Chapitre 13

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L’alcool coulait à flots, la bande de Sacha s’amusait à faire des bombes dans la piscine, ils n’avaient pas l’air d’être dérangés par le froid sec de ce début de nuit de décembre.

A l’intérieur de la maison, la soirée battait son plein. Antoine et Martin faisaient équipe pour un tournoi de beer-pong improvisé sous les encouragements d’Emma.

Le gars à qui Antoine avait malencontreusement asséné un coup de coude avait supprimé sa vidéo, sous la pression des commentaires qui avaient fini par prendre en majorité la défense d’Antoine. C’était un immense soulagement et une grande victoire pour lui. Il espérait que grâce à ce qui s’était passé, les gens le laisseraient tranquille avec cette histoire à l’avenir.

– Bien joué ! s’exclama Martin en levant les bras au ciel, alors que la balle qu’avait lancé son pote venait d’atterrir dans le dernier gobelet de leurs adversaires.

Antoine reprit une gorgée de whisky-coca, puis tapa dans la main de Martin.

– Au suivant ! gueula-t-il, les joues rougies.

Le prochain duo se positionna en face de la table : c’était Tom, accompagné d’un autre gars, qui devait sûrement être un des potes venant de son école de commerce. Le sourire d’Antoine s’évanouit immédiatement.

Ils ne s’étaient toujours pas parlés depuis la dernière soirée, et il avait complètement ignoré les messages que Tom lui avait envoyés depuis. Il y a avait aussi l’histoire toute récente de cette vidéo où il l’avait défendu…

La partie se déroula sans qu’Antoine ou Tom ne disent un mot. Martin continuait ses petits cris de victoire à chaque fois que la balle rentrait dans le gobelet adverse, tandis que le coéquipier de Tom devenait de moins en moins bruyant, sans doute gêné par le silence de son voisin.

Antoine, lui, tentait au mieux de rester concentré sur sa partie et d’éviter son regard. Il rata toutes ses balles, et devenait de plus en plus frustré à mesure que le jeu avançait.

Heureusement pour lui, Martin était en feu ce soir et les adversaires n’étaient pas à la hauteur ; ils finirent par s’imposer de justesse.

– Bien joué ! s’écria Martin à la fin de la partie.

Antoine se contenta de lui sourire brièvement et de lui taper dans la main, puis il s’éclipsa dans le petit jardin qui se trouvait devant la maison, là où les fumeurs discutaient tranquillement.

Il fut rejoint assez rapidement par Tom, qui s’approcha de lui timidement et se plaça à un mètre de lui. Tous deux regardaient en face d’eux, adossés contre le mur, sans se dire un mot. La situation dura quelques secondes, durant lesquelles Antoine n’osa même pas jeter un œil vers lui. Tom se mit alors à pousser un profond soupir du nez.

– Bon, c’est à moi de commencer à parler ? souffla Tom.

Antoine ne bougea pas, et s’efforça de continuer à fixer le paysage en face de lui. Il savait très bien qu’il ne pourrait pas supporter son regard.

– Je sais que tu te sens mal, reprit Tom. Je sais que tu traverses plein de choses, que c’est douloureux, et que personne ne peut savoir ce qui se passe dans ta tête et à quel point c’est difficile pour toi. Et je sais aussi que personne ne peut te sauver, que tout ce que toi ou les autres peuvent tenter, ça ne sert à rien. Mais moi, j’ai envie de t’aider, d’accord ? Alors j’aimerais juste que tu m’écoutes, tu peux faire ça, au moins ?

Antoine hocha timidement la tête. Rien ne pouvait sortir de sa bouche, tout ce qu’il voulait dire était coincé au fond de sa gorge, les mots se bousculaient en lui.

“Oui…” fut tout ce qu’il parvient à dire, après un immense effort.

– Je vois pas ce que tu me reproches. On a passé une superbe soirée l’autre jour, tous les deux. Aucun problème, on a bien rigolé. Et puis la fois suivante, à la soirée de ton école, tu m’ignores complètement, tu m’évites. Et depuis, tu réponds plus à mes messages et tu fais comme si j’existais plus. Je sais qu’on se connaît depuis pas longtemps, mais moi j’te voyais comme un bon pote, et même un peu plus…

Antoine leva subitement la tête, une lueur passa dans son regard.

– Comment ça, un peu plus qu’un pote ?

Tom leva les épaules en regardant au ciel.

– Bah, un ami, quoi. Quelqu’un à qui tu peux te confier, et à qui j’peux me confier aussi.

– Ah, euh… Oui bien sûr, j’te vois comme ça aussi.

– Alors pourquoi tu m’as ignoré tout ce temps ? Il y a cette histoire de vidéo, j’me suis dit que t’étais au fond du trouJ’avais même pas prévu de venir ce soir, j’ai un contrôle important demain matin, à neuf heures. Mais quand Sacha m’a dit que tu venais... Voilà où j’en suis ! J’me suis bouffé les ongles tous les jours pour toi !

Antoine était sous le choc. Il ne savait pas quoi répondre et restait la bouche entrouverte, fixant le visage de son ami déformé par l’émotion. Dans la pénombre de la nuit, il cru même voir que ses yeux étaient un peu humides.

– Euh… balbutia-t-il. Je suis désolé… J’étais complètement paumé, c’était le bordel dans ma tête ces derniers jours… J’ai fait que prendre des mauvaises décisions et ça t’a fait du mal, je m’en veux…

Tom soupira, de la vapeur d’eau émana de sa bouche. Antoine le trouvait incroyablement beau, comme ça. Encore plus que les autres fois. Il était en train de tapoter frénétiquement sur sa cuisse avec ses doigts.

– Je t’en veux pas, c’est moi qui suis désolé. J’y suis allé un peu fort, mais j’avais besoin que ça sorte. Mais maintenant, j’veux que tu me promettes que dès que t’as un problème, tu m’en parles. D’accord ?

– Je te le promets… souffla Antoine.

Il commençait à trembler de partout, et il ne savait pas si c’était à cause du froid ou de l’émotion. C’était sûrement un mélange des deux…

Tom le remarqua, et s’approcha de lui pour le prendre dans ses bras et le serrer contre lui. Antoine posa sa tête contre son torse, contre la chaleur réconfortante de son corps, et se mit à libérer quelques larmes en sanglotant, tandis que son ami lui frottait lentement le dos avec la paume de sa main.

– Je serai là pour toi jusqu’au dernier jour.

You’ll Never Walk Alone - Gerry and The Pacemakers

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