Chapitre 27

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Youth - Troye Sivan

( à un moment de ma vie j'avais un crush sur le chanteur :o )

*1er juin 2022 - 6 mois avant le jour J*

Choisir cette date était un peu comme un doigt d’honneur à la mort, une manière d’affronter le moment fatidique avec un peu plus de légèreté. Tom avait donné rendez-vous à Antoine dans un restaurant chic parisien, pour pouvoir “officialiser” leur relation.

Tom n’avait sans doute jamais été aussi beau que ce jour-ci, avec sa chemise blanche et son chino noir. Son sourire était toujours rayonnant, laissant entrevoir ses dents parfaites et faisant pétiller ses yeux.

Antoine était comme un enfant qu’on emmenait pour la première fois à Disneyland, il ne tenait pas en place et regardait tout autour de lui.

Après avoir patienté quelques secondes à l’entrée du restaurant, ils furent accueillis par un serveur en chemise blanche et nœud papillon. “La chemise de Tom est plus belle”, pensa alors Antoine avec un regard dédaigneux, bombant le torse.

Le serveur les salua et les invita à le suivre. Il les accompagna jusqu'au fond du restaurant, où il restait une petite table libre dans un coin.

– Je prends la banquette ! lança Antoine en passant devant Tom.

Il posa ses mains sur la nappe blanche et s’amusa à regarder tout autour de lui, admirant les tableaux sur les murs, les motifs sur la moquette au sol et les moulures au plafond.

Tom s’assit en face de lui, un grand sourire sur les lèvres. Il sembla hésiter un court instant, puis posa ses mains sur les siennes.

Un frisson parcourut tout le corps d’Antoine.

– Mais… Y a des gens autour. T’as pas peur qu’ils nous voient ?

– J’m’en fous de ce que les gens pensent. Aujourd’hui, c’est notre journée.

Il se pencha au-dessus de la table et vint déposer un baiser furtif sur les lèvres de son amoureux, qui n’en revenait pas.

Ils avaient parcouru tellement de chemin ensemble en si peu de temps ! Il y a quelques semaines, Tom osait encore à peine poser sa tête contre lui. Désormais, il se permettait même de l’embrasser en public, même si cela le faisait rougir jusqu’aux oreilles.

Antoine était profondément touché par tous les efforts qu’il faisait. Il savait très bien que sa mort imminente n’y était pas pour rien, et peut-être que c’était mieux ainsi : quand on n’est pas pressé par le temps, on se dit que l’on peut faire les choses qui nous font peur plus tard, et on les retarde, encore et encore, jusqu’à ce qu’il soit trop tard…

– J’ai dû attendre d’être à six mois de ma mort pour trouver mon premier copain !

– Je comprends pas comment c’est possible, t’es tellement… parfait !

Le compliment de Tom le toucha en plein cœur. Déjà qu’il se sentait particulièrement bien depuis le début de la soirée, là, il avait l’impression d’être si léger…

– Sans doute qu’ils avaient peur de s’attacher et de souffrir quand tu partirais. Moi, j’m’en fous, t’es un gars formidable, et même si on doit rester que six mois ensemble, je sais déjà que ça sera les six plus beaux mois de ma vie !

Les yeux de Tom pétillaient, et pour la millième fois de la soirée, Antoine s’émerveilla de la beauté du garçon qui était assis devant lui.

– D’ailleurs, euh… Je sais que c’est pas trop le moment de parler de ça, mais après ma mort, t’auras totalement le droit d’aller vers… quelqu’un d’autre. Enfin tu fais ta vie comme tu veux. Juste, pas tout de suite après ma mort, s’te plaît. Tu peux attendre, disons, un mois ?

Le visage d’Antoine était devenu écarlate, Tom se mit à rire doucement en prenant la main de son amoureux dans la sienne.

– T’inquiète pas pour moi. Le plus important pour nous deux, c’est de profiter du temps qu’il te reste.

Antoine retira brusquement sa main et la rangea sous la table.

– Nan, Tom, je suis sérieux. J’veux pas que tout tourne autour de moi. On est un couple, maintenant, alors c’est autant toi que moi. Et t’auras une vie après moi, donc j’veux que tu la vives, j’veux que tu puisses te trouver quelqu’un qui te rend aussi heureux que moi, voire même plus ! Et s’il y a un monde après la mort depuis lequel j’peux te regarder, sache que je serais le plus heureux de tous si ça t’arrive, et que pas une seule seconde je serais jaloux, ou quoi que ce soit. Ton bonheur compte autant que le mien, Tom.

Tom se pencha au-dessus de la table et prit l’autre main d’Antoine, puis la tira vers lui.

– T’as raison. Mais j’ai juste pas envie d’y penser pour l’instant. Tout ce que je veux, c’est être à tes côtés chaque jour pour les six prochains mois. Après, je connais la musique, je vais chialer sans m’arrêter pendant des journées entières, je vais pratiquement pas manger ni voir de gens pendant des semaines, et puis je finirai par aller mieux, et quelques mois après, si je me sens prêt, je pourrai sortir avec quelqu’un qui m’accepte comme je suis, c’est-à-dire un mec avec une cicatrice qui se refermera jamais.

Antoine ne sut pas quoi répondre, scotché au fond de la banquette, la bouche entrouverte. Tom avait relâché sa main.

Même après des mois à parler de ça et à en rire, la mort d’Antoine les terrifiait encore tous les deux. C’était comme une horloge, dont le “tic tac” résonnait en permanence dans leur tête, à chaque seconde de leur existence. Tous leurs efforts pour l’ignorer étaient vains, ils pouvaient s’échapper au bout du monde, elle serait toujours là.

– En vrai, c’est pas moi qui suis victime de la malédiction, souffla Antoine.

– Bien sûr que si !

– C’est moi, la malédiction ! cria-t-il.

Les gens autour d’eux se retournèrent vers lui, il fit un petit geste de la main pour s’excuser.

– Qu’es-ce que tu racontes ? s’écria Tom.

– Tous les gens que je côtoie, toi, Emma, Martin… Tous les gens à qui je tiens, je les fais souffrir.

– Mais bien sûr que non ! Et puis t’as jamais forcé personne à t’aimer, c’est nous qui avons choisi d’être à tes côtés !

Antoine secoua la tête.

– Bah je vous comprends pas. À votre place, si j’avais connu un mec qui allait mourir bientôt, je lui aurais même pas parlé. C’est c’que font la plupart des gens : ils font comme si j’existais pas, je leur fais peur, ils croient que c’est comme une maladie, que je vais les contaminer si je les touche ! Eh bah c’est vrai, je t’ai contaminé, toi ! Je t’a condamné à souffrir, et non seulement tu vas perdre quelqu’un à qui tu tiens, mais tu le sais avant même qu’il meure, c’est encore pire !

– Antoine, qu’est-ce qui t’arrive ? Je comprends pas, tout se passait bien, jusqu’ici…

– C’est le problème, justement ! Plus ça va, plus je pense à ce qui va se passer dans six mois, et plus je culpabilise…

– Donne-moi ta main.

Antoine s’exécuta, les yeux humides.

– Je suis désolé… balbutia-t-il, la gorge nouée.

– Désolé de quoi ? T’y es pour rien ! J’ai décidé moi-même, en mon âme et conscience, de rester avec toi jusqu’au bout. Ça a été un choix difficile, mais c’est fait, maintenant. Et t’inquiète pas, je sais ce que ça implique, et je suis prêt à l’affronter. Parce que je t’aime, Antoine.

Un frisson parcourut le dos d’Antoine, sa respiration se coupa.

“Je t’aime” : c’était la toute première fois que ces mots sortaient de la bouche de Tom. Jusqu’à ce moment, ni l’un ni l’autre n’avaient osé les prononcer, comme une phrase interdite, réservée pour les occasions très spéciales. Le jour était donc venu, et devant eux venait de s’ouvrir tout un univers, qu’ils exploreraient tous les deux pour la première fois, main dans la main, pour le meilleur et pour le pire.

– Je t’aime, Tom…

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