes dans un café pas loin de chez lui, s’asseyait au comptoir sur le même tabouret usé, et commandait une tasse de café serré ainsi qu’un chocolat chaud et un croissant.

Un vieil homme sirotait un jus d’orange devant un journal à côté de la place où il était assis. Celui-ci n’avait pas bougé la tête depuis qu’il était arrivé, entièrement concentré sur sa lecture. Soudain, lorsqu’il termina son verre, il ferma son journal, le plia et le rangea dans la poche de son manteau. Il se retourna vers Antoine, puis leva légèrement son bras pour jeter un coup d’oeil à la Rolex qui se trouvait sur son poignet.

– T’es en retard, aujourd’hui.

Un grand sourire illumina le visage d’Antoine.

– T’inquiète pas, le vieux, répondit-il en riant, pour ma mort je serai pile à l’heure !

Il lui tendit une main que Roland se fit un plaisir de broyer avec vigueur, malgré ses quatre-vingts ans.

– J’ai hâte d’être là pour ça.

– J’en doute, tu seras déjà mort avant, Papy. D’ailleurs, t’as moins de poigne depuis la semaine dernière. Ça doit être l’arthrose.

Toujours les mêmes blagues chaque semaine, et toujours les mêmes éclats de rire francs et bruyants, qui faisaient que tout le café se retournait vers eux, et que les passants dans la rue les regardaient en fronçant les sourcils.

Roland était touché par un cancer du côlon. Il n’avait pas de famille, pas d’amis, et refusait de finir ses jours dans un hôpital. Il avait décidé que, le jour où il sentirait qu’il ne pourrait plus rire, il mettrait lui-même fin à ses jours. De toute façon, les médecins lui avaient dit que c’était une question de mois.

Tous deux avaient la mort en face des yeux, qui les guettait et cherchait à les hanter à chaque seconde de leur vie. Mais plutôt que de la fuir ou d’essayer de la combattre, ils avaient décidé de la regarder en face, de l’accepter et d’en rire. Plus qu’une relation entre un grand-père et son petit-fils, c’étaient deux amis qui ne pouvaient se comprendre qu’entre eux et qui comptaient traverser cette épreuve avec panache.

Et quand il devenait trop difficile de garder la tête haute, d’oublier les cauchemars et de retenir ses larmes, chacun était là pour l’autre, pour lui redonner de la force.

– Alors, ta soirée d’anniversaire ? lança Roland.

– C’était incroyable, répondit Antoine, la bouche pleine du croissant. Dis-toi que le lendemain, y a un mec que j’avais jamais vu avant, un pote de Sacha, qui s’est retrouvé complètement à poil dans mon lit.

– Ah ouais putain, la chance ! Et vous avez baisé ?

Antoine manqua de recracher ce qu’il avait dans la bouffe.

– Nan, pas du tout ! J’lui ai prêté des vêtements et il s’est barré. Je sais même pas s’il est gay ! Par contre, c’que je peux te dire, c’est qu’il était super bien gaulé !

Une lueur passa dans les yeux de Roland. Antoine savait très bien que son ami adorait qu’il lui raconte ses histoires avec les garçons, que ce soit des coups d’un soir ou des aventures qui ne dureraient pas.

Il s’amusa à décrire le visage et le corps de Tom avec le plus de détails possibles pour le faire saliver un maximum.

– Tu devrais tenter le coup avec lui, lança Roland.

– Nan, aucune chance que ça marche, il était super pudique. J’sais même pas s’il m’a regardé dans les yeux.

– C’est juste la situation qui a fait qu’il a agi comme ça. Moi j’te dis que si tu le mets à l’aise, il va se métamorphoser en une petite chienne prête à tout.

– Eh, doucement, parle mieux de lui ! C’est pas le genre de gars que j’voudrais dans mon lit pour un seul soir.

Roland esquissa un grand sourire et le tapa si fort sur l’épaule qu’Antoine manqua de tomber de son tabouret.

– Il a des papillons dans le ventre, le gosse ?

– Mais tu racontes n’importe quoi, Papy ! J’lui ai parlé maximum 15 minutes.

Les images de Tom, le visage rouge de honte, balbutiant des excuses, revenaient sans arrêt dans l’esprit d’Antoine au cours de la discussion. Mais il savait que ce n’était que passager, qu’après avoir couché avec deux ou trois autres mecs il l’aurait oublié. Ce n’était pas un coup de foudre, il avait déjà ressenti ça avec plein d’autres gars qu’il avait trouvés mignons et avec qui il avait passé un moment seul à seul.

Et de toute façon, ce n’était pas le moment de s’attacher. Il ne lui restait plus beaucoup de temps, il fallait plutôt l’utiliser pour profiter et s’amuser, au lieu de s’attacher et de souffrir inutilement.

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