"Les bons comptes font les bons amis"

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Fier de son écriture, qu'il qualifiait intérieurement de superbe, il relut une dernière fois son billet avant de faire demi-tour -satisfait et tout sourire- afin de rejoindre ses suivants. Il se gardait bien évidemment de les interpeller de la sorte et s'adressait à eux comme ses égaux, car partir seul en quête de la cité blanche ne le tentait point. Certainement pas après l’événement auquel il avait assisté et durant lequel il avait manqué de périr.

Alors ? Z'avez trouvé de la place pour vot' parchemin interminable ? le charria un de ses deux seconds.

— Je me demande pourquoi je te paie, toi. Aucune manière, un accent affreux et à peine intelligible... Vraiment, je me pose la question !

— Maître Olgeirth, j'suis le plus compétent de vos seconds en alchimie organique. Je doute que vou'puissiez rêver d'un meilleur assistant ! Mon accent, il plaît à la gente féminine locale, alors vot' jugement.

Il esquissa un geste des plus explicites.

— A votre place, je ne me croirais pas aussi indispensable ! Les alchimistes, ce n'est pas ce qui manque. Je n'ai pas acquis le titre de « Maître magicien » grâce à mon unique maîtrise parfaite de la magie. J'ai tout les atouts en ma possession et le peu de savoir que vous croyez détenir, eh bien mon pauvre, je l'ai acquis alors que je ne dépassais pas la taille d'un arbrisseau. Déchargez les chevaux, au lieu de me dévisager. Vous n'avez pas encore le pouvoir de me faire imploser par la pensée...

Delhass fit la moue, leva le menton et prit un air prétentieux. L'autre second, nommé Adan, le bouscula a l'aide d'un des lourds sacs que portait une de leur nombreuses montures. Le jeune assistant perdit son expression hautaine face au choc et eut le souffle coupé, il gratifia son collègue d'un regard noir.

— Ça t'apprendra à te vanter d'être le meilleur. On dirait que le maître déteint sur toi ! Grouille, j'ai la dalle moi, ordonna Adan sans accorder d'attention au ressentiment de l'autre.

Il se contenta de se charger le dos de plusieurs sacs en toile et le devança, tirant les rênes de deux destriers derrière lui. Ce dernier se dirigeait vers l'auberge indiquée par le magicien, sa démarche nonchalante et son lourd chargement attisèrent la curiosité. S'affalant lourdement sur un siège autour d'une table vide, il agrippa d'un geste vif l'avant-bras d'une jeune serveuse de passage.

— Une Gueuze au gingembre et au miel.

— Tout de suite, répliqua-t-elle, toujours souriante. Elle devait certainement avoir l'habitude d'être accostée de la sorte.

— T'aurais pu m'en commander une aussi, égoïste ! grogna Delhass alors qu'il peinait à porter son fardeau. Il manqua de tomber à plat ventre sur la table, suant à grosses goûtes, et s'attira un regard moqueur de la part de son collègue.

— Déjà fatigué, le prodige de l'alchimie ? Je croyais les Elfes plus endurants que... ça.

Adan arbora un fin sourire, il se renfonça davantage dans son siège manifestement très confortable.

— Y fait une chaleur mourante, là dehors ! J'ai pas l'habitude, moi. Je supporte mieux le froid...

— C'est une belle excuse, et puis vu ta pâleur et la blancheur de tes cheveux, je veux bien te croire sur parole. Et si j'étais toi, je prendrais mes jambes à mon cou et je déguerpirais. Il paraîtrait que dans la forêt à la lisière de Scabraskjan, il fait une chaleur mortelle. Ici, c'est le paradis à côté ! conta-t-il sur un ton tantôt sérieux, tantôt moqueur.

L'autre second l'observa, ses yeux ronds presque sortis de leurs orbites et la bouche entrouverte. Un autre arrivant le sortit de sa torpeur en lui claquant le dos d'une forte tape qu'il voulut amicale.

— Valence ! Te voilà, enfin, lança Adan alors qu'il serrait joyeusement le bras qui lui était tendu.

— N'est-ce pas une belle journée ? Le soleil est bien haut, la nature est magnifique et Arhassa regorge de belles et plantureuses jeunes femmes !

— Valence, tu sais que t'es pas payé pour courir la gueuse ?...

La jeune servante interrompit Delhass alors qu'elle passait derrière lui en vitesse.

— Et une autre Gueuze pour monsieur ! lança-t-elle avant de disparaître dans la foule.

— Mais non ! Je veux pas ça, c'est dégueulasse...

Ses cris ne furent pas entendus, la servante était déjà loin.

— Toi qui te plaignais de ne pas avoir à boire, tu seras servi ! se moqua Adan, avant de boire une gorgée de sa pinte.

— Boire ça ? C'est pas de la bière, c'est un tord-boyaux ! Bref... tu boiras, ça toi-même ! Je tiens à mon estomac.

— Tu vas la payer quand même, j'ai pas passé commande pour celle-là !

— Eh beh moi non plus, figure-toi !

— J'ai l'air de me préoccuper de tes problèmes ?

— Ça suffit, bande de radins ! Ça ne vous arrive jamais de vous payer un verre ? Qu'est-ce que je raconte, enfin... Vous deux, si vous le pouviez, vous vous seriez empoisonnés mutuellement. C'est ma tournée, alors faites pas de grabuge.

Delhass le remercia d'un hochement de tête avant de s'asseoir à l'autre bout de la table.

— Il est où De Lir ?

— Sais pas. Sans doute à la Banque locale, il a dit qu'y voulait faire un retrait. Je crois, répondit l'Elfe avant de dévisager la bière qui lui avait été servie.
Il la bouscula en direction d'Adan qui l'attrapa d'un geste expert et s'empressa de commander une boisson plus légère.

— Hmm... J'ai encore du temps devant moi, alors...

— Valence, arrête tes conneries. T'vas finir par choper la chaude pisse, à ce rythme. Et puis comme je t'ai dit tal'heure, avant d'être interrompu... T'es pas payé pour ça, c'est pour tes connaissances en Histoire et en mythe que t'es là. Alors, tu...

— Delhass, tu ne la fermes donc jamais ? Lâche-lui la grappe...

— Toi, on te paie une bière, tu deviens garde du corps.

— Et toi, même si tu m'en donnais mille, je te laisserai crever à la première occasion, lança-t-il, ponctuant la fin de sa phrase d'un beau sourire.

Khader'n..., marmonna l'Elfe avant de sortir de l'auberge, le pas pressé.

— Qu'est-ce qu'il a dit ?

— Que t'es un abruti fini, répliqua Valence lassé et amusé à la fois.

— Hmm...

Décidément, cet Elfe allait vraiment rendre l'aventure moins ennuyeuse pour lui. Un peu de challenge ne lui serait pas de refus.

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