Le 27 juillet de l’an de grâce 1873, depuis la grande table de chêne de notre cuisine ensoleillée

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Alban,

Vous avez grand besoin d’être grondé. J’ai accepté volontairement de vous écrire : ce n’est donc pas pour que vous me refusiez dès la première missive reçue !

Voyons, vous maniez les mots avec une facilité déconcertante. Les images semblent vous venir comme un souffle.

Profitez-en pour égayer ma solitude — car oui, je l’avoue, je suis esseulée. Mon petit papa est parti en voyage d’affaires pour Pondichéry, et me voilà seule à la maison.

Certes, je réussis à m’occuper : c’est la période des confitures. Vous vous plairiez, je crois, dans notre cuisine. L’air y est parfumé de fraise, de rose et de lavande.

Hier, je suis allée au lavoir avec les lavandières ; à force de frotter les draps, je vais finir par avoir des bras plus solides que les jeunes paysans du village !

Je les ai ensuite étendus sur un grand pré fleuri, puis pliés dans de vastes panières d’osier. Demain, je les rangerai soigneusement dans les piles des armoires.

À présent, je me suis installée avec mon papier, mon encrier et ma plume sur la grande table de chêne qui occupe le centre de la cuisine.

Ma chère Marthe, enveloppée dans son tablier à carreaux rouges et blancs, les manches retroussées et le visage rougi par la chaleur du feu, surveille les deux grandes marmites de confiture. Elle manie une cuillère en bois démesurée, véritable sceptre de cuisine. Devant moi s’étend un champ de pots en verre et de couvercles attendant d’être habillés de tissu et scellés d’un lien d’osier.

Je vous enverrai, si vous le souhaitez, un petit colis d’échantillons de nos confitures maison : à défaut de campagne, vous en aurez au moins le goût.

Vous me parlez d’Amazones et de mythologie, cher Alban. Aimez-vous lire ? C’est l’une de mes occupations favorites et je suis bien triste de n’avoir plus aucun ouvrage neuf à feuilleter…

Notre bibliothèque est, hélas, trop limitée à mon goût. Parlez-moi donc de littérature : votre mère m’a souvent confié qu’elle vous rapportait des livres et vous en faisait la lecture. Quels sont vos préférés ? Quels héros hantent vos songes ?

Je compte sur vous. Soyez aussi long et aussi précis que vous le souhaitez : je serai plus qu’enchantée de vous lire.

Je vous souhaite une bonne fin de semaine, et attends avec impatience de vos nouvelles.

Affectueusement vôtre,

Éléonore de Varennes, Duchesse des Confitures de Fraise et Princesse des Paniers d’Osier

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