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J’ai tout tenté pour éviter d’aller avec les pauvresses alcooliques du Chnord.

— Bah tu vas pas rester comme un con dans ta minuscule piaule à l’hôtel, à mater le porno sur C+, m’a sorti Anaïs, la perfide.

Que répondre à ça ? Une targette ? C’est pas permis en Frankaouiland. Alors, finalement, je retrouvai les filles dans le centre de… non loin du beffroi et du détestable quartier piéton, vers 22 heures, à l’Écluse, tout un programme. Elles étaient déjà bien entamées, dans de petites robes tout à fait hors de propos en cet endroit malsain. Oui, l’assommoir de Zola n’a point disparu, les amis. Des femmes s’y précipitent pour accepter leur sexualité ou leurs contradictions et leurs inhibitions. Elles riaient comme des folles de trucs niais sans le moindre soupçon d’humour. On est, au naturel, très con, mais vouloir en rajouter une couche c’est abuser. Le truc dingue c’est que personne n’a inventé un aliment qui élève le QI, comme si c’était mal l’intelligence, une tare en somme.

J’observais les gens, leur verre à la main, s’intoxiquer gaiement, faisant travailler leur foie à pomper pour rien, une sensation éphémère de bonheur frelaté. Des rires, des gloussements, de petits cris ridicules émaillaient le brouhaha. J’eus droit aux regards réprobateurs des convives, étant le seul à ne pas boire, le type étrange, le type anormal, l’autre, l’étranger, le clandestin.

Anaïs, trop maigre, trop fragile, alla vomir et revint, décidée à me faire du gringue. Elle sentait trop fort la gerbe. Delphine était stone après la phase euphorique. Elle avait le vin triste.

Je décidai de m’éclipser. Voir les gens vous dégoûte de l’humain, fatalement.

— Dis, Lorenzo… fit-elle, tu vas pas nous abandonner, hein ?

— Bah si, alcoolique ! T’cho !

— Lorenzo, t’es un… t’es un… merde, je trouve pas le mot…

— Un connard de sale Belge ! beugla Anaïs.

Une bonne fessée lui aurait trop fait plaisir. Alors j’en pris une sur l’épaule et l’autre sous le bras.

— Lorenzo, t’es un… sauvage !

— Ce mec est pas possible. Mais tu sors de quelle caverne ?

Bien vite Anaïs sombra dans une sorte de coma éthylique, râlant, marmonnant, secouée de spasmes épisodiques. Quelle misère. Quand tu penses qu’elle a le droit de vote comme moi, et qu’elle va voter pour le connard évidemment. La conduire aux urgences ? Et emmerder l’interne de garde ? Dieu y pourvoira.

On a finalement atterri chez Delphine, un petit appartement propret dans une cité de cubes alignés, clapiers humains. Le chat Pitou vint me renifler avec méfiance, puis décida de me coller, comme si j’étais un mec bien : c’était une mémère à chat, tout pour plaire, la Delphine.

Je jetai Anaïs sur le canapé Ikea Söderhman en promo avec un « petit » défaut sur dossier qui se voit même pas, puis tout en maintenant Delphine qui tanguait dangereusement, je me dirigeai vers la chambre à coucher pour me débarrasser d’elle sur le lit, envahi de peluches.

— Putain Lorenzo, j’ai une envie folle de faire l’amour.

— Hein, ça va pas de dire des trucs pareils ! C’est harcèlement !

— Je te jure ! Je mouille ! Je mouille grave !

— Espèce de dévergondée… Mais tu te pisses dessus, pocharde ! Tu pissois !

— Hein ? T’es fou ! Je te dis…

— Tu pisses !

— Oh la la… Qu’est-ce que je tiens… Emmène-moi… Merde, c’est trop tard...

— C’est une honte ! Je suis choqué là !

Delphine se laissa choir sur le lit.

— Dis, Lorenzo, tu vas pas partir, hein ?

— Bah, si, tu imagines quoi ? Que je vais te baiser ? Tu sens le pipi !

— Tu veux pas ?

— Bah non ! Tu vas m’accuser de viol demain. C’est trop là, je me casse !

Je me dirigeai vers la sortie, esquivant la flaque avinée.

— Non ! Me laisse pas, j’ai peur !

— Dors ! À demain… enfin, si tu te réveilles.

— Non, attends, quoi ! Pourquoi tu m’aimes pas ?

— C’est quoi cette question ?

— Est-ce que t’es capable d’aimer quelqu’un ? fit-elle en se redressant, le brushing en vrac, le rimmel coulé, une tristesse immense sur son visage poupin.

Encore cette putain de question à la con ? C’était le dernier article d’un magazine féminin ou la nouvelle marotte d’une influenceuse ? Dans notre monde, on a besoin de gens qui pensent à notre place, qui vivent à notre place, on est dans la matrice.

Je regardais Delphine… chaque détail s’imprégnait malgré moi, je voyais comme un film, sa vie lamentable ; la France produit de la désespérance en masse, si on pouvait la vendre on ferait bondir notre PIB.

— Dis, Lorenzo, pars pas !

— Tu veux quoi, Delphine ?

— Juste parler un peu… Après tu partiras… S’te plaît.

Alors je suis resté un peu. Delphine s’est blottie contre moi. elle sentait le pipi, le vin et le parfum… Mélange étonnant, quintessence de la corruption et de la dépravation.

— Pourquoi t’aime pas les femmes, Lorenzo ?

— Les femmes ne m’aiment pas, alors moi non plus. C’est tout.

— C’est pas vrai !

— Si !

— Non ! Moi, je t’aime bien.

— Dis pas de…

— J’te jure…

— T’es bourrée.

— Juste pompette.

— T’as pissé !

— Pfff ! Une petite fuite de rien du tout. Dis, Lorenzo, t’as été marié ?

— Nan.

— Pourquoi ?

— Pas assez con.

— Dis pas ça… Moi, tu vois, le mariage, j’en rêve. Une relation pour toujours, pour toute la vie, avec des enfants et un homme gentil qui me protège...

— Sérieux ?

— Mais oui. C’est ça le bonheur, tu vois… J’imagine un grand mariage, avec une belle robe blanche… et un bal… et…

Elle parlait, Delphine, elle rêvait, elle se voyait en princesse… J’ai laissé parler. À quoi bon lui dire que 3/4 des mariages finissent en divorce avec pension alimentaire exorbitante, lui dire que baiser toujours la même c’est pas possible, lui expliquer qu’après ses grossesses, elle aura un gros cul.

Je me suis retrouvé coincé entre Delphine et Pitou qui ronronnait en faisant le même bruit que mon rasoir.

Delphine continuait à parler d’un pavillon à la campagne, avec un jardin plein de fleurs. Je mis mon oreillette et passait du Vivaldi, quattro stagioni. Tandis que je filai mollement sur la lagune couverte d’un linceul de brume, en direction d’un rendez-vous secret avec une salope masquée, mariée à un prince honni par son peuple, elle racontait, décrivait… vivait une vie imaginaire dans les bras d’un type qu’elle ne connaissait pas.

Elle finit par s’endormir et se transforma en une petite fille adorable. Je m’extirpai et me sauvait à l’heure du crime dans les rues désertes et le grondement de mon Diesel. Finalement, j’aime être le seul qui reste encore conscient, celui qui ne fait pas comme les autres. Mon esprit fourmillait d’idées et de plans pour conquérir le monde.

À l’hôtel, impossible de dormir. Je matai le golf sur C+, en méditant sur les raisons qui poussent les gens à refuser de penser et à s’intoxiquer pour arrêter leur cerveau.

Le monde est fait pour les idiots. Si tu as plus de 100 de QI, tu n’y a pas ta place. Enfonce-toi un crayon dans le nez, comme Homer Simpson… You-HOU !

Bzzz !

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