Chapitre 7

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Ace of Spades - Motörhead

Une eco cup à moitié pleine posée sur la table devant lui, les joues rougies par le froid et l’alcool, les manches de son pull retroussées, Antoine n’avait jamais semblé aussi concentré qu’à ce moment précis où, une balle de ping pong coincée entre les doigts, il fixait les gobelets positionnés de l’autre côté de la table.

Et soudain, une lueur passa furtivement dans son regard, et il lança la balle, qui atterrit directement dans un des gobelets.

– Allez ! s’écria-t-il en tapant dans la main de Martin.

– Putain, t’es chaud ce soir ! s’exclama son pote.

– Nan, c’est juste que les autres jours, j’suis pas à mon niveau normal.

– Et il est modeste, en plus !

Alors que la partie de beer-pong touchait à sa fin, de plus en plus de gens s’agglutinaient sur la piste de danse, en face des DJ de l’association de l’école. La soirée avançait bien et la température commençait à monter, mais Antoine était pleinement concentré sur sa victoire si proche. Il ne restait plus qu’un gobelet au duo adverse, et ce fut à son tour de lancer. Il prit la balle, la trempa dans l’eau, et s'apprêtait à la lancer, lorsqu’il sentit une présence dans son dos.

– J’peux faire un lancer ? demanda une voix familière derrière lui.

Antoine se retourna et aperçut à sa plus grande surprise le visage de Tom, tout souriant, à une trentaine de centimètres du sien. Ses yeux s’écarquillèrent d’un coup, son cerveau s’arrêta brutalement de fonctionner. Il n’arrivait plus à réfléchir, aucun son ne voulait sortir de sa bouche à moitié ouverte.

– Ouais, bien sûr ! répliqua Martin en attrapant la balle dans la main d’Antoine.

– Euh, ouais ouais, pardon, vas-y !

Tom le regarda d’un air à la fois amusé et intrigué.

– T’es pas content d’me voir ?

– Si si, bien sûr ! s’exclama Antoine. C’est juste que tu m’as fait peur, là, à débarquer de nulle part ! Je savais même pas que tu viendrais !

Tom éclata de rire, laissant apparaître ses dents parfaites.

– Moi non plus, je pensais pas venir. J’me suis décidé il y a deux heures. Bon, j’te fais gagner ta partie ?

Il prit un court instant pour se concentrer, puis lança la balle de ping pong, qui atterrit tranquillement dans le dernier gobelet restant.

Tous les gens autour de la table lâchèrent des “Ooooh !” d’admiration et le félicitèrent. Il arbora un grand sourire, tout fier.

Puis il se retourna vers Antoine.

– Bon, c’est pas tout, mais j’ai soif, moi ! On va se servir ?

– Ouais, bien sûr !

Tom lui prit le poignet et le tira en direction du bar, comme un enfant tout excité dans un parc d’attraction qui emmène en courant ses parents à chaque manège.

Lorsqu'il arriva, il fit une remarque à la fille qui servait les gens au comptoir, et elle se mit à rire. Antoine n'avait pas pu entendre ce que son ami avait dit, à cause de la musique. Tom commença à sympathiser et à rire avec elle, tandis qu’Antoine restait en retrait, avec l’impression désagréable que c’était lui, l’étranger à cette soirée. C’était bizarre, il avait l’air tellement plus à l’aise que lorsqu’Antoine l’avait vu les deux premières fois.

Ils passèrent une bonne minute à discuter, c’était comme si Tom avait complètement oublié sa présence dès qu’il l’avait aperçue. Antoine serra le poing et s’efforça de refouler toute pensée négative qui tentait de se frayer un chemin dans son esprit. Il resta patient et attendit que Tom se retourne, tout content.

– Elle est grave sympa, tu la connais ?

– Nan, répondit Antoine en essayant de sourire. C’est une troisième année. T’as l’air de bien t’entendre avec elle !

Tom éclata de rire. Puis il s’approcha de lui et lui murmura à l’oreille :

– En plus, elle a une de ces paires de nibards, mon Dieu !

Antoine ne réagit même pas, il ne savait pas quoi faire, il n’avait même pas envie de lui répondre. Il était en train de bouillir intérieurement. Il n’avait qu’une envie à cet instant précis : disparaître et se faire oublier de tout le monde.

Mais Tom le sortit de ses pensées.

– Bon, on va voir tes potes ?

– Euh… ouais ! Ils sont là-bas !

Ils traversèrent le sous-sol qui servait à organiser les soirées et les évènements de l’école et retrouvèrent Emma et Martin qui discutaient avec d’autres gens. Lorsqu’Emma aperçut Tom, son visage se décomposa d’un coup. Elle fit un pas en arrière en le dévisageant avec une expression de dégoût.

Tom fut tout de suite à l’aise et se retrouva au centre de l’attention. Les gens lui posèrent un tas de questions, sans doute intéressés par le fait qu’il ne soit pas d’ici, et que le fait que des gens de l’extérieur viennent aux soirées de l’école n'était pas très fréquent.

Antoine, lui, restait à sa gauche, debout, les bras ballants et le verre encore vide. Son regard croisa celui d’Emma, qui lui fit un mouvement de tête furtif l’invitant à s’en aller. Il recula d’un pas puis s’extirpa du cercle de gens qui s’était formé, et retrouva son amie dans un coin de la salle, là où la musique était moins forte.

– C’est lui, le gars sur qui t’as flashé ? Je croyais que c’était pas ton genre de mec ?

– Bah… J’ai l’impression de pas le reconnaître, il est totalement différent quand il est en public, et il a même commencé à draguer la troisième année qui servait les boissons…

Rien que le fait de prononcer cette dernière phrase lui arracha une grimace. Emma le tapota dans le dos.

– Assieds-toi, fit-elle d’une voix douce.

– C’est débile, reprit Antoine en s’écrasant sur le canapé le plus proche. J’le connais à peine, j’devrais pas m’emporter comme ça, je comprends pas ce qui m’arrive !

Emma soupira longuement, tout en gardant sa main posée dans sur son dos. Antoine était plié en deux, la tête dans les mains, en train de regarder devant lui Tom en train de se taper un fou rire avec les autres. Il respirait fort et les battements de son cœur avaient accéléré.

– Tu sais, répondit Emma, ça arrive d’avoir des coups de foudre, et crois-moi, je sais exactement ce que tu ressens en ce moment.

– Pourtant je sais très bien que c’est débile, ça m’énerve à un point !

– Ouais, je sais. Mais c’est peut-être mieux que ça se passe comme ça, au moins tu perdras pas ton temps avec des faux espoirs. Eh, j’ai une idée : ce soir, tu bois comme un trou, tu t’amuses comme tu t’es jamais amusé, tu danses comme un fou, et je m’occupe de toi. C’est le meilleur moyen de tourner la page, je le fais à chaque rupture.

Antoine releva la tête et la regarda en fronçant les sourcils.

– T’es sûre que c’est une bonne idée ?

– Mais oui, fais-moi confiance ! J’te ramène chez moi après, tu dormiras sur le canapé. Mais ce soir, c’est ta soirée, et Tom peut aller se faire foutre !

Elle se leva d’un bond et se dressa face à lui, afin de cacher la silhouette de Tom qui commençait à s’agiter sur la piste de danse aux côtés de la fille qui l’avait servi. Et elle lui tendit la main.

– Première étape, commença-t-elle, remplir ce verre. Allez, viens, je t’emmène !

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